SAP Concur Fusion EMEA (2/2) : quand le voyage d’affaires se réinvente…

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Dans le cadre de son Fusion EMEA (Europe Middle-East & Africa), organisé cette année dans un format digital, SAP Concur a organisé une table ronde sur les évolutions majeures du secteur du voyage d’affaires. Compte-rendu.

Quel est l’impact de l’épidémie de Covid-19 dans le secteur du voyage d’affaires ? Quid de la reprise ? Dans le cadre du dernier Fusion EMEA, l’événement annuel du leader mondial des solutions de gestion des notes de frais et des déplacements professionnels, organisé en virtuel ce mardi 7 juillet après-midi, les responsables de SAP Concur ont apporté toute une série de réponses et de solutions (notre article d’hier). Une table-ronde baptisée «Réinventer le voyage d’affaires», animée par Hélène Goumard, EMEA Solutions Principal, a elle aussi contribué à dessiner les contours du voyage d’affaires de demain.

Marine Rivoire

Marine Rivoire, Global Product Marketing MANAGER chez SAP Concur, a rappelé que les entreprises devaient s’employer à recréer de la confiance pour inciter leurs collaborateurs à re-voyager. Olivier Benoit, vice-président d’Advito (bureau de conseil de BCD Travel) a confirmé que la sécurité sanitaire des collaborateurs était désormais une priorité des entreprises, qu’elle s’inscrivait dans le duty of care : «Cette préoccupation passe par une information enrichie dans les outils de réservation, par une révision du processus d’approbation avant le voyage». Xavier Lagardère, vice-président de Lufthansa, en charge des solutions de distribution au sein du groupe aérien européen, a noté pour sa part que les outils digitaux «nous avaient aidé à mettre le paquet sur l’information en termes d’hygiène et de sécurité. Nous avons été réactifs et avons par exemple mis en place en quelques semaines une garantie de rapatriement pour nos passagers en cas de problème sanitaire».

De nombreuses incertitudes sur la reprise

Scott Davies, le Pdg d’ITM (Institute of Travel Management), association dédiée au voyage d’affaires au Royaume-Uni, a toutefois souligné trois handicaps à la reprise de l’activité. «Le premier est l’accès encore limité à certains modes de transports, et à certaines infrastructures. Le second est le budget voyage toujours en baisse dans les périodes de crise. Le troisième est la crainte de voyager, encore très présente chez de nombreuses personnes (…) De plus, nos acheteurs s’attendent à une hausse des tarifs aériens». Scott Davies a également constaté que les processus d’approbation étaient devenus beaucoup plus stricts pendant cette période de crise. Et le recours aux OBT a été limité. «Une étape importante sera ainsi le moment où les entreprises débloqueront les OBT et permettront les réservations sans contraintes». 

Olivier Benoit

«La ‘conformité’ (compliance) est de nouveau la priorité, a constaté Olivier Benoit. Un défi est de s’y retrouver dans toutes les initiatives prises par les fournisseurs sur le plan sanitaire. Un autre est d’essayer de faire des prévisions sur la reprise du secteur du voyage d’affaires dans les trois à six prochains mois».

Scott Davies a noté aussi ces changements dans les priorités. «La ‘conformité’ vise bien sûr à réduire les coûts. Mais elle est plus facile à atteindre quand on donne aux voyageurs des options et des outils qui leur conviennent (…). Le recours au smartphone dans le parcours client en fait partie. Le collaborateur attend des interfaces intuitives et agréables. L’utilisation des données permet en outre de mieux connaître le voyageur et ses besoins. Mais il est essentiel de garantir la sécurité des données».

La concentration du secteur est inévitable

Afin de s’adapter aux évolutions à venir, Olivier Benoit considère également cette crise comme une occasion d’actualiser sa politique voyage et ses données consolidées.  Il invite par ailleurs à profiter de la période actuelle pour reconfigurer son OBT, vérifier l’affichage, le filtrage, etc. Pour Scott Davies, «il est souhaitable que le concept de fournisseur préféré ne s’applique pas pour l’instant». Sur le marché spécifique des TMC, le patron d’ITM anticipe déjà une concentration du secteur inévitable dans une période crise, au profit des plus flexibles. Il a par ailleurs noté que le modèle de rémunération à la transaction (transaction fees) n’était plus adapté dans une période «où disparaissent les volumes».

Pour Marine Rivoire, l’environnement de la distribution continue par ailleurs à évoluer : «La compétition est vive en Europe, avec un mouvement de concentration parmi les fournisseurs cherchant à gagner des parts de marché en privilégiant la distribution en direct». L’objectif est-il le zéro intermédiaire pour une compagnie comme Lufthansa ? «Je dirais plutôt le contraire, a répondu Xavier Lagardère. Depuis cinq ans, nous travaillons avec un nombre plus important de partenaires (…). Si nous avions trois quatre partenaires clés dans le passé, nous sommes capable de travailler aujourd’hui avec 50 ou 70 partenaires technologiques, et encore plus du côté retail, ce qui nous aide à répondre aux attentes des clients».

Bien-être et expérience voyage

Scott Davies

Scott Davies a en outre noté que le bien-être et l’expérience voyage étaient arrivés en seconde positon, parmi les priorités de l’année à venir, chez les travel managers interrogés par l’ITM. Pour Marine Rivoire, la Covid-19 va faire office d’accélérateur des tendances observées avant la pandémie. «Le monde du voyage d’affaires ne sera pas le même après cette crise. Le secteur doit se réinventer». Elle a ainsi rappelé une tendance vers l’«orientation voyageur» (ou traveller centricity) au détriment d’une approche achat : «Les voyageurs sont à nouveau au cœur des problématiques. Les entreprises doivent se concentrer plus que jamais sur la sécurité et le bien-être de leurs collaborateurs. Nous devons adapter nos outils et technologies à la nouvelle génération de voyageurs qui arrive sur le marché. Cette génération est plus sensible à la manière dont on voyage, aux outils utilisés, à la politique voyage qu’il faut appliquer. Et l’expérience voyage doit être renforcée par l’utilisation des données personnelles, tout en respectant la RGPD».

Demain, le secteur du voyage d’affaires sera durable…

Pour Marine Rivoire, nous ne pouvons plus parler de voyage sans mentionner la dimension durable, laquelle va se renforcer encore avec l’épidémie. La question du transport est centrale. Le voyage est de plus en plus présent dans les politiques RSE…

Olivier Benoit a noté pour sa part une demande d’aide croissante sur les problématiques de durabilité l’an dernier. «Les entreprises se fixent des objectifs telle la neutralité carbone à tel ou tel horizon. Les travel managers nous demandent de concevoir des politiques voyage plus responsables, dans le cadre de la démarche globale de leur entreprise. Et cette tendance se confirme, voire s’amplifie aujourd’hui».

Marine Rivoire constate que les millénials vont représenter 75% de la force de travail dans le monde d’ici cinq ans. «Les trois-quart d’entre eux ont déclaré être à même de quitter leur entreprise si celle-ci ne s’inscrit pas dans une démarche durable positive. Et la gestion de ces problématiques va devenir essentielle pour attirer et retenir les talents. Une étude que nous avons récemment réalisée (lire l’article de notre confrère TOM.travel) montre d’ailleurs l’importance croissante de la dimension éco-responsable de son déplacement pour le voyageur d’affaires».

Scott Davies a confirmé le phénomène, notant que 40% des travel managers interrogés dans le cadre d’une enquête d’ITM considéraient que la durabilité serait davantage une priorité désormais qu’avant la crise ; seuls 4% pensent le contraire. «Ces résultats sont spectaculaires ! Et il faut savoir que la génération Y, qui suit celle des millénials, est plus attachée encore à l’engagement des entreprise en matière de durabilité».

Xavier Lagardère

Xavier Lagardère a rappelé que la crise pouvait générer des bonnes mais aussi de mauvaises initiatives sur ces questions de durabilité. «Le renouvellement des flottes peut être retardé. Mais la crise va aussi maintenir au sol les avions les plus gourmands en kérosène», a-t-il indiqué, soulignant les multiples actions engagées par le groupe aérien, dont le fuel vert, la captation du carbone, le plantage d’arbres… tout en reconnaissant que les vrais progrès viendront d’innovations technologiques.

Peut-on à la fois améliorer l’empreinte carbone et réaliser des économies ? «Il ne faut pas choisir entre l’un et l’autre, a répondu Olivier Benoit. Négocier de manière traditionnelle avec vos fournisseurs vous fera gagner 2 à 3% d’économies supplémentaires d’une année sur l’autre. Vous doublez ce gain si vous vous inscrivez dans une démarche qui engage les voyageurs. Et si vous vous inscrivez dans une démarche éco-responsable, vous doublez de nouveau ce gain». Les entreprises ont aujourd’hui de nombreux leviers à disposition pour réduire leur bilan carbone : opter pour des rencontres en virtuel plutôt qu’en présentiel, sélectionner les fournisseurs les plus engagés sur ces questions de durabilité, privilégier des voyages plus intelligents avec par exemple le choix d’un vol direct plutôt qu’avec escale, le déplacement en train plutôt qu’en avion… Et elles vont devoir justifier, plus que jamais, du bien fondé de tel ou tel voyage. Avec un impact difficile à mesurer aujourd’hui.