85% des multinationales non crédibles sur la réduction de leurs émissions aériennes

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La campagne Travel Smart révèle les très grandes insuffisances des politiques voyage des entreprises globales en matière de réduction de l'impact climatique de leurs trajets aériens. Et pointe aussi la prise en compte du seul CO2.

85 % des entreprises mondiales ne se fixent pas d'objectifs ambitieux pour réduire les émissions liées aux voyages d'affaires, révèle la deuxième édition de la campagne Travel Smart.

Elaboré par l'organisation Transport & Environment, qui a influencé toutes la plupart des législations environnementales européennes depuis plus de 30 ans, le Travel Smart, lancé l'année dernière, établit un classement des entreprises sur les pratiques durables en matière de voyages d'affaires. 

49 sur 322

Il classe ainsi 322 multinationales américaines, européennes et indiennes en fonction de 10 indicateurs relatifs aux émissions liées aux déplacements aériens, aux objectifs de réduction et à l'établissement de rapports. Les entreprises se voient attribuer une note A, B, C ou D. Et il en ressort, dans l'édition de cette année, que 11 entreprises ont obtenu la note A, 38 la note B, tandis que la grande majorité a reçu la note C (212) et que 61 entreprises ont vu la note D accolée à leur nom.

Seules 49 entreprises sur 322 se sont fixées des objectifs de réduction des émissions liées aux déplacements professionnels. Parmi elles, elles ne sont que 4 à obtenir le "gold standard", qui distingue les entreprises qui déclarent leurs émissions liées aux voyages d'affaires et s'engagent à les réduire de 50 % ou plus d'ici 2025 au plus tard. Il s'agit de Novo Nordisk (industrie pharmaceutique, Danemark), Swiss Re (finance, Suisse), Fidelity International (finance, Royaume-Uni) et ABN Amro (finance, Pays-Bas).

Dans le tout premier aperçu de la déclaration des émissions autres que le CO2 liées aux vols d'affaires, le classement révèle que 40 entreprises ouvrent la voie en déclarant toutes les émissions de gaz à effet de serre associées aux vols d'affaires. Les géants pharmaceutiques AstraZeneca et Pfizer, ainsi que les sociétés de conseil Deloitte et Boston Consulting Group, ont montré l'exemple en prenant en compte l'impact total des vols dans leurs rapports.

DeplacementsPros avait d'ailleurs interrogé, il y a un an, Gehan Colliander, Global Travel Senior Director de ce dernier cabinet. Elle déclarait alors, à propos de la réduction de l'impact environnemental du travel : "C'est une priorité stratégique pour Boston Consulting Group. Nous avons décidé de réduire nos émissions par employé de 50% (base : 2018) en 2025 et net zéro en 2030. (...) Pour nous, le voyage, c'est 80% de nos émissions du scope 3. Nous avons fait une évaluation critique de nos émissions dans ce domaine et avons concentré nos déplacements sur les voyages créateurs de valeur. Nous avons également mis en place une task force, très proche aussi bien de la direction que des voyageurs, chargée de définir ce qui sera notre façon de voyager demain et de reparamétrer nos OBT en conséquence.

> Lire aussi : Gohan Colliander (Boston CG) : "Moins de voyages donc plus de communication"

Pas que le CO2

Par "impact total", Travel Smart entend les émissions de CO2, certes, mais aussi les autres éléments émis par un moteur d'avion et ayant un impact climatique : oxydes d'azote, dioxyde de soufre, eau, particules de suie. Leur prise en compte ne relève pas d'un zèle quelconque : on estime qu'elles représentent les deux tiers du réchauffement climatique total dû à l'aviation. 

A ce propos, Denise Auclair, responsable des voyages d'affaires chez Transport & Environment : "Les entreprises ferment les yeux sur les effets néfastes des voyages d'affaires en avion (...) ce qui rend tout autre objectif en matière de déplacements sans intérêt dans le contexte de la lutte contre le changement climatique. Seuls quelques pionniers s'alignent sur la science en rendant compte des émissions autres que le CO2 - la partie cachée de l'iceberg de l'impact total de l'aviation sur le climat".

Parmi les "laggards" (retardataires) tels que les qualifie Travel Smart, Volkswagen, KPMG et Johnson & Johnson sont les trois premiers émetteurs du classement Travel Smart sans objectif de réduction de leurs émissions liées aux déplacements. Il est pourtant possible et nécessaire de fixer de tels objectifs, comme l'ont fait des entreprises de taille et de secteur similaires telles que McKinsey, Deloitte et AstraZeneca.

10% pour 50%

L'étude montre que si 10 % des entreprises - les plus gros émetteurs du classement - se fixaient des objectifs de réduction de 50 %, cela permettrait de faire la moitié du chemin pour atteindre l'objectif mondial de réduction de 50 % des émissions liées aux voyages d'affaires en avion d'ici à 2025. 

Pour la décennie critique qui s'étend jusqu'en 2030, Travel Smart rappelle que le meilleur moyen de réduire les émissions de l'aviation est de voler moins. En effet, étant entendu que la compensation ne peut se substituer à la réduction des émissions, les avions à zéro émission ou une utilisation significativement supérieure des SAF (sustainable aviation fuel), ne constitueront de vraies solution qu'après 2030. Dès lors, visioconférence et train sont à privilégier.