Tribune JL Baroux – Après l’avoir créé, IATA doit défendre le transport aérien mondial

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Aérien 2024 : moins de vols, plus de sièges

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, il rappelle, dans cette tribune, le rôle majeur joué par IATA dans la création d'un transport aérien mondial. Désormais, le rôle de l'association doit évoluer.

En dépit des défauts que l’on peut lui trouver, en particulier ses relations très difficiles avec les agents de voyages pourtant nécessaires à la vie du transport aérien, IATA (International Air Transport Association) a parfaitement réussi sa mission qui consistait à créer un transport aérien prospère et fiable. Et ce n’était pourtant pas chose facile à sa création le 19 avril 1945 à l’hôtel Hilton de La Havane. Le monde était alors en plein chaos, la deuxième guerre mondiale était certes sur sa fin, mais elle ne s’est achevée qu’après la capitulation du Japon, le 2 septembre de cette même année.

Tout était à reconstruire. La conférence de Chicago, en novembre 1944,  avait posé les bases du transport aérien moderne en le positionnant d’emblée avec une vocation mondiale, en appliquant les mêmes règles à tous les pays, y compris les pays vaincus. Restait à faire mettre ces directives en application par les transporteurs. Cela a été le rôle dévolu à IATA. Quelques étapes fortes ont jalonné la vie de cette organisation.

L'Interline, coup de génie

Cela a d’abord été lé création des codes des compagnies aériennes et des aéroports, instrument indispensable à la normalisation de cette activité. Imaginés en 1946, ils n’ont jamais été remplacés et leur attribution par IATA marque pour chaque compagnie aérienne l’entrée dans le monde du transport aérien régulier.

Et puis est venu le coup de génie : la mise au point des accords « Interline » qui permettaient d’utiliser les billets émis par une compagnie pour voyager sur une autre, en mettant en route le mécanisme de compensation entre les transporteurs. C’est ainsi que le transport aérien est devenu mondial. La grande époque de la construction des réseaux et des grands transporteurs pouvait commencer, sous l’œil vigilant de IATA qui veillait à ce que la concurrence entre les compagnies ne dégénère pas dans une guerre tarifaire alors incompatible avec les énormes investissements que cette activité devait déployer.

BSP, STB, NDC

A partir des années 1970, c’est-à-dire l’arrivée des très gros porteurs et la généralisation des systèmes électroniques de réservation, IATA s’est efforcée de mettre à la disposition des opérateurs des outils de distribution performants. Cela a d’abord été la création du fameux BSP (Billing and Settlement Plan) par Brian Barrow, qui a transformé la distribution des billets d’avion auprès des agents de voyages et fourni aux transporteurs un outil statistique d’une très grande utilité. 53 ans après, il est toujours en activité.

Au milieu des années 1990, IATA s’est lancée dans un nouveau défi appelé « Symplifying The Business », qui a consisté à remplacer les billets papier en fichiers électroniques. Plus personne maintenant n'imaginerait revenir en arrière. Porté par Tom Murphy, le STB a permis un véritable bond dans la gestion et le développement du transport aérien. La dernière innovation a été lancée depuis maintenant 6 ans, il s’agit du NDC « New Distribution Capability » qui, à terme devrait révolutionner les rapports entre les transporteurs et les clients. Je pourrais également évoquer le produit IOSA (IATA Operational Safety Audit) devenu obligatoire pour adhérer à IATA et dont le but est de renforcer la fiabilité opérationnelle du transport aérien.

Pugnace, arrogante... indispensable

Notons que chaque nouvelle avancée a pris des années avant d’être acceptée par tous les acteurs et donc généralisée. Il a fallu en moyenne 20 ans pour chacune d’elles. La grande force de l’Association est de ne jamais lâcher un projet avant qu’il ne soit amené à son aboutissement. Certes, par bien des côtés, le comportement parfois très arrogant de IATA vis-à-vis des autres acteurs du transport aérien est critiquable. Mais cela ne doit pas enlever le fait que cet organisme est encore irremplaçable. C’est finalement le seul qui permette d’unifier l’ensemble du transport aérien pour des objectifs utiles à son avenir.

Et c’est bien maintenant qu’il devient encore plus indispensable, au moment où le secteur d’activité est devenu le mouton noir des écologistes mais également des politiques. On a pu voir récemment la Première ministre de la France demander devant l’Assemblée nationale une taxe supplémentaire, non pas pour créer un fonds pour la recherche de sa décarbonation, mais pour alimenter les caisses de son concurrent, la voie ferrée !

Pour défendre le transport aérien, il faudra mettre toutes les ressources en commun, qu’elles proviennent des compagnies aériennes, des aéroports, des constructeurs, des innombrables fournisseurs de services et même des agences de voyages. Il faudra dégager des moyens considérables pour mener à bien un lobbying extrêmement puissant, capable d’agir non pas pays par pays, mais mondialement.

Il est urgent de mettre toutes les capacité financières en commun et d’arrêter les petites actions et les petits communiqués de presse séparés, chacun des acteurs voulant se montrer plus actif que l’autre. Voilà un objectif tout désigné pour IATA. Après avoir construit le transport aérien, vient maintenant le temps de le défendre.