Quand l’AFTM décortique la NDC

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New Distribution Capability, voilà le grand sujet du moment dans la distribution de l'offre aérienne, une norme et un thème encore un peu abscons pour les acheteurs et les travel managers. En organisant une rencontre autour de la NDC, l'AFTM a réussi son pari : expliquer la finalité de la norme mais aussi aborder son intégration au sein des entreprises. Pas si simple.

En réunissant une compagnie aérienne, une TMC, un GDS et un représentant de IATA, l'Association Française du Travel management avait concocté un panel de spécialistes capables de répondre à toutes les demandes des participants sur la New Distribution Capability (Nouvelle Capacité de Distribution). Pour les 80 personnes présentes dans la salle, les interrogations étaient nombreuses tout comme les inquiétudes face un changement difficile à appréhender faute d'exemples concrets.

Premier intervenant à ouvrir les débats, Olivier Hours de IATA, commençait sa présentation en expliquant simplement ce qu'était la NDC : un projet de modernisation de la distribution du transport aérien construit autour d'un standard informatique, le XML, permettant d'échanger davantage d'informations que les outils actuels des compagnies aériennes, conçus au début des années 80. Et de préciser que "45 compagnies aériennes auraient adopté la norme d'ici à la fin de l'année 2017 avec une croissance forte d'ici à 2020". Face à un public d'acheteurs et de Travel managers, il a également évoqué la situation actuelle des GDS qui jouent actuellement le rôle de portail pour l'offre des compagnies aériennes, en précisant que les trois acteurs majeurs du métier (Amadeus, sabre, et Travelport) allaient devenir des acteurs importants de cette mutation de la distribution tout comme les TMC qui, pour certaines, avait déjà engagé des réflexions voire des développements autour de la norme.

Mais si la présentation se voulait la plus simple à comprendre, certains aspects de la vision de l'IATA était assez éloignée de la réalité du terrain. Malgré les propos rassurants d'Olivier Hours, il n'est pas certain que la NDC permette un meilleur contrôle pour l'acheteur et une maîtrise renforcée de la politique voyages de l'entreprise. En annonçant une meilleure approche des frais ancillaires, Oliver Hours ne précise pas la maîtrise de l'acheteur sur ce qui sera autorisé ou non aux voyageurs, du repas à l'accès au lounge… Pas certain non plus que la nouvelle norme permette une gestion simplifiée par groupes de voyageurs car aujourd'hui, la NDC n'est pas une interface utilisateur paramétrable par l'acheteur. Pour le représentant de l'association des transporteurs aériens, il était également nécessaire de préciser que la NDC n'était pas un modèle économique, un simple système informatique, un service supplémentaire ou une base de données. Et d'ajouter que ce n'était pas non plus un outil de "directe connect" développée par les compagnies aériennes.

Comprendre les enjeux

Une vision que ne partage pas totalement Tristan Dessain Gelinet, patron de Travel Planet, qui a d'emblée rappelé que la NDC, c'était en fait tout cela à la fois…. avec des atouts et des contraintes. Première d'entre elles, le besoin d'agréger l'ensemble des sources proposées par les compagnies aériennes pour permettre à l'acheteur et à ses voyageur de disposer de toutes les informations fiables au moment de choisir les composantes de son voyage. Malin, il ajoute que "Récupérer l'information est une chose mais l'afficher en est une autre. Comment se feront les choix ? Qui les fera ? Et quel sera l'adaptation aux besoins de l'entreprise proposée par les agrégateurs ?" À ces questions, Alexandre Jorre, directeur marketing d'Amadeus répond clairement que "le rôle et les évolutions du GDS passent par la mise en place de couches intermédiaires qui serviront à alimenter les SBT à partir des flux d'information délivrée par les compagnies aériennes". Et de clarifier sa position : "Amadeus sera un acteur de l'offre NDC". Oui, mais à quel prix, à quelle date et comment ? Des questions que n'élude pas Alexandre Jorre qui préfère parler d'étapes à franchir. "Nous avons déjà les certifications IATA pour faire avancer les développements que nous proposerons au marché rapidement".

La norme NDC, tout bénéfice pour la compagnie aérienne ? "Ce serait réducteur", précise Soline de Montrémy d'Air France. Une vision que partage Emmanuel Gailland, VP distribution d'Air France, qui ne voit que des avantages à la mise en place d'un nouvel outil de distribution comme NDC qui permettra une meilleure gestion de l'offre et des services proposés par le groupe. Et de rappeler que les API permettant d'accéder aux couches NDC seront disponibles en test dès le mois de janvier et opérationnelles en avril 2018. Leur intérêt ? Une information complète de l'offre de la compagnie et un accès à des choix de services pour les acheteurs et les TM. Selon nos interlocuteurs, l'utilisation des outils mis à disposition par Air France KLM évitera aux clients de payer les 11 € de surcharge GDS. "D'autant plus" précise Soline de Montrémy, que "l'accès à l'information pourra se faire directement via l'API ou un agrégateur externe qu'aura choisi la TMC ou le fournisseur de SBT car la compagnie n'impose pas de choix technologique aux utilisateurs". Petite précision apportée par Emmanuelle Gailland, une société cliente d'Air France KLM pourra disposer gratuitement de l'API, "charge à elle de l'intégrer dans ses outils de réservations si elle le souhaite".

Les acheteurs involontairement au coeur de la transformation

"Les GDS sont-ils morts ?", s'interroge la salle. Tristan Dessain Gelinet enfonce le clou : "Pour certaines TMC, la perte de revenus GDS liés à la mise en place des NDC peut représenter 20 à 25% du CA". Pour Alexandre Jorre, au contraire, les GDS sont au coeur de la transformation qui se joue. Il faut regarder l'intégration de l'information dans la chaine complète mise en place par l'entreprise pour ses déplacements professionnels, "Seul le GDS permet une vision panoramique du choix même s'il devra se faire via des outils nouveaux et en toute transparence pour le voyageur".

Enfin, la question attendue par tout le monde tombe : qui paye quoi ? Et l'un des administrateurs de l'AFTM d'enfoncer le clou, un brin provocateur : "je n'ai rien compris à vos explications si ce n'est qu'au final, ce sont les entreprises qui vont régler la note". Une assertion qui fait réagir Air France pour qui, au contraire la NDC est une source d'économies. Ce que confirme Tristan Dessain Gelinet qui, futé, avoue que via un agrégateur les frais seront inéluctables... "Elles seront peu nombreuses les solutions prêtes pour gérer les couches NDC d'Air France au 1er avril 2018", remarque t-il un peu goguenard, reconnaissant au passage que les efforts d'IAG et de Lufthansa ont demandé plus de 6 mois pour s'intégrer aux offres des TMC.

Que doit-on alors retenir de ce débat ? C'est Claude Lelièvre, le Vice Président de l'AFTM, qui résume le mieux la situation actuelle : "Nous ne sommes pas des intégrateurs technologiques, nous ne pouvons pas récupérer les API des 700 compagnies aériennes disponibles pour avoir un choix réellement compétitif. Et n'oublions pas que nous gérons aussi des hôtels, des services et que cette chaîne doit nous garantir la sécurisation des paiements et à l'obtention d'un reporting précis". Et de conclure : "J'ai l'impression que tout cela se fait dans le dos des acheteurs et que nous serons obligés de subir des choix que nous n'aurions pas fait".

Vision pessimiste ? Pas tout à fait. Lucide en l'état des choses, d'autant qu'aucune solution réelle n'est proposée aujourd'hui aux acheteurs qui, via de multiples questions, se sont intéressés à des détails que ne couvrent pas encore la norme NDC.