Où en sont les alliances ?

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Il semblerait bien que l’organisation des alliances se soit stabilisée. C’est le moment de faire le point et d’en tirer quelques conséquences. L'analyse de notre chroniqueur, Jean-Louis Baroux

Où en sont les alliances ?
Fini le temps des tentatives hésitantes vouées à l’échec : Alcazar, l’essai du Président de SAS Jan Carlzon de réunifier KLM, Austrian, Swissair et plus tard Sabena au début des années 1990 n’a jamais été achevée. Terminée dans le sang, l’aventure du SAirGroup et de l’alliance Qualifyer mené par Swissair, qui avait les yeux plus gros que le ventre et dont les dirigeants pensaient qu’ils pouvaient camoufler leur inefficacité et leurs charges trop élevées en faisant une croissance effrénée. Il semblerait que les alliances actuelles soient à la fois plus modestes dans leurs ambitions et plus sérieuses dans leur gestion. Je parle des alliances et non forcément des compagnies qui les composent.

Donc, il en reste trois. Star Alliance, la plus ancienne, créée en 1997 et la plus importante avec 27 compagnies, 4386 appareils et 679 millions de passagers transportés. Oneworld date de 1999, c’est pour le moment la plus petite, mais elle représente quand même 12 compagnies, 2459 avions et transporte 336 millions de passagers. Enfin, la dernière SkyTeam regroupe 19 transporteurs, 4050 appareils et est utilisée par 552 millions de passagers.

Au total, ces trois ensembles qui veulent dominer le transport aérien regroupent 58 compagnies aériennes et transportent 1 567 millions de passagers avec une flotte de 10895 avions. Autant dire que voilà des acteurs qui pèsent très sérieusement dans ce secteur d’activité. Rappelons pour fixer les esprits qu’il y a dans le monde aux alentours de 900 compagnies et que ce nombre ne varie que très peu en dépit des nombreux rapprochements et autres disparitions. Il se crée autant de transporteurs qu’il en meurt. Le total de passagers est de l’ordre de 3 milliards, chiffre assez approximatif en l’absence de statistiques fiables que ni IATA, ni l’ACI ne sont capables de fournir. Autant dire qu’avec 6% des transporteurs, les alliances transportent la moitié des passagers. La sélection est rigoureuse et seuls les plus gros sont admis au sein de ces groupes.

Pour autant, est-ce que cette stratégie est payante ? Première question d’ailleurs, en quoi elle protège les clients ? C’est l’argument massue des alliances vis-à-vis des passagers : « nous vous traitons partout dans le monde, nous vous facilitons la vie et finalement nous protégeons vos intérêts ». Est-ce si sûr ? Depuis leur création aucune des alliances n’a été capable d’éviter la faillite de l’un de ses membres et les exemples sont nombreux. Ainsi, Star Alliance a connu les défaillances d’Ansett Australia en 2001, de Mexicana sortie en 2004 pour rejoindre Oneworld avant de faire faillite en 2010, de Varig reprise par Gol en 2007 et plus récemment de Spanair, liquidée en 2012. Oneworld, de son côté a perdu Canadian Airlines rachetée par Air Canada, membre de la Star Alliance en 2000, Aer Lingus sortie en 2007, et n’a pu empêcher la disparition de Mexicana en 2010 et de Malev en 2012. SkyTeam a été plus chanceuse, aucune de ses compagnies n’a fait faillite mais elle a perdu tout de même un membre de poids avec Continental Airlines rachetée par United.
Au fond, les compagnies qui appartiennent à des alliances ne sont pas protégées par les autres membres de leur famille lesquels se désolidarisent immédiatement en cas de difficultés. Finalement l’appartenance à une alliance n’est pas un gage de fiabilité, alors que la communication des compagnies et des alliances aurait une sérieuse tendance à le faire croire.

Alors pourquoi les compagnies se précipitent-elles pour rejoindre telle ou telle alliance ? Tout d’abord l’adhésion n’est pas gratuite tant s’en faut et les cotisations annuelles sont très significatives. Autant dire que la participation à une alliance constitue une charge importante pour les adhérents. Ceux-ci doivent en plus harmoniser leur produit, ou tout au moins tenter de le faire afin qu’une certaine homogénéité soit perceptible par les clients. En échange de ces coûts, les compagnies membres peuvent espérer bénéficier d’apport de clientèle en provenance de l’alliance comme la charte d’adhésion le prévoit. Oui, mais ce qui est gagné en rejoignant un groupe est perdu d’une autre côté car les compagnies membres des autres familles deviennent des ennemis.

Enfin la concurrence au sein d’une même alliance est toujours aussi féroce, chaque équipe commerciale essayant de tirer son épingle du jeu. De plus rien n’empêche un membre d’une alliance de passer des accords de code-share avec un transporteur extérieur.

Au fond, l’appartenance à une alliance peut donner un sentiment de sécurité pour les membres, mais ce n’est en aucun cas une assurance tous risques. Pour cela mieux vaut être performant soi-même, comme le prouve abondamment Emirates.

Jean-Louis BAROUX