Pour Anne Rigail (Air France), le défi technologique de l’aérien, c’est la décarbonation

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Pour Anne Rigail (Air France), le défi technologique de l'aérien, c'est la décarbonation

En clôture de l'APG World Connect, Anne Rigail, DG d'Air France, a participé à une conférence consacrée à la technologie dans l'aérien. Recension de ses principales déclarations.

L’année 2023…

“Pour toute l'industrie, l’année a été très bonne. Je n’appellerais pas ça un “travel revenge” car l’expression me déplaît, mais les gens ont soif de voyages, on l'a vu avec un été très fort. Notre but est de nous remettre totalement du Covid et c’est ce que nous sommes en train de faire.”

La technologie et la durabilité…

“La technologie est une priorité de notre agenda mais d’une façon différente… Ces 10 dernières années, c’était en relation avec l’expérience client, la data, la personnalisation… C’est toujours très important mais aujourd'hui le défi que nous avons à relever, probablement dans le monde, mais particulièrement en France et en Europe, relève de la décarbonation, de la transition environnementale. Et dans ce domaine, la technologie est indispensable. Pour la conception des nouveaux appareils, et nous avons de nouvelles commandes chez AF à un niveau jamais connu (cinquante A350, depuis quelques semaines, qui se sont ajoutés à 41 A350-900 déjà commandés, notamment). C’est la première étape pour décarboner. C’est aussi très onéreux : un milliard par an, mais c’est obligatoire. 

La deuxième étape, c’est le SAF (sustainable aviation fuel). Le SAF que nous utilisons aujourd’hui est issu de la biomasse, n’est pas très évolué, et nous allons avoir besoin de la technologie pour le faire évoluer car la biomasse est limitée, besoin de l’hydrogène pour améliorer l’utilisation de la biomasse et enfin nous aurons besoin de fuels synthétiques qui ne sont pas encore tout à fait mis en œuvre, déployés et les usines adaptées manquent encore. 

Notre objectif est d'utiliser 10% de SAF d'ici 2030. Aujourd’hui, nous en sommes à 1 % mais nous utilisons 17% du SAF produit mondialement l’an dernier, soit 240.000 tonnes. En 2030, nous aurons besoin de 20 millions de tonnes. La technologie, c’est aussi l’écopilotage, qui représente 5% d’économie d’énergie - on parle ici d’outils que nos pilotes utilisent pour optimiser leurs trajectoires notamment.

Et à un certain moment, les avions électriques seront le sujet mais pour les courts-courriers, or ça ne nous concerne que peu en tant que compagnie internationale.”

Et la compensation carbone ?

"En France avant qu'il existe de réels leviers de décarbonation, on mettait en avant la compensation. Mais désormais nos voyageurs estiment que ce n’est pas une solution vraiment durable et nous avons cessé de proposer cette offre de compensation . Nous ne communiquons désormais que sur le SAF parce qu’on pense que c’est le bon chemin et on a besoin que nos clients nous y suivent et c’est ce qui arrive avec beaucoup d’agréments BtoB autour du SAF pour nous aider à en obtenir davantage, mais aussi des individuels  très concernés qui choisissent des offres finançant du SAF. C’est ce que nous mettons en avant aujourd’hui et non plus la compensation même si, en 2050, il y aura aussi de la compensation mais nous préférons aller vers la réduction plutôt que la compensation en actant la pression de la population sur ce sujet."

La technologie et de l’expérience voyageur

“C’est un gros sujet pour la technologie et s’il y a 10 ans, on parlait “digitalisation”, il s’agit davantage aujourd’hui de data et d’IA. Nous voulons aller plus loin dans la personnalisation concernant la réservation. Ce n’est plus qu'un mot, il a beaucoup de domaines où on peut s'améliorer mais nous n’en sommes qu’au début. De chabot qui n’étaient pas au niveau, on est passé à des outils qui deviennent une chose commune et qui fonctionnent. Mais c’est le NDC qui est en train de se déployer qui y aidera : les voyageurs ne veulent plus d’offres globales, ils en veulent une personnalisée.

Concernant les aéroports. Ma première année à CDG était en 1999 et c’était terrible : des pertes de bagages par milliers. Ca s’est beaucoup amélioré grâce notamment à la digitalisation mais il faut aller plus loin avec la biométrie. Par exemple aux Etats-Unis, l’enregistrement se fait avec un passe biométrique, ce qui n’est pas possible en Europe au regard de la réglementation mais nous avons beaucoup à faire pour alléger le fardeau des aéroports, c’est une évidence. 

A propos des bagages égarés, l’IA est d’une grande aide pour les retrouver  : des photos du bagages peuvent être prises, qui servent à retrouver le nom du propriétaire et le numéro de son vol quand le tag électronique est arraché. Ce sont de petites choses mais qui peuvent sauver un passager ! 

L’IA sert à la gestion de la data et il y en a beaucoup dans l’aérien, l’enjeu est de l’optimiser : gestion des bagages, système de gestion des équipages, planification, maintenance des appareils”.

A qui la tech bénéficie-t-elle le plus ? Compagnies ou clients ?

“Finalement, certainement davantage aux clients. Habituellement la digitalisation bénéficie autant aux clients qu’à la compagnie. Mais les compagnies se font concurrence. Donc quand nos coûts diminuent [grâce à la technologie], ça se répercute à un moment sur le prix proposé au public. Et parfois la technologie ne bénéficie pas du tout aux compagnies ! Regardez le Covid qui a tellement changé le comportement de nos clients. Les voyages domestiques, de point à point, en France ont diminué de 30% depuis 2019. Et il en va de même concernant la vidéoconférence pour la demande corpo !