Transport aérien : l’effet BCBG

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Jean-Louis Baroux, acteur reconnu du monde des compagnies aériennes et créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect. Cette semaine, iL nous fait part de sa prospective 2020 pour l’aérien…

L’année 2019 n’a pas été très faste pour le transport aérien. 209 morts ont été enregistrés dans 3 accidents dont 149 dans le crash du vol d’Ethiopian Airlines. La croissance s’est un peu ralentie, elle est passée au-dessous de 5%. Plus de 800 Boeing 737 Max ont été cloués au sol et le constructeur a été conduit à arrêter sa production. Mais l’année 2020 ne se présente pas très bien non plus. Elle est sous l’effet du BCBG.

B comme Boeing

En ce début d’année, c’est l’incertitude majeure. L’appareil sur lequel Boeing comptait le plus pour assurer son avenir est toujours interdit de vol. Au mieux, il sera remis progressivement en service à partir de l’été prochain, mais personne ne s’aventure à donner une date exacte. Et même lorsqu’il sera autorisé, il faudra du temps avant que tous les appareils stockés sur les parkings aéroportuaires soient de nouveau en vol. C’est pour l’orgueilleux constructeur américain un désastre majeur, d’une ampleur inconnue à ce jour. En termes économiques, la note est estimée aux alentours de 20 milliards de dollars et personne ne peut dire si le compteur s’arrêtera là. Mais au-delà des aspects purement financiers, se profilent d’autres sujets de préoccupation. Les clients et même les équipages accepteront-ils de remonter dans cet avion ? Nombre de compagnies ont dû bouleverser leur plan de transport, stopper leur croissance, annuler des lignes, le tout sans savoir quand l’exploitation pourra redémarrer. Plus de 5 000 appareils ont été commandés. Chacun a une valeur marchande d’au moins 60 millions de dollars alors que le prix catalogue est supérieur à 100 millions. Les difficultés du constructeur de Seattle n’arrangent personne et surtout pas Airbus qui a beaucoup de peine à fournir les appareils commandés. Comment Boeing va-t-il remonter la pente ? C’est toute la question. Le plus tôt sera le mieux.

C comme Coronavirus

Il est apparu subrepticement dans une ville méconnue du centre de la Chine : Wuhan, qui est devenue célèbre en peu de temps. Les habitants s’en seraient bien passés. Comme toute épidémie dont l’origine est incertaine, elle a produit un effet de grande inquiétude si ce n’est de panique. Il semble que ce virus soit beaucoup moins dangereux que le SRAS voire que la grippe. Mais il impacte fortement le transport aérien, en particulier sur son marché le plus dynamique. Les compagnies européennes annulent à qui mieux, mieux leurs vols vers la Chine. Il est à craindre que la croissance du transport aérien en soit gravement affectée.

B comme Brexit

C’est fait : la Grande Bretagne ne fait plus partie de la Communauté Européenne. Oh, bien entendu, il reste à définir les modalités de séparation et cela prendra au moins toute l’année 2020. Mais personne à ce jour n’est capable de prédire si les discussions entre les Européens et les Anglais se passeront bien. Le marché britannique est le plus gros d’Europe. Il assure la prospérité de nombre d’aéroports, de villes, voire de régions ou de pays européens. Que se passera-t-il si les déplacements sont rendus plus difficiles par des contraintes administratives ? Bien sûr, les transporteurs britanniques ont pris leurs précautions en créant des opérateurs de droit communautaire, mais cela ne résoudra pas les difficultés de déplacement. Ira-t-on jusqu’à demander un passeport pour aller du Royaume-Uni vers un pays européen ?

G comme Greta Thunberg

Cette jeune fille est apparue sur le devant de la scène au cours de l’année dernière. Ses propos tenus dans les grandes instances – parlements britannique et français ou même à la tribune de l’ONU-, ont fait prendre conscience de la nécessité, pour le transport aérien en particulier, de lutter contre les émissions de CO2. Certes les propos sont souvent outranciers et les solutions proposées jugées irréalistes. Mais elle a lancé le fameux « flygskam », autrement dit la honte de prendre l’avion, qui pourrait bien conduire nombre de potentiels consommateurs à ne pas se déplacer. Le transport aérien a pris l’affaire au sérieux et, comme toujours, il saura avec le temps, surmonter cette difficulté. N’en doutons pas.