Tribune JL Baroux – Aérien : décollage délicat

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Tribune JL Baroux - Aérien : décollage délicat

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, il liste, dans cette tribune, les difficultés qui perturbent la reprise de l'aérien.

C’est maintenant un fait acquis, le transport aérien a retrouvé ses couleurs, les compagnies renouent avec la rentabilité, les clients ont accepté de fortes augmentations tarifaires et le volume de trafic va très probablement retrouver les chiffres de 2019, soit un an avant les prévisions pourtant qualifiées d’optimistes. Bref, les contempteurs de cette activité qui pronostiquaient sa décroissance en sont pour leurs frais. Et pourtant cela ne se passe pas tout seul.

Grèves

Beaucoup d’obstacles se sont élevés au fur et à mesure de la reprise de l’activité. Cela a d’abord commencé par les grèves et d’abord celles des contrôleurs aériens au premier rang desquels les français. Comme ces derniers n’avaient pas de vrais motifs de mécontentement ils ont suivi les actions des syndicats contre les dispositifs futurs des retraites. On peut rappeler qu’ils ne sont absolument pas concernés car leur statut les protège. Mais c’est plus fort qu’eux, ils doivent montrer régulièrement leur capacité de nuisance. Or la DGAC qui est leur employeur est incapable d’organiser le contrôle aérien sauf à demander aux compagnies d’annuler entre 20% et 30% de leurs vols sur les grandes plateformes françaises. Les dégâts ne se font d’ailleurs pas uniquement sentir en France. Tout le trafic européen nord/sud est impacté ce qui a valu d’ailleurs une violente diatribe de Michael O’Leary le dirigeant de Ryanair qui a pour une fois trouvé un bon motif à une de ses régulières sorties médiatiques. La France n’est pas la seule touchée par des arrêts de travail, d’autres pays européens et en particulier l’Allemagne ont également souffert des grèves des agents de sécurité dans 4 des grands aéroports du pays. Et de toutes façons on peut encore s’attendre à des arrêts de travail pendant les mois d’été.

Le cas lowcost

Les transporteurs « low costs » ont eux aussi été largement perturbés au cours de ce début d’année. D’abord le premier d’entre eux : Southwest Airlines qui vient de subir, le 18 avril un retard portant sur 2360 vols causés par une panne informatique. Cela fait suite aux très importantes annulations que les compagnies américaines ont subies face aux conditions climatiques désastreuses du mois de janvier. Les arrêts de travail se retrouvent maintenant en Europe, en particulier chez Vueling contrainte à annuler une très grosse partie de son programme suite à la grève des personnels navigants commerciaux qui réclament une augmentation de salaires de 15%. Et pendant ce temps-là, la compagnie continue à faire la promotion de ses tarifs à 10,99 €, ce qui ne paie même pas le carburant ! Finalement les salariés de ces entreprises largement mis à contribution pour diminuer les coûts, commencent à trouver leur statut indigne de leur activité. Pas étonnant qu’ils manifestent un certain mécontentement. D’ailleurs il serait surprenant que de nouvelles tensions sociales ne se manifestent pas alors que les tarifs augment en moyenne de plus de 30%.

Aéroport

Les capacités aéroportuaires sont elles aussi un facteur de tension du transport aérien. Les grands aéroports ont été surpris de la forte reprise constatée l’année dernière particulièrement pendant les mois d’été. Ils sont été débordés car ils n’avaient pas prévu un tel afflux de clients et cela a entrainé des désordres, tout de même inacceptables, que ce soit dans la gestion des files d’attente ou dans la manutention des bagages. Les images de 2022 ont été suffisamment éloquentes pour que les mêmes phénomènes ne se reproduisent pas. Mais les problèmes restent même s’ils sont atténués. Il est toujours aussi difficile de recruter des agents au sol, car ces derniers, souvent employés par des sous-traitants soumis à des appels d’offres, sont plutôt sous payés alors que leurs conditions de travail ne sont pas très enviables. La mécanisation de certaines tâches liées à la sureté et aux contrôles d’identité a pris du retard. L’été risque encore d’être délicat, mais cela ne semble pas décourager les clients avides de déplacements lointains.

En attendant le SAF

Et puis il y a toujours cette pression écologiste qui continue à peser y compris sur les dirigeants politiques pour freiner l’expansion du transport aérien. C’est ainsi que le gouvernement néerlandais a tenté de ramener le nombre de mouvements de l’aéroport d’Amsterdam Schipol de 500.000 à 440.000 par an. Pour une fois les grands opérateurs que sont KLM et Air France se sont rebellés et ont porté l’affaire devant les tribunaux administratifs hollandais qui leur ont donné raison. D’autres tentatives seront certainement faites ne serait-ce que pour arrêter les vols privés censés trop polluer alors que ce seront sans doute les premiers à bénéficier de la décarbonisation soit par la propulsion électrique, ou l’utilisation des SAF (Sustainable Avion Fuel).

Il est de plus en plus urgent que tous les acteurs du transport aérien unissent leurs efforts et leurs capacités financières pour créer un très puissant lobbying pour défendre cette si formidable activité.