L’effet des défaillances (2/4) : Le droit

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En cas d’achat d’un vol sec sur une compagnie en situation difficile, il n’existe aucune garantie pour le voyageur. Et ce n’est pas le droit qui peut vous sauver.

Nous avions abordé, dans notre précédent article, les effets de la défaillance d’une compagnie aérienne. Regardons maintenant le côté légal.

Ce que dit la loi européenne pour les vols secs

En regardant de près les textes de loi, on peut découvrir que le règlement européen n°261/2004 sur les droits des passagers aériens prévoit qu’une compagnie se doit d’assurer l’assistance et/ou le réacheminement des voyageurs en cas d’annulation du vol programmé. Bien évidemment, si la compagnie a fait faillite cette continuité de service ne peut perdurer. Le voyageur devra donc prendre de lui-même toutes les actions et supporter les charges financières associées pour poursuivre son voyage ou revenir à son lieu de résidence.

Ce que conseille l’AOST

Comme le précise l’AOST (Autorité de la qualité de service dans le transport), « en l’absence de dispositions spécifiques au transport aérien, et à défaut de souscription préalable d’une assurance spécifique couvrant le cas de faillite de votre compagnie, ce sont les dispositions du Code de commerce relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises qui s’appliquent, que votre billet ait été acheté auprès d’une agence de voyages ou directement auprès du transporteur aérien.

En cas de cessation totale ou partielle de l’activité de la compagnie, le tribunal compétent (le plus souvent le tribunal de commerce du lieu où est situé le siège social de la compagnie défaillante) désigne un mandataire de justice (selon le cas, un mandataire chargé de représenter les intérêts des créanciers de la compagnie défaillante ou un liquidateur).

Dès lors que vous attendez de la compagnie le remboursement de votre billet inutilisé, vous avez une créance sur la compagnie que vous devez déclarer au mandataire. Vous devez lui adresser copie de vos billets d’avion accompagnés d’une lettre certifiant la sincérité du montant de la créance déclarée et précisant vos coordonnées. Des modèles de déclaration de créance sont disponibles auprès des greffes des tribunaux de commerce ou peuvent être téléchargés sur leurs sites électroniques. »

L’AOST précise également que vous devez impérativement effectuer votre envoi au mandataire dans un délai de deux mois à compter de la date de publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de la compagnie. Ce délai est augmenté de deux mois supplémentaires si vous êtes domicilié hors de France métropolitaine, pour les procédures ouvertes auprès d’un tribunal ayant son siège en France métropolitaine.

Cas de la sous-traitance à une TMC

Si une agence de voyages est intervenue dans la vente du billet (toujours dans le cas d’un vol sec), les choses ne seront pas différentes car il faudrait, dans ce cas, que l’entreprise ou que le voyageur puisse prouver que l’agence a fait une faute et que sa responsabilité peut donc être engagée au titre de l’article L.211-17-3 1° du code du tourisme.

Maïtre Valérie Augros précise que : « dans le cas où la faute de l’agence est prouvée, la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la transposition de la Directive « voyages »1 demeure applicable. L’agence n’est pas responsable dès lors que l’inefficacité du titre de transport est due à des circonstances extérieures au contrat, ce qui est le cas en présence de la liquidation judiciaire d’une compagnie (Civ. 1ère, 30 janvier 2007, n°05-20050). Il peut parfois en aller différemment uniquement si l’agence n’a pas fait suffisamment part de sa qualité de mandante et se présente comme seule contractante (Civ. 1ère, 30 octobre 2007, n°06-18510). »

Une alternative côté paiement

Il est toutefois possible de demander le remboursement des paiements, bloqués au sein d’un mécanisme central de compensation (BSP), auprès de l’organisation professionnelle représentant les entreprises du voyage (EDV), sous réserve qu’une procédure de mise sous séquestre soit ouverte par cet organisme et que les fonds n’aient pas été transférés entre-temps au transporteur aérien.

Dans tous les cas, il faut savoir que le voyageur peut faire opposition au paiement sur le fondement des dispositions du code monétaire et financier, mais cela suppose qu’il agisse extrêmement rapidement après l’acte d’achat.

Dans le futur proche

Si des règles juridiques sont édictées, elles le seront au niveau européen, mais attention, car le facteur temps sera important. Déjà, en mars 2013, la Commission européenne concluait qu’il était préférable, avant de proposer des mesures législatives, de renforcer le contrôle des licences des transporteurs aériens (CTA) des transporteurs de l’Union européenne et de mener des actions concrètes envers les compagnies aériennes et les assurances. Il n’y aura donc aucune solution à court terme. Les services achats (clients et TMC) devront donc s’assurer de la viabilité des compagnies pressenties pour effectuer des transports et ils devront exercer une veille commerciale active pour détecter une éventuelle fragilité. Quand on sait que même les analystes financiers ont du mal à réaliser cet exercice, il vaut mieux investir dans une solution d’assurance adaptée même si cela à un coût. L’autre solution consiste à acheter au juste prix et d’arrêter le cost killing qui se retourne toujours contre celui qui le pratique.

 

1 : NDLR – Directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil