Tribune JL Baroux – Où s’arrêtera la croissance de l’aérien ?

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Tribune JL Baroux - Où s'arrêtera la croissance de l'aérien ?

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, il s'interroge sur la croissance de l'aérien dans un contexte post-Covid de hausse des tarifs et de politiques environnementales.

Pendant des décennies le transport aérien a connu une croissance moyenne de 5% par an et ce quelle que soit la base de calcul. Ainsi au début des années 1970 alors que le nombre de passagers transportés n’était, si l’on peut dire, que de quelques centaines de millions, la croissance en volume s’est considérablement accélérée. En 1970, 310 millions de passagers utilisaient ce mode de transport, mais ils étaient 641 millions en 1980, soit 331 millions supplémentaires, c’est-à-dire que le volume de trafic avait doublé en 10 ans. En 1990 le trafic était passé à 1.020 millions de passagers et à 1.670 millions en 2000.

Et à partir de ce moment la croissance en volume s’est envolée : plus 1 milliard entre 2000 et 2010 et plus 1,8 milliards entre 2010 et 2019, en seulement 9 ans pour atteindre 4.460 millions de passagers. Bref on ne voyait pas où cette course folle allait s’arrêter.

Des freins à la croissance ?

Et puis le fameux COVID s’est annoncé et en 2020 le trafic s’est effondré à 1.770 millions de passagers soit tout de même l’équivalent de ce qu’il était en 2000. Il est remonté à 2.280 millions en 2021 et à 3.055 millions en 2022. On pense d’ores et déjà que les résultats de 2023 vont tangenter ceux de 2019.

Est-ce à dire que le transport aérien va reprendre sa fuite en avant et poursuivre un développement débridé tel qu’il l’a connu ? Cela mérite réflexion. Le premier constat est l’augmentation très importante des tarifs, disons pour simplifier qu’ils sont 30% plus chers qu’avant la crise. Voilà déjà un phénomène important de régulation. La recherche effrénée des tarifs les plus bas semble s’être arrêtée.

Les OTAs (Online Travel Agents) qui ont été un très puissant instrument conduisant à la baisse des tarifs, vont devoir changer leur mode de fonctionnement car les compagnies aériennes n’accepteront plus qu’ils se nourrissent des « incentives » et des redevances payées par les GDS et financées en fait par les transporteurs. Alors il ne fait pas de doute que les niveaux tarifaires vont se maintenir à un niveau nettement supérieur à celui de 2019.

Un nouveau frein vient de la pression écologique largement relayée par les gouvernements occidentaux. Non seulement les clients aériens seront culpabilisés, mais des interdictions à caractère plus médiatiques qu’efficaces seront prononcées telles que celles frappant Air France sur l’axe Bordeaux - Orly ou la diminution de 10% des « slots » sur l’aéroport d’Amsterdam. Et sans doute faudra-t-il ajouter une ou plusieurs inévitables taxes démagogiques destinées à enchérir les billets d’avion au profit des transports en commun de surface, je veux parler pour l’essentiel du train.

L'Occident n'est pas le Monde

Tout se ligue donc pour freiner la croissance du transport aérien. Mais est-ce si vrai et si efficace ? Il semble bien que seuls les pays occidentaux soient touchés par cette frénésie d’actions contre cette activité. Ce n’est pas le cas dans les autres parties du monde, en Asie, Afrique ou Amérique du Sud. Et dans ces continents, les compagnies aériennes anticipent une très forte demande à tel point que nombre d’entre elles ont passé des commandes historiques auprès des constructeurs.

Rien qu’en Inde, 1.000 appareils ont été commandés pendant le dernier Salon du Bourget : 500 pour Indigo, dirigé depuis peu par l’ex PDG de KLM, Pieter Elbers et 500 pour le futur conglomérat Air India/Vistara. Royal Air Maroc vient d’annoncer son intention de commander 200 appareils nouveaux. Les transporteurs chinois font tourner à plein les chaines de fabrication. Au total Airbus détient un portefeuille de commandes de près de 8.000 appareils. Or les avions actuels sont beaucoup plus résistants que les anciens. Ils peuvent être exploités pendant une trentaine d’années alors que la génération des avions de 1970 n’avait pas une durée supérieure à 15 ans.

Bref en dépit des contraintes décidées par les pays occidentaux, le transport aérien a toutes les chances de poursuivre sa croissance, d’autant plus que, compte tenu de l’augmentation des tarifs, les profits des opérateurs s’envolent ce qui va leur permettre de financer les appareils nouveaux.

Al Baker le médiatique CEO de Qatar Airways et ex président de IATA a déjà annoncé qu’il lui paraissait impossible d’accéder à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Au mieux le transport aérien, au prix de prodigieux efforts, limitera ses émissions à leur niveau actuel et ce ne sera pas un mince exploit.