SNPL Air France, quand le Président appelle à la grève mais ne la fait pas… Où est l’exemplarité

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Les différents mouvements sociaux organisés depuis plus d'un mois pénalisent le voyage d'affaires mais, surtout, révèlent une curieuse dérive: la grève par procuration. Manipulation ou auto-protection ?

Il y a toujours des bizarreries difficiles à comprendre dans l’univers syndical. Notre excellent confrère, Thierry Vigoureux, a révélé dans le Point que le Président du SNPL et son Vice-Président n’avait pas fait la dernière grève qui s'achève. Ils étaient en repos ou en formation. Une situation qui se serait déjà produite en 2014 mais que rien ne confirme aujourd'hui.

Dans un texte un peu flou transmis à l’AFP, le SNPL justifie la position de sa direction : "Les plannings sont faits un mois à l'avance et donc avant que le principe de la grève, initié par le SNPL et deux autres syndicats de pilotes, ne soit arrêté ». A en croire le texte, nos deux dirigeants auraient tout fait pour se déclarer grévistes…. Ce que la Direction d’AF aurait refusé. Nous n’avons pas eu le même son de cloche en interne. Qu’importe, quel que soit le cas, le 1/30ème du salaire retenu normalement par journée de grève peut toujours être reversé à une association de pilotes nécessiteux voire à des organismes caritatifs. Cela aurait de la « gueule ».

Même relent pour cette info lâchée par les proches du gouvernement et repris par une partie de la presse : le patron de la CGT, Philippe Martinez, était finalement peu concerné financièrement par la grève. Son salaire n’étant pas imputé des jours d’arrêts de travail qu’il incite à faire faire à ses camarades. La CGT précise que la solidarité a joué à fond : 350 000 € auraient été récoltés pour soutenir le mouvement. Nul doute que Philippe Martinez a contribué.

Autre constat surprenant, cette fois à la SNCF: 5% de grévistes peuvent bloquer 95% de salariés qui souhaitent travailler. Idem dans les raffineries ou seuls 8 à 10 % des salariés bloquaient les accès aux collègues qui voulaient reprendre le travail.

On peut comprendre l’énervement des citoyens face au passage en force du gouvernement avec le 49.3, mais il est naturel de s’interroger sur la valeur réelle de nos institutions. Députés et sénateurs sont censés défendre les intérêts de leurs électeurs. On a vu ici une dérobade générale que la rue a voulu combler. Et des exemples de ce type, quelle que soit la couleur, l’orientation ou le nom du parti politique, on pourrait en citer des dizaines.

Chacun en fera sa lecture politique et il ne nous appartient pas de commenter les postures des uns et des autres même si l’exemplarité nous semble de mise en pareil cas. Prenez, les politiques voyages établies au sein des entreprises. De plus en plus de grands patrons, et de petits d’ailleurs, se refusent d’imposer à leurs salariés ce qu’ils ne s’imposeraient pas à eux-mêmes. Pour beaucoup, pas question de vols privés pour convenance personnelle. Pas de first si seule la business est autorisée. Certains lecteurs me prouveront, avec justesse, le contraire mais ce n’est pas la majorité.

Comment être crédible quand on envoie au combat ses troupes en prenant bien soin de rester à l’abri ? Clémenceau disait en 1917 : "Un chef est devant, visible et fier ". Certains aujourd’hui restent derrière pour conserver leur salaire. Sans gloire, ni triomphe mais avec beaucoup de gestes de manches. Dommage, ce sentiment du travail bien fait surtout quand il est payé par les autres.

Pierre Barre