Voyageurs d’affaires: jouer n’est pas gagné

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C’est le mot « tendance » de ces derniers mois : gamification. De game, jeu en anglais. En français, on pourrait dire "ludification", une sorte de transposition du jeu vidéo dans la vie de l’entreprise. Autrement dit on simplifie la complexité via des mécanismes ludiques utilisés dans la vie quotidienne.

Sur le principe, c’est plutôt génial quand c’est bien fait. Dans la réalité, il n’en va pas de même. Des formations uniquement construites sur le jeu seraient inefficaces sans un minimum d’organisation des phases de jeu. Ce constat, établi par Daniel Green - CEO de l'analyste australien Wikistrat - met en lumière la difficulté de trouver le bon jeu, au bon moment et bien adapté aux besoins réels des utilisateurs. Apprendre n’est pas chose facile et construire un jeu efficace, destiné aux utilisateurs visés demande des études poussées, une bonne vision de la culture d’entreprise et un savoir évident sur le sujet traité. Rien ne saurait se faire sans une analyse sérieuse des attentes et un soutien sérieux des services RH du client.

Mais au-delà, la gamification arrive aussi dans des univers inhabituels comme le recrutement. Finies les rencontres techniques, truffées de piège ou chaque candidat devait tout maîtriser pour mettre toutes les chances de son côté. Aujourd’hui, on joue pour être embauché. Mieux, on joue à des jeux de société connus. L’agressivité ludique au Monopoly ou l’imagination au Scrabe seraient des qualités attendues par les recruteurs qui se méfient des diplômes « trop uniformes ». Quand on sait les enjeux pour certains candidats, l'aspect ludique semble un peu décalé....

Mais on peut encore aller plus loin : dans les aéroports, les hôtels et depuis peu les restaurants. Rien de bien surprenant dans une société économique difficile, oppressante et où la pression est permanente. Jouer dans un aéroport ? L’idée est chinoise. C’est à Beijing que de mini-rébus, rédigés en dix langues, seront installés en 2015 dans les différents terminaux, le long du parcours voyageur. La finalité est simple : faire découvrir des services originaux offerts par la plateforme. Au-delà, le jeu se retrouve sur les écrans où l’office du tourisme permet une découverte originale de la ville. Et au restaurant ? C’est le menu qui devient la piste de jeu. Impossible de savoir si l’on pourra manger ce que l’on a choisi. Le jeu décidera de ce qui sera dans les assiettes.

Est-ce bien raisonnable ? Ne prendrait-on pas les jeunes pour des imbéciles ? «Pas du tout», affirme Alan Green, «C’est même toute la force de la gamification que de parler dans un langage compris de tous et être plus percutant dans la compréhension du savoir». A condition bien évidemment de savoir s’entourer de spécialistes pour évoquer le jeu.

Si vous avez 5 minutes, je veux bien jouer avec vous.

A New York,
Philippe Lantris