[Exclusif] Guerre contre les agences : Ryanair multiplie les fronts

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[Exclusif] Guerre contre les agences : Ryanair multiplie les fronts

Outre l'enquête ouverte en Italie pour abus de position dominante, Ryanair se distingue par une pratique douteuse de comparateur de prix au Royaume-Uni. Dans les deux cas, les agences de voyages sont les cibles de la compagnie low cost.

On a récemment évoqué dans ces colonnes le système d'enregistrement en ligne impliquant une reconnaissance faciale du voyageur, mis en place par Ryanair. Sans prendre trop de risques, on considérait alors que la sécurité et/ou la fluidité de l'expérience voyageur n'étaient qu'un prétexte pour mettre en place un process susceptible (et avéré) de créer des perturbations au sein des agences. 

> Lire aussi : Pour Ryanair, les agences ont des têtes qui ne leur reviennent pas

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence italienne a ouvert une enquête pour un abus de position dominante de la part de Ryanair. Les faits dont on soupçonne le transporteur sont de deux ordres : une proposition de services complémentaires - réservation hôtelière et location de véhicules - à même "d'étendre son pouvoir de marché", comme l'expliquent en détail nos confrères de L'Echo touristique. D'autre part, la compagnie irlandaise entraverait l'achat de billets sur son site par les agences, impliquant un recours aux GDS à des conditions bien moins favorables.

Le premier grief peut être imputé à de nombreux concurrents de Ryanair, et on peut imaginer que le recours n'est pas sans lien avec le désaccord profond qui oppose la compagnie irlandaise au gouvernement italien au sujet d'une mesure de plafonnement des prix des billets domestiques dans la Péninsule, selon l'analyse de La Tribune. Le deuxième est beaucoup plus problématique en ce qu'il contreviendrait aux lois du commerce. Dans les deux cas, les cibles du transporteur sont bel et bien les agences.

Les agences sont-elles des voleuses ?

Mais ce n'est pas tout. Tristan Dessain-Gelinet, dirigeant de l'agence de voyages corpo française Travel Planet, a reçu la semaine dernière une alerte de James Diaz, CEO de la branche UK de sa TMC et administrateur de la Business travel Association... Des voyageurs ayant acheté leur billet Ryanair via une agence recevraient un email de la compagnie les invitant à recourir à un comparateur de prix "maison".

L'objectif est que le voyageur prenne connaissance du montant perçu par Ryanair pour son vol et que lui soit révélé, du même coup et par une habile soustraction, le montant du fee perçu par l'agence (notre photo ci-dessous). De là à traiter cette dernière de voleuse...

Sur ce cas britannique, contrairement au cas italien, nulle enquête d'ouverte pour l'instant, à notre connaissance. Pourtant, si la méthode interroge sur des notions peu juridiques telles que, sinon l'éthique, du moins l'élégance, elle pose aussi question en termes de respect des données personnelles - on n'ose évoquer le RGPD puisque ce dispositif relève d'une réglementation UE à laquelle peut se soustraire le Royaume-Uni depuis le Brexit, mais qui, forcément, n'a pas laissé place au vide (nous reviendrons sur ce sujet prochainement).

En effet, en quoi les données du voyageur, qui sont la propriété de l'agence, peuvent-elles être utilisées par la compagnie à des fins autres qu'opérationnelles (retard ou annulation de vol, notamment) ? En quoi, pour le dire plus directement, peuvent-elles être utilisées à des fins commerciales (avec des morceaux de dénigrement à l'intérieur) ?

Si ladite pratique se développe, se déploie et se pérennise, il serait souhaitable que les autorités britanniques compétentes s'en emparent et disent le droit en la matière. Car il y a fort à parier, au regard du passé (du passif ?) de la compagnie, que le Royaume-Uni ne constitue qu'un "marché test" avant généralisation de cette manière agressive de transparence à l'échelle continentale. Ethique et élégance, donc.