Pourquoi l’Europe se soucie peu du voyage d’affaires

57

On évoque depuis quelques mois les évolutions de la règlementation européenne dont la finalité est de protéger le consommateur des potentielles dérives des transporteurs, qu’ils soient aériens ou ferroviaires. On sait désormais que le voyage d’affaires n’est pas au centre des préoccupations de la communauté. Une vision surprenante alors que l’économie est un sujet fort des 28 pays membres. Il est donc normal que l’on puisse s’interroger sur cette absence d’intérêt de la part du législateur. Pourtant, la réponse est simple : le poids du lobbying des transporteurs est plus fort que la simple vision associative.

Donner du répondant aux besoins des voyageurs d’affaires, nul doute que l’idée est bonne. Mais elle est plus virtuelle que réelle. «Nous avons aujourd’hui une forte pression des transporteurs pour ne pas peser sur leurs frais d’exploitation» explique un représentant de la Commission transport. Étonnant, car vu du côté des compagnies aériennes, on s’indigne de la seule vision «consommateur», d’une commission européenne qualifiée de «ventre mou qui se plie aisément aux récriminations de quelques groupes de voyageurs». On le voit bien, la situation est complexe. En fait la réalité se trouve effectivement dans les mains des lobbyistes. Et c’est peu de dire que le financement des grosses entreprises pèse plus que la seule volonté de quelques farouches défenseurs des droits du voyageur d’affaires.

Et pourtant, l’Europe ne pourra pas faire l’impasse sur le sujet et jouer indéfiniment l’autruche. La qualité de la relation commerciale, indispensable à nos échanges économiques, passe par une réelle prise en compte des attentes, généralement réalistes et raisonnées, des voyageurs d’affaires et de leurs associations. Certes, on peut aisément se dire que l’avenir du rail dans dix ans est un sujet complexe et nécessaire. On peut toujours se dire que la vision d’une activité aérienne pérenne et en constante évolution prime sur un petit problème de taxes ou de confort de voyage… Mais au final, tout l’environnement du voyageur d’affaires fonctionne parce qu’il y a une réelle activité économique liée aux déplacements professionnels qui, à eux seuls, pèsent autant en résultats financiers que le tourisme. Bref, ne regarder que d’un côté du mur est stupide. A l’heure de la technologie, ne pas favoriser la rencontre c’est accepter l’idée que demain, une caméra et une ligne ADSL seront suffisants aux échanges commerciaux. D’autant que face à cette montée du digital, nul doute que les compagnies aériennes seront les premières à se plaindre d’une baisse du marché du voyage d’affaires. .. La vache à lait des classes « avant ».

Hélène Retout