Bousculée depuis quelques mois par son principal concurrent sur le marché français, la TMC Carlson Wagonlit Travel gère actuellement un PSE de 130 emplois et annonce un nouveau développement du 3.0. Un virage que doit gérer Brigitte Nisio, qui a succédé à Bertrand Mabille pour la direction générale France de l'agence. Une femme qui a la volonté de prendre le taureau par les cornes.
Au-delà du constat, elle reconnaît que l'agence n’a jamais été très communicante et que, vu de l’extérieur, on a parfois le sentiment que CWT n’avance pas vraiment. Mais "C’est faux", réplique t-elle, alignant toute une série de chiffres censés rassurer ses clients et rétablir la vérité des faits. Pour elle, l’avenir qui se joue est solide, placé autant sur la technologie que sur la notion de service que l’agence peut apporter à ses clients. La réflexion est engagée sur l’évolution du voyage d’affaires et la DG France veut rappeler l’essentiel: "Il ne faut jamais perdre de vue que notre mission est d’assurer, au meilleur prix dans les conditions optimales, les déplacements de dizaines de milliers de salariés dans le monde comme en France". Rencontre avec une femme qui ne cherche pas à se défiler face à la réalité des faits mais qui ne veut pas non plus accepter des affirmations qui ne seraient pas justes.
DéplacementsPros : On a le sentiment depuis quelques mois que Carlson Wagonlit Travel subit la concurrence sans réellement réagir. Votre réponse à ce constat ?
Dans un premier temps, c’est le B.A. BA de ma mission, je dois offrir à mes clients le service qu’ils ont acheté. C’est essentiel et je crois qu’ils nous en tiendraient rigueur si nous ne le faisions pas. Là, nous perdrions des comptes. J’ai beaucoup entendu ces derniers mois cette idée un peu simpliste que le prix ou les avantages financiers faisaient la différence sur le terrain. Personnellement je ne le crois pas. Une TMC doit être capable d’implémenter rapidement et qualitativement les clients qui la rejoignent. Dit comme cela, on pourrait croire que c’est simple et évident. Mais la réalité sur le terrain est bien différente et c’est notre savoir-faire qui nous permet de répondre à cette mission.
En 2016, ce sont plus de 2 milliards de dollars de nouveau volume d’affaires qui ont été réalisés au niveau mondial. Il y a là des comptes locaux et globaux qui, tous, reconnaissent aujourd’hui à CWT, sa capacité à anticiper les problèmes et à les gérer.
DéplacementsPros : Pourtant, vous avez perdu de gros budgets et les nouveaux appels d’offres qui se profilent ne vous sont pas forcément favorables ?
Que constatons-nous ? Premièrement que nous poursuivons notre développement en Europe comme en France, avec l’arrivée de nouveaux clients comme par exemple Servier qui a fait le choix de nous rejoindre parce que l’offre que nous avons formulée repose sur du concret. Il me semble normal qu’un client puisse changer de TMC et à l’inverse qu’un client déçu de sa TMC nous rejoigne. C’est la loi des affaires.
J’ai longtemps dirigé le pôle Corporate de CWT pour savoir que seule l’efficacité prime. Un exemple parmi d’autres, Total vient de resigner avec nous à la fois parce que nous connaissons particulièrement bien les métiers du pétrole mais aussi parce que le service que nous lui délivrons depuis quelques années correspondait à ce qu’il souhaitait.
DéplacementsPros : Vous avez annoncé dernièrement votre intérêt pour le monde des PME-PMI. C’est un marché jugé difficile par vos compétiteurs. Pourquoi vous y risquer ? ?
Aujourd’hui nous avons environ 45 % des clients globaux, présents dans plus de six pays. Là aussi, contrairement à ce que je lis, on voit bien que le développement international est l’une des priorités des entreprises françaises et qu’elles investissent pour conquérir de nouveaux marchés. Nous sommes donc tout naturellement à leurs côtés.
Pour les entreprises de taille moyenne, celle que l’on qualifie souvent de PME-PMI, je pense qu’il y a un marché important et que nous pouvons leur apporter la garantie d’obtenir les meilleurs tarifs mais aussi la simplicité qu’ils attendent dans l’organisation de leurs déplacements professionnels. C’est toujours le fameux « mix business » que j’évoquais tout à l’heure, qui fait que le prix n’est pas la seule référence pour l’acheteur ou le chef d’entreprise. L’environnement global, la technologie, le savoir-faire et la disponibilité sont également devenus des atouts.
DéplacementsPros : Récemment, un mouvement de grève a touché la TMC. On a beaucoup évoqué le plan social. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons développé des structures en dehors de la France qui, je le rappelle, est le lieu où se trouve le siège social de Carlson Wagonlit Travel. C’est ce que nous avons expliqué aux syndicats et ce que nous continuerons à faire ces prochaines semaines. Je ne doute pas que nous arrivions un accord.
DéplacementsPros : Allez-vous maintenir tous les plateaux d’affaires que vous avez en France ?
Contrairement à ce que j’ai pu lire ou entendre il n’y a aucune volonté de notre part de fermer ces plateaux d’affaires, d’autant plus qu’ils ont un rôle important pour nos clients car ils sont proches d’eux avec un personnel qualifié et ultra compétent.
DéplacementsPros : La vision digitale exprimée depuis maintenant quelques années prend du temps à s’installer. Comment l’expliquez-vous ?
On a vu également beaucoup de nouvelles technologies arriver sur le marché sans qu’aucune d’entre elles ne soit forcément aujourd’hui leader dans son domaine. Nous avons donc souhaité concevoir nos propres outils, avec des technologies ouvertes et évolutives, ce qui demande toujours un peu plus de temps. Mais ne nous trompons pas, nous sommes très loin d’être en retard et je dirais même plus, nous sommes plutôt en avance par rapport à nos concurrents.
Je crois aussi qu’il faut éviter une erreur que l’on commet trop souvent, c’est de croire que la technologie fera tout et remplacera tout. Je prends l’exemple de notre application, CWT To Go, qui est capable de répondre un grand nombre de requêtes du voyageur. Aujourd’hui, pour les voyages complexes ou les tarifications multiples, le rôle du conseil est essentiel et l’assistance qu’il apporte aux clients est indispensable. Je ne sais pas si demain un outil répondra automatiquement à ce type de questions. Mais je sais qu’aujourd’hui notre présence physique, dans la langue du pays, est très appréciée.
DéplacementsPros : Pourtant vous avez laissé partir KDS à votre principal concurrent alors que vous étiez actionnaires du SBT ?
Vous savez, mesurer l’évolution des attentes technologiques ne se fait pas via une boule de cristal que l’on pose sur une table. Il faut à la fois de l’analyse, du retour d’expérience des clients et le sentiment fort que ce qui se développe chez vous est en adéquation avec ce qu’attendent les utilisateurs. Nous le voyons bien aujourd’hui avec les discussions autour des GDS, qui sont pour nous de véritables partenaires, et ce besoin d’accéder à des contenus sans cesse évolutifs que manifeste l’acheteur. Nous avons en permanence une structure interne qui étudie et analyse les besoins du marché pour le comparer au développement technologique en cours chez nous et le réadapter l’ensemble aux tendances fortes du marché. À terme, nous développerons notre propre HBT pour répondre à la nouvelle forme de consommation hôtelière de nos clients.
DéplacementsPros : Pensez-vous que les implants installés au sein des entreprises avec qui vous travaillez sont toujours nécessaires aujourd’hui ?
Là aussi, il me semble prudent d’intégrer cette question au développement des outils technologiques mis à la disposition des voyageurs. Nous sommes entrés dans une ère de mobilité totale, à la fois demandée par nos clients mais également par celles et ceux qui se déplacent dans le monde. Tout cela veut dire qu’il faut veiller à la qualité des profils « voyageurs » qui sont intégrés au système de l’entreprise et à leur enrichissement.
DéplacementsPros : Réfléchissez-vous à une nouvelle forme de tarification de vos services ?
J’entends bien sûr parler des offres que formulent certaines agences à leurs clients avec des coûts transactionnels extrêmement bas voire totalement supprimés mais je ne suis pas certain que ce soit la solution. Encore une fois, car c’est important, nous réfléchissons et nous travaillons à de nouvelles tarifications pour nos clients. Il est encore un peu trop tôt pour en parler.
DéplacementsPros : Quel regard portez-vous sur 2017 ?
Entretien réalisé par Marcel Lévy