Stéphane de la Forcade, HCorpo : « En 2013, nous disons que les acheteurs peuvent régler la problématique hôtelière »

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Rarement un domaine comme l'hôtellerie aura autant motivé les acheteurs et les Travel Managers ces derniers mois. S'il est vrai que dans la plupart des autres domaines du voyage d'affaires, il est désormais assez simple d'identifier et de gérer les économies, l'univers de l'hôtellerie reste lui toujours un peu flou et difficile à consolider.

Difficultés technologiques ? Pas forcément ! Car derrière la transparence attendue par les clients, les comparateurs, les agrégateurs et les groupes hôteliers jouent au chat et à la souris. Diffusion de tarifs privilégiés non publiés, contrats Corporate aux contours confus et flous, absence de logique dans les process de réservation… Il n'en faut pas plus pour que l'ensemble d'une profession se cristallise sur le sujet. Pour Stéphane de Laforcade, Président de HCorpo, il faut désormais apprendre à gérer son parc hôtelier comme on le ferait dans l'aérien, en allégeant et en simplifiant son portefeuille, en rationalisant les coûts et en optimisant les achats. Autant d'enjeux essentiels. Rencontre et bilan de l'année 2012 avec un spécialiste de l'hôtellerie persuadée que la centralisation est un atout de taille.

DeplacementsPros.com : Quels constats faites-vous de 2012 ?

Stéphane de la Forcade : En regardant l'année via mon domaine d'activité, je dirais que la problématique hôtelière dans l'univers du Corporate Travel qui existait en 2010 ou 2011 reste toujours d'actualité. Il suffit d'ailleurs de discuter avec les acheteurs pour se rendre compte que leurs priorités est de trouver des solutions concrètes qui leur permettent de gérer en toute transparence et facilement leurs achats hôteliers. Il vous disent souvent qu'ils manquent de visibilité et qu'ils voudraient rationaliser et optimiser cette dépense en 2013. Je crois également que l'hôtellerie, qui est la seconde dépense dans le monde du voyage d'affaires, est le dernier lieu où l'on peut encore trouver des économies à réaliser sans forcément pénaliser le voyageur. Il m'arrive souvent de rencontrer des acheteurs qui m'affirment qu'ils n'ont pas véritablement de visibilité sur leur périmètre hôtelier. Ils savent qu'ils dépensent près de 40 millions d'euros par an mais ils n'arrivent à en tracer que 20 ! De fait, le marché est multiple, et sa diversité n'est pas un atout, au contraire. Quand on sait que 70 % des hôtels français ne sont pas sur GDS, on résume assez bien l'offre mondiale. Enfin je constate que l'agrégation des sources multiples ne se fait pas aisément, tout comme le paiement décentralisé qui reste difficile à tracer.

DeplacementsPros.com : On dit pourtant que la technologie est devenue l'arme essentielle pour optimiser la dépense hôtelière. Partagez-vous cette vision ?

Stéphane de la Forcade : La technologie est incontestablement une réponse forte aux attentes des acheteurs. Elle ne suffit pas pour autant à gérer la problématique si les process en amont ne sont pas parfaitement maîtrisés.
Nous sommes dans un univers où l'on regarde à la fois le montant possible de la négociation hôtelière, la qualité de l'offre proposée et les attentes du voyageur. Il y a des éléments factuels et précis, et d'autres qui sont incontestablement plus culturels. Notre rôle est d'offrir à l'acheteur la possibilité de rationaliser son besoin hôtelier sans forcément pénaliser son voyageur. Tout cela passe bien évidemment par des outils capables d'apporter un reporting solide, de suivre la centralisation des paiements et de l'associer à une consolidation qui passe par un suivi quasi permanent de la dépense hôtelière. Mais la technologie va au-delà car elle se doit aussi d'assister le voyageur en lui proposant des outils mobiles réellement efficaces et adaptés à ses besoins.

DeplacementsPros.com : Nous avons évoqué ici même, il y a quelques jours, le courrier d'Accor qui contestait l'utilisation de certains tarifs par Hcorpo qu'en est-il ?

Stéphane de la Forcade : Je ne souhaite pas polémiquer sur ce sujet. Je crois tout d'abord qu'il y a une incompréhension de la part d'Accor sur les méthodes et les processs que nous utilisons. Au-delà, j'ai trouvé ce courrier un peu sévère car je n'ai pas compris sa finalité ni même la cause qu'il défendait. Aujourd'hui, nous sommes capables de répondre aux différentes exigences d'Accor pour leur permet d'être présents dans notre solution hôtelière. Je crois surtout que le groupe est partagé entre des hôtels gérés en nom propre et d'autres qui sont franchisés. Sans doute, et je le crois, une certaine partie de l'offre d'Accor est plus complexe à gérer pour le groupe. Pour autant, je souhaite très sincèrement que nous puissions nous rencontrer pour échanger sur le sujet et mettra à plat les différents s'ils existent. Je ne suis pas partisan d'une méthode qui montrerait du doigt un fournisseur sous le seul prétexte qu'il ne correspondrait pas la vision commerciale ou économique d'un groupe hôtelier. Je pense très sincèrement qu'il nous faut parler, échanger, démontrer pour gommer tous les préjugés et prouver que l'offre que nous formulons aujourd'hui dans l'univers du voyage d'affaires et cohérente et ne pénalise pas l'activité d'un groupe, quelle que soit sa taille.

DeplacementsPros.com : Comment voyez-vous 2013 pour HCorpo ?

Stéphane de la Forcade : Il est toujours très difficile de répondre à cette question car, on l'a vu en 2012 et on le verra sans doute en 2013, ces années d'économies forcées changent nos habitudes. On sait désormais qu'il faudra s'adapter à une nouvelle donne : celle imposée par nos clients. Il me semble aujourd'hui compliqué de découvrir des pôles d'économies massives au sein du voyage d'affaires. On a atteint les limites de ce qui pouvait se faire et je crois que pour beaucoup de Travel Managers, et surtout pour leur entreprise, la gestion des déplacements risque d'être plus coercitive qu'elle ne l'était.
Si on analyse les raisons objectives des contraintes budgétaires, on se rend compte qu'il faudra en permanence analyser les dépenses et chercher à les optimiser. Je crois que cette analyse est valable pour tous les domaines du voyage d'affaires, au-delà de l'hôtellerie. Elle démontre avant tout la capacité que doivent avoir les acheteurs pour anticiper les changements et faire en sorte que leur activité s'y adapte. Clairement, c'est plus facile à dire qu'à faire.
A contrario, et c'est le rôle du fournisseur, nous devons tout mettre en œuvre pour fournir des solutions qui répondent à un bout de la problématique posée. Je crois très honnêtement qu'en 2013 nous allons chercher à renforcer notre offre, à améliorer la gestion des volumes et à proposer des outils technologiques plus pointus. Pour cela, nous allons développer très fortement les recrutements afin de trouver les commerciaux capables de porter notre savoir-faire au sein des entreprises. Nous allons également développer des partenariats. Nous venons de le faire avec American Express Voyage d'Affaires et nous aimerions d'ici quelques jours annoncer de nouveaux contrats avec d'autres TMC. Enfin, nous avons un rôle de conseil pour guider l'acheteur vers des hôtels adaptés à ses attentes.

DeplacementsPros.com : Développer veut dire investir ?

Stéphane de la Forcade : Nous avons connu une croissance particulièrement forte en 2012 et nous pensons que nous allons poursuivre sur cette ligne en 2013, et sans doute en 2014. La crise ne nous est pas défavorable car elle offre de réelles opportunités de développement dans des univers où l'offre que nous proposons permet d'économiser l'argent et de rationaliser sa demande hôtelière. Nous avons intégré deux fonds au capital d'HCorpo. Entrepreneur Venture et la Caisse des Dépots et Consignations qui sont devenus des partenaires financiers forts, qui nous permettent de lancer les développements attendus par le marché.
Nous avons un travail important à réaliser dans la consolidation de la data, aujourd'hui encore et sans doute pour longtemps hétérogène, dans les outils de dématérialisation, dans l'optimisation de la traçabilité, dans la centralisation et les solutions de paiement. Avec aujourd'hui un peu plus de 200 000 hôtels connectés, nous apportons une solution de facturation unique facile à contrôler et en adéquation avec les politiques voyages des entreprises. Je crois, et le marché le montre, qu'il y a aujourd'hui un fort besoin d'une maîtrise hôteliers réussie et que nous apportons une réponse claire à cette demande.

Entretien réalisé par Marcel Lévy.