Tribune JL Baroux – Aérien : On aura tout vu !

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L’information était tellement incongrue que j’ai passé pas mal de temps à en avoir la confirmation. La DGAC va réclamer aux compagnies aériennes une compensation pour des services de sûreté qui n’ont pas été rendus pour la bonne et excellente raison que les avions étaient cloués au sol. Par conséquence, le trafic passager a baissé d’au moins 70%, ce qui a entraîné mécaniquement une baisse des redevances de sûreté, lesquelles sont payées, faut-il le rappeler, par les passagers eux-mêmes. Alors la DGAC réclame maintenant aux transporteurs pas moins de 550 millions d’euros pour compenser cette perte. Pour faire passer la pilule, il est prévu que le paiement ne commencera qu’en 2024 et qu’il s’étalera sur 6 ans, mais il sera majoré des intérêts légaux et des frais de gestion.

En clair les compagnies déjà exsangues suite aux décisions gouvernementales vont devoir subventionner un des services de l’Etat à la hauteur des prestations potentielles qui n’ont jamais été utilisées. C’est un peu comme si les avitailleurs qui fournissent le kérosène réclamaient le paiement des tonnes de carburant non consommées. Décidemment on marche sur la tête. Cette décision, est d’autant plus scandaleuse que la sureté doit être assurée et payée par l’Etat, c’est-à-dire par l’impôt et non pas les clients de tel ou tel secteur d’activité. Ainsi tous devraient y contribuer y compris les voyageurs de la SNCF, voire même des caristes qui en période de fort trafic sillonnent la France.

Rappelons si besoin en était que les compagnies aériennes ont été amenées à réduire très sérieusement la voilure et à faire de sérieuses économies en diminuant leur masse salariale et tous les avantages qu’elles pouvaient octroyer à leurs employés. Le groupe Air France/KLM va ainsi diminuer de près de 8.000 son nombre de salariés. Les autres transporteurs en font d’ailleurs de même en proportion de leur importance. Même Aéroports De Paris est amené à couper dans ses charges y compris la masse salariale. Alors pourquoi les services de l’Etat n’en font pas autant ? Pourquoi n’ont-ils pas adapté leurs moyens aux services qu’ils devaient rendre ?

La DGAC publie tous les ans un budget appelé le BACEA (Budget Annexe Contrôle et Exploitation Aériens). En clair c’est celui qui soutient le contrôle aérien dont personne ne met d’ailleurs en doute la pertinence, ni la nécessité d’en améliorer les performances par des investissements réguliers. En 2020 ce budget a affiché une masse salariale de 932,6 millions d’euros en diminution de seulement 6,2 millions d’euros soit 0,66% alors que le trafic a baissé de 70%. Où est la volonté de rationalisation ? Pourquoi les services de l’Etat s’abstiendraient des efforts qu’ils demandent aux autres ?

Pour payer toutes ses charges, la DGAC devra encore recourir à l’emprunt. Le BACEA déjà endetté à hauteur de 667,4 millions d’euros a obtenu de lever encore 1,250 milliard d’euros et comme cela ne suffira pas, la DGAC a demandé le droit d’en rajouter 300 millions supplémentaires pour le porter à 1,550 milliards d’euros. Cela portera l’endettement du seul BACEA à 2,100 milliards d’euros. Comment ce montant impressionnant pourra-t-il être remboursé alors que les recettes ne proviennent que des compagnies aériennes et que le trafic de ces dernières ne va pas retrouver son niveau de 2019 avant longtemps ?

Depuis des années les compagnies aériennes se plaignent du manque de performance de la DGAC et du surcroit de paperasserie que cet organisme crée en transposant les directives européennes qui se suffisent à elles-mêmes. Ce faisant elle rajoute des contraintes françaises parfaitement inutiles. Elles paralysent un peu plus les transporteurs nationaux déjà largement pénalisés par les règles sociales qu’ils sont bien obligés de subir.

On ne sortira pas du marasme que connaît actuellement le transport aérien sans de profondes réformes. Il faudra même le repenser en profondeur. Les compagnies devront s’y atteler pour retrouver une nécessaire prospérité avec des coefficients de remplissage bien inférieurs à ceux des dernières années. Mais les services de l’Etat ne seront pas non plus exempts de transformations pour les rendre plus flexibles, plus adaptables aux variations économiques et moins paperassiers.

Pour en revenir aux fameux 550 millions réclamés aux compagnies aériennes, espérons simplement que le bon sens l’emportera et que la mesure sera rapportée.