« Les hôtels doivent anticiper la sortie de crise »

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Frédéric Poulet, président fondateur de l’agence de webmarketing spécialisée dans le CHR (cafés, hôtels, restaurants) Optimize 360 lance un appel à la proactivité des hôteliers dans ce contexte de crise.

DéplacementsPro : Quelle est la situation de l’hôtellerie en France, aujourd’hui ?

Frédéric Poulet : D’après notre panel, 50 % des hôtels ferment ou vont bientôt le faire. Ceux qui restent ouverts – en dehors des établissements proches des centres hospitaliers qui accueillent du personnel de santé – sont vides à l’exception de leurs employés. C’est pour cette raison, bien sûr, que la moitié des hôtels ferment : pour diminuer leurs charges.

Les hôtels sont-ils tous impactés de la même manière ?

A présent que le confinement a été décrété et que nos frontières se ferment, l’impact va devenir sensiblement le même pour tous les hôtels. Mais jusqu’alors, les hôtels les plus touchés étaient ceux de la région parisienne et ceux situés à proximité des gares et des aéroports. La semaine dernière (semaine du 9 mars, ndr), la baisse du chiffre d’affaires était estimée à 70 %. Outre la localisation, l’autre grande distinction se fait entre indépendants et hôtels de groupe. Ces derniers ont évidemment une plus grande capacité d’absorption de ce choc.

Comment les hôteliers doivent-ils anticiper la sortie de cette crise ?

Aujourd’hui, les hôteliers en sont à gérer l’urgence, c’est-à-dire, notamment, à réduire leurs coûts. Ce qui se traduit par des coupes drastiques dans leurs dépenses publicitaires. Il faudra pourtant bien que ces hôtels soient visibles au moment de la sortie de crise. Mais ce n’est pas au moment où la sortie sera effective qu’il faudra agir : ce sera trop tard. Quand ils auront une visibilité sur la fin de la crise, les clients, aussi bien pro que leisure, vont anticiper, reprendre leurs réservations, peut-être deux ou trois semaines avant la sortie de crise escomptée. C’est ce calendrier qu’il faut avoir en tête pour les hôteliers.

Attendre de connaître le moment de la sortie de crise et réinvestir dans la pub et la communication quelques semaines auparavant, c’est donc votre conseil ?

C’est la stratégie globale, oui. Mais il faut aussi y ajouter une stratégie plus fine de communication ciblée. Ça consiste principalement en deux choses. D’une part, suivre attentivement l’évolution sanitaire dans chaque pays pour savoir quelle population pourra être éventuellement cliente et communiquer auprès d’elle. D’autre part, pour le MICE, lister les grands événements qui n’ont pas été annulés mais simplement reportés : à quelles dates sont-ils reportés ? Comment puis-je communiquer auprès des futurs participants ?… Bien sûr, ce réinvestissement dans la publicité sera difficile après une telle période. Cependant, il faut anticiper des marges additionnelles dues à une suractivité de rattrapage en sortie de crise. Ça ne comblera pas totalement les pertes, bien sûr – et, là encore, les hôtels de groupe seront avantagés, mais il faut en tenir compte.

Pour les hôtels tournés vers la clientèle business, le calendrier est particulièrement mauvais puisqu’on peut imaginer une sortie de crise au moment de la période estivale…

Oui, c’est effectivement un très mauvais calendrier. Et il est vrai que les hôtels de villégiature s’en sortiront a priori mieux. Le cas typique, ce sont ces hôtels qui sont habituellement fermés en cette période de l’année et n’ouvrent qu’aux beaux jours – citons La Réserve Ramatuelle, par exemple. Mais, globalement, tout le monde est touché et c’est une caractéristique de cette crise, contrairement au mouvement des gilets jaunes qui impactait la clientèle leisure de week-end et aux grèves de décembre-janvier, qui touchaient avant tout la clientèle corporate de semaine.

A plus long terme, quelles leçons les hôteliers devront tirer de cette crise ?

Se préparer à une crise de cette nature est difficile : elle est par nature imprévisible. Mais le maître-mot, c’est l’anticipation encore et toujours. Je peux donner l’exemple de Best Western ou Marriott, de grands groupes pourtant dotés de solides services marketing : au début de la crise du coronavirus, leur politique commerciale a été très hésitante. Voilà une leçon à tirer : trouver un équilibre entre s’adapter à l’évolution d’une crise et s’en tenir à une stratégie ferme pour y répondre.