Travailler ensemble : les bonnes règles pour s’entendre

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Travailler à l’export, c’est bien souvent le bâton de maréchal de commerciaux rodés, bien dans leur métier et dans leur tête, qui risquent pourtant de se casser les dents sur des détails pratiques ou l’incompréhension du fonctionnement de leurs interlocuteurs. Un métier a été inventé pour les aider, le «coaching multiculturel». Mode d’emploi.

«Ce n’est pas parce qu’on a un bon produit qu’il est facile à vendre à l’étranger», reconnaît un cadre de CFAO qui a failli perdre un marché au Mali par méconnaissance des coutumes locales. Aujourd’hui la plupart des grands voyageurs d’affaires savent qu’en Chine, il est totalement incorrect de ne pas tendre sa carte de visite en la tenant du bout des doigts des deux mains. Ou encore qu’il est de bon ton, à Tokyo, d’aller boire un verre le soir avec ses interlocuteurs d’affaires pour sceller l’amitié autour d’une bière. Mais à l'international, il ne suffit pas de connaître les différences culturelles ou de les comprendre. Il faut être capable, jour après jour, de les intégrer comme un paramètre de fonctionnement. Aussi bien pour vendre que pour diriger une équipe. Pas simple. Si bien que les plus grands groupes font aujourd’hui appel à des coachs pour donner à leurs cadres le background qui convient.
Développer des compétences
Petit bout de femme blonde qui en impose, Catherine Vielle est l’une de ces spécialistes du coaching multiculturel. Elle a travaillé pour Alcatel, Carrefour et Auchan, Renault, la Sagem ou Thalès notamment, apprenant à des salariés qui travaillaient à l’export ou dans des filiales à l’étranger à mieux intégrer leur environnement : «Il s’agit de comprendre les codes des autres. Ce que vous considérez comme un comportement odieux peut être normal dans un autre pays, ou au contraire ce que vous allez considérer comme un comportement convivial peut être simplement la norme. Par exemple les distances physiques entre les personnes sont très différentes d’un pays à l’autre, et ce n’est pas parce qu’on est distant qu’on est hostile. En Méditerranée, les contacts tactiles ne sont pas forcément des avances». Les règles de base du comportement à tenir se transmettent facilement dans l’entreprise pour éviter les gaffes grossières, mais le coaching permet d’aller bien au-delà des règles de conduite, jusqu’à la compréhension des modes de pensée : «Si vous allez en Asie et que vous ne savez pas qu’on apprend l’écriture via le dessin, vous perdrez bien du temps», souligne Catherine Vielle, «Pour un transfert de technologie, vous passerez des heures à expliquer des choses qui n’auront pas de sens concret pour les gens auxquels vous vous adressez. Vous aurez le sentiment de parler dans le vide, d’avoir affaire à des ânes alors que, tout simplement, les gens n’apprennent pas de la même manière».
L’apprentissage, c’est le formateur qui doit s’y mettre ! En Afrique, ce sont les rapports hiérarchiques qui doivent s’apprendre, note Catherine Vielle : «Les rapports sont traités sur le mode familial, avec une hiérarchie très forte. Le patron est le chef auquel on obéit mais aussi celui qui sait, qui dit ce qu’il faut faire, porte toutes les responsabilités et qui protège, comme un patriarche. Et si vous oubliez cela, vous allez vous planter ! Mais si vous jouez le fonctionnement à fond sans prendre de distance, vous allez vite tomber dans un management colonialiste !».
Un coaching commence par la découverte ou le décodage de son propre mode de fonctionnement pour ensuite comprendre le mode de fonctionnement de ses interlocuteurs, pour éviter de projeter sa propre grille de lecture. Une dose de psychologie, un zeste de diplomatie, le cocktail aurait peut-être pu se faire à l’expérience, mais l’expérience, cela prend un temps que l’on n’a pas toujours, sous la pression de l’entreprise.
Savoir se faire reconnaître
Le coach débute presque toujours son travail « multiculturel » en demandant à chacun ce qu’il sait du pays qu’il doit appréhender. Et recommande vite une petite ficelle simple que les plus grands voyageurs connaissent pour se sentir à l’aise: apprendre deux mots de la langue de son interlocuteur pour savoir lui dire simplement «Bonjour» et « Merci». Un minimum d’éducation qui n’a pas besoin d’un coach ! Au delà, le formateur essaie de comprendre si le futur international est à l’aise dans ses baskets. «Comme dans l’entreprise en interne, il faut que le cadre utilise au mieux son potentiel», souligne Alain Gherson, ancien DRH de Bull, aujourd’hui Vice-président de la société de coaching Dexteam, «Le coaching est là pour cela, c’est un accompagnement et une façon d’être mûr pour travailler avec les autres». De fait, s’il s’agit de savoir emporter l’adhésion des autres pour diriger une équipe ou vendre son produit, le coaching est dans ce cas des plus traditionnels. Mais quand il faut travailler à l’étranger, il faut en avoir les règles. Contrairement à l’Europe où l’on apprécie de voir le patron savoir mettre les mains dans le cambouis, on apprendra que le patron qui prend la pelle en Afrique descend de son piédestal. Idem pour le cadre qui va boire un verre avec son subalterne en Russie : il perd toute crédibilité. Il est recommandé de ne pas faire preuve d’arrogance en regardant dans les yeux, en Chine, celui à qui on essaie de faire signer un contrat. Ou de ne pas faire perdre la face à son fournisseur devant ses salariés si on n’est pas content de ses produits. Les comptes se règlent en petit comité. Enfin le coaching ira dans le détail pour soigner son look: si le «Friday wear» permet d’oublier le costume en fin de semaine aux Etats-Unis, il est recommandé de venir travailler le lundi en jaune en Thaïlande, jour de l’anniversaire du Roi, pour marquer sa révérence pour le souverain (en bleu le jeudi, jour de la reine, mais la couleur est moins omniprésente!).
Il reste à parler coût : «Le coach a une expérience, son salaire est généralement le même que celui des cadres dirigeants qu’il accompagne», explique Joël Brugalières, Coach et ancien Président de la Société Française de Coaching, «Le coach ne fait pas fortune, l’entreprise ne se ruine pas. Les deux y gagnent».

Anne Le Goff
Repères
- Société française de Coaching, 22, boulevard de Sébastopol 75004 Paris. Tél. 01 42 81 96 70 - E-mail : [email protected] - Site Internet www.sfcoach.org
- Business Culture & Management, cabinet de Catherine Vielle, qu’elle a créé en 1996 et dont elle est Directeur Général. 215, rue Jean Jacques Rousseau 92130 Issy les Moulineaux Tél. 01 46 45 06 19 – www.culture-management.net
- Export Partner, cabinet spécialisé dans l'accompagnement et la formation en développement international, notamment sur le Proche et le Moyen-Orient. Son patron Samir Greiss travaille régulièrement avec Business, culture et Management. www.export-partner.fr
- Dexteam, 5 rue Daunou 75012 Paris - Tél. 01 44 77 88 77 www.dexteam.com
- A lire, pour comprendre un métier délicat, « Comment coacher », d’Helena Fourès, executive coach au cabinet Idem Per Idem (www.idem-per-idem.com, 35 € aux Editions d’Organisation.