Transavia est-elle prête pour les voyageurs d’affaires ?

1988

Des lignes domestiques Air France qui deviennent Transavia, pourquoi pas ? Mais que deviennent les voyageurs d'affaires dans ce cas-là ?

C'est un frequent flyer travaillant à Paris et habitant Hyères (Var) qui a attiré notre attention. Ses allers-retours entre la capitale et l'aéroport d'Orly se sont fait beaucoup plus rares depuis une grosse année, pour des raisons qu'il est inutile de développer. Mais la situation sanitaire ayant favorablement évolué ces dernières semaines, il reprend ses navettes hebdomadaires.

Et là, surprise, sur son programme Flying Blue, les miles continuent bien à s'accumuler... Mais le compteur de ses points XP reste bloqué.

Mise aux points

Ces XP permettent de changer de statut Flying Blue. A mesure qu'on gravit les échelons "Explorer", "Silver", "Gold" et "Platinium", les avantages se font plus nombreux : davantage de miles engrangés pour chaque euro dépensé, accès à des files prioritaires, réductions ou gratuité sur certaines options "siège" et "bagage", ou même - ce n'est pas rien - une assistance personnalisée pour les clients "Platinium".

Ces XP, dont le nombre dépend de la cabine de voyage et du type de vol, on les gagne sur tous les vols éligibles effectués avec Air France, KLM et leurs partenaires SkyTeam. Et c'est là que le bât blesse. Jusqu'il y a peu - et depuis une vingtaine d'années, la liaison Paris Orly-Toulon était opérée par Air France. Or, en vertu du plan Vesta de redistribution du réseau du groupe (rendu public à l'été 2020) qui prévoit, entre autres, le déploiement d'une forte offre domestique Transavia, créée ou en substitution de lignes AF, la liaison est assurée par Transavia depuis le 28 mars dernier.

Vesta, déesse du foyer, et effectivement, il y a le feu

Or, si les vols Transavia permettent bien un cumul de miles, ils ne sont pas éligibles au dispositif XP. Une politique inchangée et qui trouvait sa logique dans la forte identité leisure des liaisons Transavia, historiquement. Mais ce plan Vesta, dont l'aboutissement est prévu en 2023, change sensiblement la donne : par la mise en place de certaines routes, notamment radiales (de région à région), les vols Transavia devraient accueillir bien plus de passagers business que par le passé, en proportion a minima. C'est donc le cas de notre exemple varois.

Ce pourrait être aussi le cas d'exemples brestois ou biarrots (de Biarritz) - lignes AF d'ores et déjà et désormais opérée par Transavia - ou, dans un avenir proche, montpelliérains ou palois. Les liaisons radiales n'ont, pour l'heure, fait l'objet d'aucune annonce officielle.

Du côté de Transavia, on nous répond qu'il ne s'agit pas du même produit : "Certes, il n'y a plus, dans le cas de ce client, de possibilités de cumuler des XP, mais les vols sont moins chers". En d'autres termes, on ne peut pas gagner sur les deux tableaux. La perte de l'avantage XP est certaine. Qu'en est-il des prix ?

Money Time

"Ma routine est la suivante, nous détaille notre témoin : je quitte Toulon le mardi matin et y reviens le jeudi soir. Je payais avec AF mon aller-retour de 200 à 250 €, hors période estivale. Durant l'hiver, j'ai même pu profiter de vols simples à 49 €. Les prix n'ont pas baissé avec Transavia." Une affirmation dont la compagnie s'étonne. La mémoire de notre voyageur a le droit d'être défaillante. Sauf qu'il s'agit de déplacements professionnels : la comptabilité fait foi.

Vérification...

L'A/R Toulon-Orly, avec un départ de Toulon le mardi 8 juin à 6h40 et un retour le jeudi 10 juin à 21h05 s'élève à 228 €. Soit exactement dans la fourchette "Air France" dont nous a assuré notre attentif Varois. Et nous avons évité la semaine précédente (mardi 1er juin-jeudi 3 juin) durant laquelle, par la grâce du yield management, ce même trajet s'élève à 293 € (et il convient de préciser que si les dates choisies sont les 7 et 9 septembre 2021, le montant tombe à 133 €).

A supposer même que le trajet Transavia fût de quelques dizaine d'euros inférieur à celui d'AF, nous sommes bien dans le cas de frequent flyers, pour la plupart voyageurs d'affaires, défrayés par leur employeur. Si l'entreprise peut éventuellement se satisfaire d'une baisse des tarifs, l'utilisateur final, le collaborateur, lui, soucieux de son confort avant tout - et donc, notamment, des avantages induits par les programmes fidélité - ne s'y retrouve pas.

Client en or

Que penser du cas édifiant de cet ex-client en or de la compagnie pavillon qui se retrouve Gros-Jean comme devant alors qu'il n'a rien demandé ? Quelle réponse de la part du groupe Air France-KLM et de Transavia ? D'une même voix : "La redistribution de ces lignes domestiques se justifient par les 200 M€ de pertes annuelles d'AF sur ce réseau. Pour y remédier, nous avons opté pour la solution Transavia, avec ses coûts de production inférieurs." Est-il vraisemblable que cette réponse satisfasse notre business traveler entre Seine et Var ? Et qu'elle satisfasse les néo-exilés franciliens, autant de travel nomads ? On en doute.

D'ailleurs, bien conscient de la limite d'un tel argument, le groupe Air France-KLM nous précise que l'offre domestique Transavia est nouvelle, qu'elle demande "quelques ajustements". Et chez Transavia, après quelques questions pressantes, on nous précise : "Il est trop tôt pour des annonces nouvelles, mais oui, on y réfléchit".

OK, donc c'est un vrai sujet. Tant en termes de tarifs que de services, nous précise-t-on, ou de connexion avec le programme de fidélité Flying Blue, le point de départ de notre interrogation, qui se déroule comme un écheveau.

Oui, c'est un vrai sujet, effectivement. Car ce client en or de Hyères est en fait en or massif : à peine se permettait-il, quand le tarif de son trajet aérien AF outrepassait 250 €, en juillet et en août notamment, d'avoir recours au TGV (1 heure de Toulon à Marseille, puis 3 heures de LGV jusqu'à la Gare de Lyon)...

Alchimie pour débutants

En or massif, c'est sûr, car il ne nous a même pas parlé du fait que : même s'il récupérait ses droits XP, il ne pourrait profiter des avantages induits que sur d'autres trajets que ceux opérés par Transavia puisque de files prioritaires ou de salons, chez cet opérateur, il n'y a point; que ses 6 rotations quotidiennes AF entre Toulon et Orly ont été divisées par deux depuis que Transavia a repris cette liaison; ou encore que s'il s'agit de se rendre, en destination finale, à Fort-de-France, par exemple, il n'y aurait plus de continuité du transfert de ses bagages entre Toulon et la préfecture martiniquaise. Cool, finalement, le "râleur".

Un client en or, donc, mais un peu plombé par ses points XP. Il ne faudrait pas que Transavia se transforme en alchimistes "à l'envers". A quelque chose, malheur est bon : la pandémie a incité le groupe Air France-KLM à "geler" les statuts Flying Blue effectifs en début de crise jusque fin 2021, alors que leur durée de vie est habituellement de 15 mois. Les avantages de notre témoin entre Seine et Var sont donc saufs jusqu'à la fin de l'année. Comme ceux des autres, parmi les quelque 2 millions de passagers qui ont déjà effectué ou qui, possiblement, effectueront la bascule Air France / Transavia. 

On le répète, le groupe Air France-KLM comme Transavia nous ont assuré que tous ces sujets concernant les business travelers étaient sur la table. On espère pour leurs clients (mais aussi pour eux) qu'ils soient au somment de la pile, car, pendant ce temps, EasyJet et la SNCF peaufinent leur offre corpo...