[Replay] Pourquoi Accor se scinde en deux entreprises

130

[Paru le 24/07/22] Au Fairmont de San Francisco, le Global Meeting Exchange d'Accor a été l'occasion de préciser les contours et objectifs de la profonde restructuration du groupe hôtelier français.

L'année de référence est 2013, c'était il y a 9 ans, incluant deux grosses années de pandémie. Pas tant que ça au regard des près de 40 décennies d'existence du groupe, ou même 55 ans si l'on opte pour l'ouverture du premier Novotel comme acte de naissance du mastodonte hôtelier.

Entre cette baseline 2013 et 2022, Accor a vu son nombre de chambres accru de 38% (775.000 aujourd'hui). Mais ce sont surtout la nature de ses propriétés qui actent la transformation du groupe : la gamme "luxe et lifestyle" a été multipliée par trois sur la même période, pour atteindre aujourd'hui quelque 110.000 chambres. Ce triplement de l'offre "luxury & lifestyle" - qui se retrouve aussi dans la composition du catalogue (33% contre 11% en 2013) place aujourd'hui le groupe français en deuxième position sur ce segment, derrière Marriott mais devant IHG, notamment.

C'est par croissance externe, avant tout, qu'Accor, durant cette faste décennie, a étoffé son portefeuille. En 2015, notamment, en acquérant Fairmont, positionné sur le MICE haut de gamme. C'est d'ailleurs dans l'adresse franciscanaise de cette enseigne (ou se tint, en 1945, la conférence prélude à la création de l'ONU) que se déroulait ce dixième Global Meeting Exchange. Symboliquement, le choix d'un établissement d'un groupe mythique, ancré dans l'histoire américaine, marque une autre réalité saillante pour le groupe français : son internationalisation. Le nombre de propriétés hors-Europe a en effet été multiplié par deux et demi pour atteindre 61% du catalogue.

Cette montée en gamme du portefeuille du groupe, les différents speakers du service commercial au niveau mondial, qu'il s'agisse de Patrick Mendes, Meenaz Daimond ou Markus Keller, la font donc débuter en 2013. Et ce n'est pas un hasard : c'est l'année de l'entrée en fonction de Sébastien Bazin à la tête du groupe. Lequel vient de voir son mandat renouvelé. La stratégie est donc validée et s'amplifiera au cours des années à venir.

> Lire aussi : Sébastien Bazin reste à la tête d'Accor

Le PDG nouvellement reconduit, intervenant en visio lors du GME, de préciser sa vision : "A l'avenir, les clients ne sélectionneront plus leur hôtels sur leur design ou la taille de leurs chambres mais sur des valeurs : une brand experience et non plus un brand product". Un équilibre est donc à trouver entre cette expérience comme marque de fabrique et une différenciation entre les établissements. C'est vrai au niveau des établissements "luxury & lifestyle", puisque, estime Sébastien Bazin, "la définition du luxe est différente selon des générations et les différentes parties du monde".

Deux entreprises

Mais c'est vrai aussi au niveau du catalogue du groupe qui, désormais, est donc très contrasté. Car, ne l'oublions pas, Accor tire encore 75% de ses revenus des établissements entrée, milieu et haut de gamme, segments sur lesquels il est leader mondial, quelle que soit la région, à l'exception notable de la Chine et des Etats-Unis.

Tels sont donc la "philosophie" et les défis afférents. Reste que l'organisation actuelle du groupe n'est pas considérée comme optimale pour respecter la première et relever les seconds. D'où ce grand chantier de restructuration qui se profile. Annoncé au début de l'été, il sera effectif à l'automne. 

Il a débuté par une distinction établie entre les établissements "luxury & lifestyle" et les gammes haut de gamme et moins, les "power brands" comme les désigne le jargon maison. La holding Accor chapeautera les deux entités distinctes en charge de chacune de ces deux familles d'établissements. Concernant la distribution, les programmes de fidélité, la technologie ou les achats, la logique de groupe prévaudra toujours.

Mais pour le reste... Côté "Luxury & Lifestyle", c'est une logique de marques qui s'imposera. Concrètement, quatre CEO présideront aux destinées, respectivement, de Rafles, Fairmont, Sofitel/MGallery et Ennismore (regroupant une douzaine de marques lifestyle telles que Mama Shelter, The Hoxton, Mondrian ou SLS). Ils seront quatre CEO, également, côté "power brands" - Novotel, Mercure et autres Adagio - mais se répartissant par zones géographiques : Amériques, Europe, Moyen-Orient-Afrique-Pacifique, Asie. 

L'objectif de ce split est de permettre une gestion plus fine de chacune des marques, en termes de communication, de recrutement, de sélection des emplacements des hôtels... Mais, nous confie Markus Keller, la finance est aussi un puissant argument en faveur de cette nouvelle organisation : "Les choses sont plus claires, plus lisibles, plus identifiables pour les investisseurs. C'est important pour un groupe du CAC40."

Le CAC40, c'est beaucoup dire : Accor en a été éjecté en septembre dernier au profit d'Alstom, à la faveur de la glaciation de l'activité hôtelière durant dix-huit mois. Mais le groupe n'entend pas jouer les prolongations dans l'indice SBF 120. L'objectif est de réintégrer le gotha boursier hexagonal au plus vite. Et de passer de 775.000 chambres à un million d'ici deux ou trois ans.