Ariane Gorin (Egencia) : « Préparer le moment où les gens recommenceront à voyager »

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Ariane Gorin vient de prendre la présidence d’Egencia tout en conservant celle d’Expedia Business Services. Entretien avec la nouvelle femme forte de l’actvité B2B de l’agence américaine.

Dans quel contexte avez-vous pris vos fonction à la tête d’Egencia ?

Ariane Gorin : Ça s’est fait en deux temps Je dirigeais Expedia Partner Solution (EPS), notre service business travel en marque blanche. En décembre 2019, on a créé Expedia Business Services qui regroupe notre agence de voyages d’affaires Egencia et EPS. J’en ai pris la direction. Il était cohérent de regrouper ces deux divisions car elles travaillaient toutes deux sur le support client B2B. Quand Rob (Greyber, ex-président d’Egencia, ndr) a décidé de se retirer j’ai pris la direction d’Egencia en direct début avril (tout en gardant la présidence d’EBS, ndr). Je ne connais pas le business corporate de longue date, je suis en train de l’apprendre en m’appuyant sur une super équipe, et aussi en passant beaucoup de temps à écouter nos clients notamment via notre customer advisory board. Malgré le changement d’équipe nous sommes très focus sur la façon d’accompagner nos clients au mieux dans cette période difficile.

Justement était-ce la meilleure période pour une passation de fonction ?

Rob a décidé de se retirer, je ne peux pas commenter. Mais comme je vous l’ai dit, grâce aux équipes en place très expérimentées, nous sommes concentrés sur l’accompagnement de nos clients.

Cette double casquette EBS/Expédia, c’est pour corriger un manque de synergies au sein de votre groupe ?

En tout cas, dans notre groupe, il peut arriver que des savoir-faire communs coexistent dans différents services sans parfois même le savoir. Alors, le rapprochement dont je vous parle ne consiste pas à fusionner les équipes mais qu’elles apprennent l’une de l’autre. Plus généralement, on est une entreprise globale dans le monde du voyage… Par exemple, nos sites grand public ont des compétences sur le customer service, sur la techno, les programmes d’assurance  qui peuvent être utiles à Egencia. On travaillait dans des silos, on essaye de les casser. Nous rationalisons et nous coupons les doublons pour plus d’efficacité.  

C’est ce qui justifie les 37 licenciements dans les bureaux marseillais et parisiens d’Egencia, à l’automne dernier ? 

Non, je faisais allusion à une restructuration à l’échelle du groupe. Elle a été annoncée en février et aura de possibles répercussions ensuite sur des entité locales (nationales, ndr). Mais ces licenciements de l’automne n’entraient pas dans ce cadre. Concernant les 37 licenciements dont vous parlez, comme vous le savez je viens d’arriver et je n’ai pas l’info… Mais c’est du passé, maintenant on est focalisé sur comment innover et simplifier notre organisation.

Il y aura d’autres suppressions de postes ?

On n’a rien à annoncer (ni licenciements, ni absence de licenciements, ndr)… Aujourd’hui nous n’avons eu recours à aucun chômage partiel. On veille à ce que chaque dollar dépensé dans l’entreprise ait le plus d’impact et à s’occuper de nos employés mais aussi à regarder la santé à long terme de notre business. Pour nous, le plus important, c’est comment on peut être présent pour nos clients. Dès le début de la crise, nous avons dû répondre à un afflux de demandes de nos clients qui voulaient savoir où étaient leurs voyageurs. On a amélioré un travel tracker permettant de savoir où les clients avaient voyagé dans les 30 derniers jours, ce qui était très important dans le contexte de la crise sanitaire. On a créé un help center, on a mis en place des groupes qui travaillaient dans un mode “follow the sun” pour répondre en temps réel, notamment pour gérer les annulations.

Ce n’était pas la question mais puisque vous parlez de vos actions en ce temps de crise. Comment préparez-vous la sortie de crise ?

C’est la deuxième phase. Nos clients sont d’ailleurs sur ce tempo : il y a une période de réponse à l’urgence, une période de préparation du moment où les gens recommenceront à voyager. Plusieurs choses remontent de nos clients, que l’on prend en compte et qui concernent les changements de plans de voyage, très fréquents, vu les circonstances :  comment faciliter les modifications de vols, d’hôtels, etc ? L’autre grand sujet est : que fait-on des billets de vols annulés et transformés en avoirs ? Comment être sûr de tous les utiliser ? Il y a aussi les politiques de duty of care qui vont sûrement être révisées : où pourra-t-on voyager ? Qui peut voyager où ?… Comme nous sommes propriétaires de nos technologies, nos clients vont pouvoir adapter nos outils à leur nouvelle politique, nous les accompagnons dans ce sens. Enfin, le dernier sujet sur lequel nous travaillons, qui dépasse Egencia et concerne toute l’industrie, c’est : comment redonner confiance aux gens ? On parle de compagnies aériennes qui vont faire des testings ou encore de passeports d’immunité… Sur tous ces sujets, on innove.

A propos d’innovation, plusieurs travels managers se plaignent – et c’est indépendant de la crise actuelle – de votre manque de prise en compte de l’empreinte carbone. Avez -vous entendu ces critiques ?

C’est une attente des clients, c’est vrai. Et toute l’industrie doit pouvoir y répondre. Nous y travaillons : il y a 2 mois, nous avons créé un calculateur d’empreinte carbone, des services de conseil qu’on apporte à nos clients pour comprendre les enjeux, établir un programme vertueux et les aider à l’optimiser.

En quoi le BT va-t-il sortir transformé de cette crise ?

Je ne sais pas à quelle date mais le voyage va reprendre. C’est très important pour les entreprises. On fait une étude, l’an dernier : les entreprises qui utilisent le voyage comme un argument stratégique ont une clientèle plus fidèle, plus de parts de marché, plus de satisfaction de leurs employés. Or, on sait que ce qui sera important pour les entreprises en sortie de crise, c’est  : comment on redémarre ? Aller voir les fournisseurs et les clients, ça va être important. Donc on ne peut pas dire comment et quand mais ça va revenir. Peut-être différemment. Peut-être que certains voyages seront remplacés par de la vidéo mais il y aura d’autres raisons de voyager.

Lesquelles ?

Je ne sais pas… C’est dans la nature humaine que de vouloir être ensemble. On voit bien, les gens confinés n’ont qu’une seule envie, c’est de se voir. Peut-être que les voyages seront un peu plus locaux. Mais voyager, c’est dans la nature humaine et c’est ça qui me donne confiance.