American Express, le baromètre de la continuité

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Plus clair, plus ramassé, plus dynamique, le baromètre 2013 d'American Express confirme les tendances du marché. 64% des budgets des déplacements professionnels se sont avérés stables en 2013 contre 63 % en 2012. Pour Éric Audoin, le PDG France d’American Express Voyages d’affaires, "C'est un optimisme prudent qui s'annonce pour 2014".

Les tendances évoquées par Éric Audoin varient relativement peu d'une année sur l'autre. Amex mesure cette année encore les attentes des clients en période de crise tout en annonçant une hausse mesurée des dépenses pour 2013: de 1,5 à 2 %. Sans surprise, les priorités des entreprises en cette période difficile : le recours au meilleur tarif disponible arrive largement en tête des préoccupations formulées par les entreprises (87%). Elles sont 87 % en 2013 à intensifier les mesures de contrôle contre 79 % en 2012. Il est suivi par la notion de sécurité (64% des entreprises interrogées) puis par la demande d'une vision globale des dépenses (56%).
Concernant les leviers d'optimisation des dépenses, sans aucun doute on pourrait dire que le principe est "contrôle à tous les étages". Tous les postes sont concernés et font désormais l'objet d'une gestion poussée et d'un suivi soutenu en terme de ROI. Les entreprises souhaitent également un suivi des billets non utilisés, pousser la réservation à l'avance et en ligne ou renégocier les accords firmes.
Parmi les évolutions sensibles en 2013, une seule surprise, la baisse réelle de la part de l'aérien dans le prix des déplacements professionnels et ce, en raison des modifications structurelles des politiques voyage qui imposent des contraintes aux voyageurs et exploitent au mieux la montée en puissance des low cost sur les marchés de proximité. De fait, la baisse assez forte du prix moyen du billet limite le poids de l'aérien dans le montant global du déplacement. En l'espace de deux ans, elle est passée de 53 % à 37 % du budget d’un déplacement alors que la part de l'hôtellerie grimpe de 22,7% en 2012 a 23,6 % en 2013. Notons la relative baisse du ferroviaire (15,7 % en 2013 contre 16,4 % en 2012) et la bonne stabilité de la location de voiture qui retrouve ses niveaux de 2011 avec 6,8 %.
Dans la série des remarques diverses et variées, Amex annonce le retour du Best Buy (avait-il disparu ?) et explique que la sécurité reste la seconde préoccupation des entreprises, marquées sans doute par leurs obligations légales, alors que les voyageurs eux mêmes ne s'en soucient pas ! Ils ne seraient que 23% à s'y intéresser concrètement. Même constat donc que le Baromètre mené avec Mondial Assistance. Sans doute les effets des échanges de proximité ? L'Allemagne ou le Royaume Uni sont en effet les deux premiers marchés extérieurs de la France.

Des profils de gestion du voyage d'affaires

L'innovation 2013 du baromètre réside dans l'analyse de quatre typologies de clients : les entreprises qui assurent un contrôle limité de leurs dépenses voyages (27 % du panel) et qui sont généralement des PME-PMI dont le domaine d'activité les conduit à des déplacements de proximité, le plus souvent en train. Les sociétés au contrôle pragmatique (28%), dont la finalité reste la logique du déplacement et pour qui le coût est généralement en adéquation avec l'objectif attendu. Enfin celles qui appliquent un contrôle ciblé (24 %) et celles qui souhaitent un contrôle global (21 %). Nous ne rentrerons pas dans le détail typologique de ces deux derniers groupes mais toujours est-il qu'Amex a sans doute trouvé une intéressante piste d'analyse des dépenses même si, dans cette première mouture, il y a trop d'inconnues quant à la structure et l'organisation générationnelle des sociétés évoquées. De fait, les explications données par Eric Audoin semblent logiques face au marché actuel mais reste trop floues pour être analysées avec précision. Même sentiment pour l'économiste Alain de Boissieu, invité à commenter les économies mondiales, resté sur sa faim sur cette partie.

Enfin, Amex a livré ses prévisions pour 2014 et semble plutôt conforme à la vision déjà exprimée par Matthieu Gufflet (EPSA) lors de la présentation 2013 des chiffres français du voyage d'affaires. Les 0,8 % de croissance annoncés par Amex restent dans la logique du marché et ce, malgré une reprise sensible des déplacements, jugés le plus souvent comme "stratégiques" par les entreprises interrogées. La très grande majorité des entreprises (72%) anticipent une stabilité de leur budget déplacements professionnels, contre 64% l'an dernier. Il semblerait que la perception du voyage comme un "investissement" pour l'acquisition de nouveaux clients soit désormais entrée dans la logique de l'entreprise.

Quelle conclusion tirer de ce baromètre ? Incontestablement, sa maturité dans l'analyse des évolutions structurelles du voyage d'affaires. Au delà, il s'engage sur des innovations qu'il faudra suivre avec intérêt car elle pourraient permettre d'établir un meilleur thermomètre européen du voyage d'affaires. Seule inconnue, la pression de la crise sur les prévisions et les tendances qui y sont associées. Il reste à savoir si Amex aura les moyens de poursuivre ce travail. Quel est l'avenir de l'EVP dans sa forme actuelle, avec la mise en place d'un vaste plan de réorganisation annoncé pour 2014 ? Autant de questions qui circulent aujourd'hui dans les allées et qui confirment que l'univers du voyage d'affaires, en perpétuel mutation, est loin d'être sorti de la crise.
Le commentaire de l'économiste Christian de Boissieu, professeur à Paris Sorbonne et ancien Président du Conseil d'Analyse Economique auprès des premiers ministres

A la tribune pour commenter ce baromètre AEXP, Christian de Boissieu a également évoqué la situation générale de l'économie mondiale et française. Globalement et en période de crise "Pas étonnant de constater une demande de maîtrise des coûts". Pour l'économiste, "Les entreprises ont compris qu'elles devaient aller chercher la croissance là où elle est aujourd'hui, à l'international et dans les pays émergents". Et de citer l'Asie et l'Afrique : "il faut y gérer la sécurité, mais l'Afrique est un vivier et les Chinois ne s'y trompent pas !".
La situation économique en France ? Il n'y a pas et il n'y aura quasi pas de croissance en France l'an prochain (0,8 selon le FMI), loin des 1,5% nécessaires pour résorber le chômage. D'où la nécessité d'aller chercher de la croissance ailleurs.
Depuis l'été, les économistes s'inquiètent du manque d'inflation. Cela peut sembler paradoxal, mais la déflation entraine une baisse de croissance. Les ménages attendent que les prix baissent pour acheter, et les entreprises n'investissent pas, faute de moyens. C'est donc un "très mauvais signe économique". Autre source d'inquiétude, la parité euro/dollar. L'euro reste aujourd'hui une monnaie crédible, presque trop puisque son niveau de change handicape les exportations. Ce sera l'un des sujets de 2014 pour la BCE.
La France a donc "quelques soucis". Quelques solutions préconisées par Christian de Boissieu :
- faire cesser l'instabilité fiscale qui décourage les investissements
- miser sur les talents de la France, qui en a
- miser sur l'épargne, abondante, et la diriger vers le financement des PME-PMI
- Avoir un discours positif sur l'entreprise, pour relancer l'investissement et l'emploi, avec une stabilité des règles du jeu.