[Exclu] Près de 500 expatriés français seraient en Ukraine

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Exclu - Près de 500 expatriés français seraient en Ukraine
Suite à l'invasion russe, l'exode routier pourrait concerner 5 millions de personnes.

Il resterait un demi-millier de Français en Ukraine alors que la Russie de Vladimir Poutine a déclenché les hostilités sur tout le territoire ukrainien ce jeudi matin. Pour la plupart des salariés d'entreprises françaises, leurs possibilités de rapatriement sont désormais très incertaines.

Ce mercredi 23 février au soir, la Rada, le Parlement ukrainien, a voté l'état d'urgence. C'est le signal qui a incité le Quai d'Orsay à déclarer dans la foulée le territoire ukrainien "formellement déconseillé" et à enjoindre les ressortissants français qui s'y trouvent à le quitter "sans délai".
 
Ces Français, ils étaient 1.000 au début de l'année 2022. "60% d'entre eux ont quitté l'Ukraine depuis, nous indique une source gouvernementale. Et une centaine supplémentaire s'est inscrite sur les listes consulaires il y a peu, alors que la situation se dégradait". Ce seraient donc 500 Français qui seraient concernés, dans leur très grande majorité installés en Ukraine pour des raisons professionnelles, employés par des entreprises françaises, voire des institutions, telles que l'AEFE (Agence pour l'enseignement du français). 
 
Alors que les troupes au sol russes ont désormais franchi la frontière ukrainienne pour se poster dans la région séparatiste - majoritairement russophone et orthodoxe - du Donbass et que, surtout, depuis la nuit de mercredi à jeudi, son armée de l'air vise des cibles sur l'ensemble du territoire ukrainien, quelles sont les solutions qui se présentent à ces Français expatriés ?
 
"C'est très délicat", considère Ludovic Guérineau, directeur du développement d'Amarante International, l'un des leaders européens de la sûreté et de la protection des organisations. "Moi, évacuer des personnes avant le conflit, je sais faire. Pendant, c'est plus difficile, surtout dans des zones où l'armée française est absente : on n'est pas dans le cadre d'un coup d'Etat en Afrique francophone, par exemple."

Duty of care

Ludovic Guérineau connaît bien le cas d'espèce : son organisation conseille trois grosses entreprises françaises qui ont, pour leur part, au total, plus de 900 salariés ukrainiens qu'ils entendent protéger, en vertu du duty of care. Il explique : "Nous avons travaillé sur différents scénarios dès le mois de décembre. Nous avions prévu quatre phases d'évacuation correspondant chacun à des seuils d'alerte", explique-t-il.
 
En résumé, la phase 1 correspondait à l'évacuation des employés de la région du Donbass, puis de Kiev; puis d'Odessa, puis, dans une phase ultime, à la sortie du pays. La semaine dernière, les trois premiers seuils ont été franchis, les trois premières phases, en conséquence, accomplies. Actuellement, les 900 Ukrainiens en question se trouvent dans l'ouest du pays, prêts à franchir l'un des cinq points de passage avec la Pologne, celui jugé le plus sûr en raison des troupes américaines postées à proximité, côté polonais.
 
Le demi-millier de ressortissants français, quant à eux, n'auraient, pour l'heure, bénéficié d'aucune assistance d'aucune sorte. Seuls des appels téléphoniques de la part des organisations rattachées au Ministère des Affaires étrangères, le Centre de crise et de soutien, notamment, leur sont destinés depuis ce mercredi soir.
 
Mardi dernier, lors de la séance de questions au gouvernement, Jean-Baptiste Lemoyne, ministre (notamment) des Français de l'étranger a assuré de sa solidarité "nos ressortissants français établis (...) en Ukraine, et pour lesquels nous nous mobilisons avec le centre de crise et de soutien." Pourtant, il semblerait que s'il faut, comme le dit le Quai d'Orsay, quitter le pays "sans délai", ce soit par ses propres moyens.

Anticipation

La même source gouvernementale nous assure de "la totale mobilisation du Ministère des Affaires étrangères et de l'Ambassade de France en Ukraine". Certes, mais en termes d'évacuation, la mobilisation doit se faire par anticipation. La prudence parfois jugée excessive des pays anglo-saxons a d'ailleurs fait ses preuves : leurs ressortissants sont sortis du pays depuis plusieurs semaines ou en attente de l'être, dans l'est de l'Ukraine, à un jet de pierre de la Pologne. 
 
Concernant les Français, là où cette "débrouille" obligée dérange, c'est quand on la rapproche du témoignage de Ludovic Guérineau : "Le plan d'évacuation de ces 900 employés ukrainiens, s'il advenait, devait se faire en bus (et ça a donc été finalement le cas la semaine dernière, ndr). Nous avons contacté plusieurs entreprises françaises pour leur proposer d'étendre le dispositif et en faire profiter leurs salariés, français ou non". Il était "peut-être trop tôt", s'essaye Ludovic Guérineau, en tout cas, aucune des organisations contactées n'a donné suite.
 
Les raisons avancées par le même quant à ces fins de non-recevoir ne manque pas d'étonner : "L'évacuation mais aussi et surtout la relocalisation - qui implique des nuitées d'hôtels en nombre imprévisible pour ces salariés et leur famille - coûtent cher". 
 
D'après nos informations, Renault, Danone et surtout l'Association familiale Mulliez (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin...) feraient partie des employeurs les plus importants de ces 500 ressortissants français restés à quai.

La route

Que peuvent-ils faire à présent ? Du côté d'Air France on nous confirme sans surprise que "l'espace aérien ukrainien étant fermé, nous ne pouvons assurer de vols de rapatriements." Des avions militaires français ? "C'est, d'après Ludovic Guérineau, inenvisageable dans la situation actuelle, un tir, volontaire ou non, du côté russe comme ukrainien, étant toujours possible." Le maritime ne serait pas plus pertinent pour des raisons similaires.
 
Reste la route. Mais dans quelles conditions ? On prévoit un exode par cette voie de plusieurs millions de véhicules, peut-être cinq. La frontière moldave est impraticable, les Russes y sont postés. On observe des embouteillages monstres vers la Slovaquie. Donnée qui serait presque cocasse dans un autre contexte : les passages à la frontière polonaise (de toute façon encombrée) se heurtent aux restrictions sanitaires liées au Covid qui, pour l'heure, n'ont pas été levées.
 
En Ukraine, la nourriture et l'eau vont se faire plus rares. Puis ce sera le carburant et le cash. On peut prévoir que les liaisons téléphoniques et internet seront prochainement coupées. Restera le téléphone satellite, mais l'ambassade de France n'a pas les moyens d'en équiper ses ressortissants alors que la guerre est désormais enclenchée : ces derniers n'auront - n'auraient - alors plus aucun lien avec leur pays d'origine.