[Exclusif] Le nouvel écosystème SNCF sera-t-il prêt le 26 septembre ?

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[Exclusif] Le nouvel écosystème SNCF sera-t-il prêt le 26 septembre ?

Le nouveau système de réservation de la SNCF n'offre pas de garanties sur un grand nombre de fonctionnalités, notamment concernant les TER et les résas de groupe. Or, il entre en vigueur... dans 3 semaines !

Vous avez aimé la série (en cours) Les agences vs. Air "NDC" France ? Vous allez possiblement adorer cette manière de spin-off qu'on pourrait intituler Les Agences vs Boost SNCF...

"Boost", c'est le nom du chantier mis en œuvre par la SNCF il y a 8 ans et qui aboutira à la livraison d'un nouveau système de résa le 26 septembre prochain. Pour poser le contexte, on peut se référer à un courrier électronique envoyé à ses clients le 1er septembre dernier, par Amadeus : "PAO (Portail d'accès aux offres, ndr) est la nouvelle interface fournie par la SNCF pour accéder à ses contenus ferroviaires et la migration est obligatoire pour continuer à distribuer les contenus SNCF en raison des changements à venir sur l'écosystème SNCF (Migration du système d'inventaire actuel de la SNCF (ResaRail) vers un nouveau système (Sqills S3))."

Mais cette grande bascule qui aura donc lieu le 26 septembre 2023 pose problème : concernant les TER et les réservations de groupe, le nouvel écosystème est très défaillant. La commission Transport des Entreprises du Voyage (EDV) rencontrera la SNCF ce jeudi 7 septembre et les discussions à ce sujet s'annoncent serrées.

Cette migration de l'inventaire SNCF n'est certes pas une mince affaire, Guillaume Confais-Morieux, responsable du marché "agences" du transporteur, le reconnaît aisément : "On a fait des priorisations. Ce chantier, connu sous le nom de Boost, est énorme. Il a été ouvert dès 2015 et occupe une centaine de personnes." On peut ajouter que, selon nos informations, la note s'élève en outre à plusieurs millions d'euros.

Quand Guillaume Confais-Morieux parle de "priorisations", il faut comprendre que l'opérateur ferroviaire assume le fait de faire la bascule ce 26 septembre sans que le système soit à 100% opérationnel. Pourquoi un tel empressement ? Toujours selon nos informations, pour la SNCF, la fenêtre de tir est étroite : soit la bascule se fait effectivement entre le 26 septembre et le 10 octobre 23, soit elle est reculée d'un an, en raison de contrats liant la SNCF à certains acteurs technologiques.

La question des TER

Il n'empêche que le respect de ses échéances contractuelles à laquelle s'astreint la SNCF aura une incidence sur l'activité des agences. Notamment, comme nous le disions, sur les réservations TER. Guillaume Confais-Morieux : "C'est vrai que pour les TER, nous sommes dépendants des autorités organisatrices (comprendre : des régions, ndr). Elles sont compétentes en termes de distribution : soit elles adopteront notre système, soit elles feront développer le leur propre. Il faut reconnaître que cette question de la distribution arrive en bout de file, derrière les sujets "exploitation". Les régions sont actuellement en phase d'appels d'offres et ça devrait durer deux ou trois ans".

En conséquence, des problèmes en cascade que liste un membre de la commission Transport des EDV : "Avec le nouveau système, il est vivement conseillé d'émettre un PNR par passager, ce qui ne convient ni aux agences loisirs dans le cas de réservations familiales, ni aux TMC dans le cas de voyageurs d’affaires qui veulent être ensemble. La SNCF nous met la fonction "close to" à disposition mais dans les faits, nous savons que cela ne place pas forcément les passagers l'un à côté de l'autre."

Mais ce n'est pas tout : "Il n'y a pas d'annulation par segment. Une fois que le billet est émis, on est obligé de passer par la facturation pour annuler et refacturer pour le nouveau billet. Ce qui pose évidemment des problèmes de baisse de la productivité, de risques d'erreurs... De plus, il n'y a pas de possibilité d’échange par passager, ni s'il y a plusieurs inventaires ou plusieurs tarifs. Il n'y a pas non plus de réservation "animaux", "vélo", "code à usage unique" et "personne à mobilité réduite"."

"Ces dysfonctionnements ont été identifiés en juin et juillet, explique Guillaume Confais-Morieux. Depuis, nous discutons avec les agences. C'est un work in progress dont le but est de mettre en place des solutions de secours". Parmi ces "solutions de secours", un centre d'appels téléphoniques va être mis en place : "On revient à l'âge de pierre", ironise Valérie Sasset, présidente de la commission Transport des EDV.

Pas de facturation "groupe"

On a déjà parlé de PAO, de Boost, de Sqills S3, on aurait pu parler d'Etoil (l'actuel système de réservations TER), il aurait été dommage de ne pas enrichir cette guest-list d'un autre membre. Il s'appelle Newbook et, pour faire simple, c'est l'outil "front" du PAO qui gère les groupes. Car, outre les TER, c'est bien en termes de réservations pour 10 personnes et plus que le bât blesse.

Aux EDV, on précise : "Pour les groupes, dans le nouveau système, il n'y a pas de message comptable. On nous a fait la proposition de mettre à disposition un fichier CSV à J+1 dans un Sharepoint SNCF, le travail est en cours. Mais comment les SSII vont-elles intégrer ces fichiers dans nos back-offices ? Et à quel coût ? Pour les réservations de groupe pour le TER, on devra en passer par le centre d'appels : c'est un processus très lourd. Et on a besoin de segments passifs dans le GDS pour facturer : la question du coût se pose encore. Bref, il y a encore beaucoup d'incertitudes et de choses à confirmer."

Concernant ces réservations de groupe sur TER, Guillaume Confais-Morieux tient à préciser : "Ce ne sont que quelques centaines de milliers d'euros par an". Mais les réservations de groupe au global, c'est d'une autre ampleur. Sur les 20 milliards annuels de revenus liés à la vente de billets, le même de nous préciser : "Le groupe, c'est 2%" (et 8% des ventes indirectes, d'après nos informations), soit : 400 M€. Mais l'enjeu est encore bien plus grand pour certaines agences dont le cœur de business est précisément le groupe !

Et le même de préférer tabler sur des lendemains qui chantent : "Jusqu'alors, une réservation de groupe, c'est 30 passagers. Demain, ce sera 99 passagers." Quant à l'inquiétude des agences, il ne la ressent pas. Mais, relativisations mises à part, Guillaume Confais-Morieux ne nie pas les problèmes évoqués : "C'est vrai, on n'aura pas la grappe comptable des GDS qui permettait la facturation. Il faut constituer ces informations et travailler avec les éditeurs de comptabilité des agences".

"Hypercare"

La résolution de ces problèmes, surtout dans des délais aussi courts (on parle donc, à date, de trois semaines), apparaît comme un beau panier de crabes. La SNCF ne s'y trompe pas, qui tente la pédagogie, sans grand succès si l'on en croit ce mail envoyé à la présidente de la commission Transport des EDV par un de ses membres : "La SNCF nous a fourni une documentation de 50 pages qui détaille ce qui va changer. Elle n’est pas exploitable, c’est pour cela que nous insistons pour avoir un document synthétique mais complet de la part de la SNCF et des GDS."

Amadeus s'y essaie aussi : dans le mail du 1er septembre évoqué plus haut, elle propose des liens vers des présentations didactiques à ce sujet. Et ajoute même un chapitre, à l'intitulé - "Hypercare"- un rien menaçant, qui précise : "Les équipes d'Amadeus vont mobiliser des ressources pour fournir à nos clients un support renforcé (sic) par le biais d'une surveillance renforcée (sic) de la plateforme, en adoptant une approche proactive pour garantir une détection rapide des problèmes; d'un renforcement (sic) des services de support et des équipes pour une résolution rapide et efficace des problèmes; d'un processus de suivi des incidents renforcé (sic)."

Ça renforce, donc, et l'on subodore, sans verser dans un pessimisme excessif, que ces "ressources mobilisées" auront effectivement du pain sur la planche dans les semaines à venir. A moins qu'il ne faille parler de mois, voire d'années. "Il y aura plusieurs phases d'ouvertures de nouvelles fonctionnalités. La prochaine aura lieu en mars 2024", explique en effet Guillaume Confais-Morieux.

D'après nos informations, à ces problèmes techniques s'ajoutent des éléments autrement plus humains : de l'ego, de la préservation de pré carré, avec, à la clé, une guéguerre au sein de la SNCF, entre un service IT dont le problème est que "ça marche", fût-ce en ayant un recours massif à un tiers, et un service commercial plus enclin à opter pour une solution "maison", quitte à ce qu'elle souffre de dysfonctionnements. Alors oui, dans ces conditions, effectivement, tous les ingrédients sont réunis pour une bonne série. Prochain épisode le 8 septembre, à l'issue de la rencontre EDV/SNCF.