Jean François Raudin, Malaysia Airlines : « La concurrence d’Air Asia ne nous fait pas peur, elle nous stimule sur un marché déjà très concurrentiel »

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Alors qu'AirAsia X débutera dans quelques semaines ses opérations au départ d'Orly vers Kuala Lumpur, Malaysia Airlines fait le point sur l'année écoulée. 2009 avait été un grand cru pour la compagnie Malaisienne qui avait dégagé 106 millions d'euros de bénéfice contre 53 en 2008. Depuis, comme bien des concurrentes, la compagnie a subi la crise et la relance timide de 2010 mais avoue avoir, relativement facilement, traversé ces difficultés. Ni fanfaronnade, ni crise d'optimisme mais le constat du fort développement du marché asiatique. Rencontre avec Jean François Raudin, Directeur Commercial pour la France et le Portugal.


Déplacements Pros : Comment vivez-vous aujourd'hui l'arrivée d'AirAsia X?

Jean-François Raudin : Pour nous, c'est un non-événement car nous étions déjà informés, dès 2008 des intentions de la compagnie qui n'avait pas caché qu'elle souhaitait venir en France en complément de l'offre déjà implantée en Grande-Bretagne. Dès 2009, elle aurait pu aller en province, mais l'économie du transport aérien à cette époque ne lui était pas favorable. Les accords signés en 2010 entre la France et la Malaisie permettent désormais d'ouvrir une ligne au départ de Paris vers Kuala Lumpur, il est évident que c'est la ligne prioritaire. De plus, avec la crise que nous venons de traverser, l'année qui vient de se terminer n'était pas forcément la meilleure pour lancer une nouvelle ligne. C'est bien pour cela que la compagnie ne démarre que maintenant. Avec peu de vols, c'est à dire peu de chance de les voir séduire le marché du voyage d'affaires. Globalement, AirAsia X récupère beaucoup de clientèle ethnique. Nous l'avons vu à Londres où, en règle générale, ce sont les compagnies du Golfe qui subissent le plus une perte de clientèle. C'est simple à comprendre : pour des tarifs identiques, AirAsia X propose un vol direct.
Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne devons pas nous inquiéter. Il nous faut tout naturellement apporter une réponse concrète à ce qui apparaît d'abord comme une offre tarifaire restreinte. Le prix d'appel qu'AirAsia X a proposé ne peut pas rester comme prix de référence. D'ailleurs en quelques heures les billets proposés pour l'ouverture de la ligne étaient vendus. Une fois passé le lancement, et très rapidement, s'établira une saine concurrence entre les compagnies. Nous préférons travailler à la qualité du service, au confort de nos passagers, à la ponctualité de nos vols et bien évidemment à des offres tarifaires adaptées. Notre réponse se verra concrètement sur le terrain.

Déplacements Pros : Comment analysez vous la présence de Malaysia Airlines en France ?

Jean François Raudin : Voilà déjà 30 ans que nous sommes installés en France. Cela nous donne du recul et une bonne vision du marché avec une analyse sans doute plus précise de la révolution du marché aérien qu'entame l'Asie du Sud-Est. Si vous regardez bien aujourd'hui le marché, ce sont principalement des compagnies peu connues du grand public qui assurent la majeure partie du trafic vers Kuala Lumpur. Il s'agit de Saudia Airlines, d'Egyptair, de Royal Jordanian. Saudia Airlines est même n°2 des ventes entre Paris et Kuala Lumpur. Peu de gens le savent. Il est donc évident que ce marché vers la Malaisie est bien plus concurrencé qu'on ne peut l'imaginer. Malgré tout, nous avons aujourd'hui 50 % de parts de marché sur cette ligne, alors que nous n'opérons qu'un seul vol quotidien en 777-200. Nous obtenons des taux de remplissage de 81 %, environ 30 % en classe affaires et 70 % en classe éco. On le voit bien, la demande est forte, l'offre grossit mais les voyageurs savent faire la différence entre un prix et un transport de qualité.

Déplacements Pros : Quelle est votre vision du marché Corporate aujourd'hui ?

Jean François Raudin : Je dois dire que nous souffrons un peu d'une certaine confidentialité au sein des sociétés françaises. Il y a incontestablement un déficit d'adhésion aux différentes politiques voyages mises en place dans les grandes entreprises. Cette situation ne nous est pas favorable au moment du choix d'un vol vers Kuala Lumpur ou au-delà. La puissance des Miles offerts aux voyageurs sur un réseau important au départ de Paris freine notre développement. Nous en sommes conscients. Nous avons toujours essayé d'expliquer aux entreprises que notre offre était à la fois basée sur la qualité d'un service business, très souvent considéré comme l'un des tous premiers en Asie, et sur des prix attractifs qui permettent la mise en place de contrats spécifiques particulièrement intéressants pour les entreprises. Aujourd'hui nous proposons un contrat Corporate à des sociétés capables d'assurer environ 50 000 € de voyages par an avec nous. C'est un petit budget, mais qui permet d'ouvrir très largement sur une bonne partie de l'Asie du sud-est. En classe éco, le prix moyen de notre billet est de 528 € ce qui nous place dans une fourchette tarifaire très compétitive. En classe business, nous avons un prix moyen de 2177 € A/R sur Kuala Lumpur. Avec le fameux service à bord que je viens d'évoquer.

Déplacements Pros : Dans ce contexte, comment voyez-vous l'année 2011

Jean François Raudin : Incontestablement, nous avons senti une très nette reprise depuis le milieu de l'année 2010. Cela ne veut pas dire que le marché n'est pas tendu. On constate que la bataille des prix est toujours d'actualité. Comme vous le savez, Kuala Lumpur n'est pas une destination Corporate majeure. C'est une porte d'entrée vers l'Asie et Malaysia Airlines propose plus de 100 destinations au départ de son hub. Nous sommes toujours très attentifs au marché français qui est pour nous le troisième plus important en volume et en valeur. Le constant renouvellement de notre flotte, en A380, en A330 ou en B737 800, est un message clair que nous envoyons à nos clients pour montrer notre volonté d'utiliser le meilleur matériel sur nos lignes régulières. Bien sûr, il nous faut aujourd'hui développer nos relations avec les entreprises françaises et leur démontrer que nos offres sont adaptées à leurs besoins de déplacements professionnels en Asie. Nous sommes capables, outre la ponctualité, de leur proposer une vraie relation commerciale "gagnant-gagnant". C'est l'objectif du bureau parisien.

Propos recueillis par Marcel Lévy.