Loué soit le Ciel (unique européen) ! Moins de retards, moins de CO2, moins de dépenses

1999
Loué soit le Ciel (unique européen) ! Moins de retards, moins de CO2, moins de dépenses

L'accord sur le "ciel unique européen", conclu la semaine dernière, réussit la prouesse de satisfaire les compagnies aériennes et les écologistes. On explique pourquoi.

Si, en ces temps de campagne électorale européenne, on devait donner un exemple de la pertinence de l’échelle continentale pour relever des défis et améliorer le quotidien de tous, le récent accord sur le “ciel unique européen” tomberait à point nommé.

Depuis près d’un quart de siècle (1999) qu’il est à l’agenda de l’Union européenne, ce projet, dont la seule appellation charriait davantage de visions oniriques que de mesures concrètes, quitte enfin le firmament gazeux des idées pour pénétrer le réel. L’accord conclu mercredi 6 mars au Parlement européen change en effet radicalement les choses.

Car le texte proposé par la Commission et adopté par les parlementaires et le Conseil européens permet d’atteindre un objectif on ne peut plus clair : mettre à bas les "blocs d'espace aérien fonctionnels", soit une organisation du ciel reprenant à peu près les frontières terrestres des Etats membres.

Slaloms

Le parcours des avions qui survolent le Vieux continent s’assimile aujourd'hui et depuis toujours à un slalom entre ces blocs. Le ciel unique européen tend à privilégier la ligne droite au détriment des détours que cette organisation nationale du trafic imposait.

La réduction de la fragmentation de l’espace aérien européen permet ainsi d’accroître “l’efficacité de la gestion du trafic aérien et des services de navigation aérienne” (site du Parlement européen) et donne aux États membres “davantage d'outils pour limiter les nuisances générées par l'activité aéronautique", comme l’explique le ministre fédéral de la Mobilité Georges Gilkinet, au nom de la présidence belge du Conseil.

Un bénéfice pour les compagnies

Il aura fallu que les résistances nationales soient bien fortes pour ralentir l’élaboration puis l’adoption d’un accord qui réussit la prouesse de contenter les compagnies aériennes comme les écologistes.

"L'architecture (...) actuelle de l'espace aérien freine le progrès, génère des vols plus longs, des émissions accrues et des coûts inutiles", résumait mercredi le rapporteur Marian-Jean Marinescu (PPE). Dès lors, on comprend l’intérêt des compagnies : triplement de la capacité d’espace aérien, réduction de moitié des coûts de la gestion du trafic aérien, et sécurité accrue. Mais aussi une économie en carburant estimée à 5 mds € par an. Quant aux coûts liés à la gestion du trafic aérien, ils devraient baisser de 2 ou 3 mds €.

A supposer que ces économies soient répercutées sur le prix du billet, ce serait aussi une bonne nouvelle pour les voyageurs. Ce que ces derniers peuvent, de toute façon, tenir pour acquis, ce sont des vols moins longs et des retards moins importants et moins fréquents (aucune de ces deux "promesses" n'est cependant chiffrée). 

Et un bénéfice pour l’écologie

La diminution des parcours aériens va mécaniquement engendrer une baisse des émissions de CO2. Le Parlement estime que cette baisse s’élèverait à 10% par rapport à 2004. Karima Delli, eurodéputée écologiste et présidente de la commission Transports et Tourisme - qui, par ailleurs, se réjouit de cet accord - considère que cette projection est “optimiste”, mais elle n’en remet pas en cause l’ordre de grandeur. Ce n'est pas rien.

En outre, en termes de vertu environnementale, ça ne s’arrête pas là. A la réduction mécanique des émissions induite par le raccourcissement des trajets, l’accord inclut un levier incitatif. En effet, le gestionnaire de réseau Eurocontrol, qui aura l'œil sur les trajectoires de vol, aura la possibilité de moduler les redevances payées par les compagnies aériennes pour les services de contrôle aérien en fonction de leur adoption de pratiques plus efficaces et plus durables.

L’accord doit encore être approuvé par les représentants des États membres de l’UE et par la commission des transports et du tourisme du Parlement, puis par le Parlement et le Conseil dans leur ensemble", précise le Parlement. Mais, sans aucun doute, une étape cruciale vient d’être franchie.