Cédric Pastour, Aigle Azur : « Maîtriser les coûts pour assurer le développement »

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Après l'ouverture de la destination Moscou en juillet 2012 et avant celle de Pékin l'an prochain, la compagnie Aigle Azur a clairement pris le virage du long courrier. Aujourd'hui, elle travaille son réseau de correspondances et le service en développant la technologie avec l'enregistrement en ligne et des bornes aux aéroports. Six mois après son entrée en fonction, Cédric Pastour, Directeur général de la compagnie, fait le point du développement d'Aigle Azur avec la volonté très nette d'y inclure le voyage d'affaires.

Annoncée il y a à peine 48 heures, la liaison entre Paris et Pékin, évoquée il y a plus d'un an, va enfin devenir réalité en juin prochain pour Aigle Azur. C'est le premier pas vers un développement à l'international que Cedric Pastour, le nouveau patron opérationnel d'Aigle Azur depuis 6 mois, ne veut pas franchir trop vite : "Nous avons fait un chiffre d'affaires de 337 millions d'euros au 31 mars 2013 en progression de 2,7 % avec un résultat négatif de 9 millions d'euros qui s'explique, entre autres, par le coût de l'ouverture de notre ligne vers Moscou mais également par une parité euro/dollar qui ne nous était pas favorable. Ce sont ces raisons qui nous démontrent que la prudence est une stratégie essentielle dans le développement d'une compagnie aérienne". Et de poursuivre : "Nous avons engagé le défi du long-courrier et nous allons le réussir mais pour atteindre nos objectifs, nous devons maîtriser la réduction de nos coûts et poursuivre notre travail quotidien d'amélioration de la rentabilité". Mais au-delà des simples chiffres, Cédric Pastour veut avant tout construire une stratégie qui va permettre le développement de la clientèle affaires que ce soit vers la Chine ou l'Algérie, destination naturelle et première de la compagnie française. Quel regard porte ce spécialiste de l'aérien sur son marché ? Voilà, entre autres, les questions que nous lui avons posées

DeplacementsPros : Vous avez confirmé il y a quelques jours l'ouverture de la ligne vers Pékin pour le mois de juin prochain. Peut-on dire que ce n'est que le début de votre présence en Chine avec votre actionnaire Hainan ?

Cédric Pastour : C'est d'abord la confirmation de ce que nous avions annoncé il y a déjà quelques mois. Il nous semblait important de nous ouvrir à l'international en nous reposant sur le savoir-faire de notre partenaire chinois, actionnaire de la compagnie, et dont la présence à l'aéroport de Pékin est suffisamment forte pour nous permettre de nous développer au départ de Paris. Là aussi, nous le faisons prudemment. Pendant six mois nous allons affréter un avion de la compagnie Hainan avant de mettre en place nos moyens propres. Nous volerons avec un A 330 200 configurés en bi classe.
Mais cette ligne présente des spécificités qui devraient séduire les entreprises. Tout d'abord nous allons voler au départ d'Orly Sud ce qui est très apprécié des sociétés parisiennes et franciliennes. Le niveau de qualité à bord sera celui de notre partenaire aérien qui a obtenu cinq étoiles au classement Skytrax. Nous utiliserons le salon Icare à Orly et proposerons un lit totalement plat à nos voyageurs de la classe affaires.
Parallèlement, nous optimiserons les correspondances en provenance d'Alger et d'Oran et nous proposerons 20 destinations en Chine au départ du terminal 2 exploité par Hainan. Cette liaison entre totalement dans le plan stratégique à cinq ans que je souhaite mettre en place pour permettre à Aigle Azur de prendre toute sa place dans le transport aérien européen et international. Au-delà, une fois Pékin installé en quotidien en 2015, nous regarderons pour voler vers Shanghai et Hong Kong qui sont de destinations très demandées au départ de Paris. Nous attendons les premières démarches officielles du gouvernement français pour notre arrivée sur ces deux plateformes.

DeplacementsPros : On sait qu'il y a aujourd'hui une sous capacité vers la Chine à certaines périodes de l'année. Comment allez-vous piloter votre yield management?

Cédric Pastour : Il ne faut jamais perdre des yeux que 60 à 70 % de la clientèle qui utilisera cette ligne viendra de Chine. Il faut également se rappeler que la concurrence entre la France et l'empire du milieu reste forte et que l'offre est importante en matière de sièges. Il ne faut pas sous estimer la capacité existante. Nous allons donc rester dans les prix médians du marché avec un tarif en classe écho particulièrement agressif, 588 € TTC. Même volonté sur la classe affaires, à partir de 2888 € TTC. Nous offrons 180 sièges en classe économique et 34 en business classe. Il est encore un peu trop tôt pour vous dire comment nous allons être positionnés sur cette destination car les vols ne sont ouverts à la vente que depuis quelques heures.

DeplacementsPros : Envisagez-vous la création d'une Premium sur cette ligne?

Cédric Pastour : Pas pour l'instant car nous n'allons pas modifier la structure d'un appareil qui, dans un premier temps, ne nous appartient pas. Nous verrons lors de l'arrivée de notre propre avion si cette opportunité est économiquement intéressante et réaliste en matière de coûts. La compétitivité tarifaire que nous mettons en place est aussi porteuse de développement.

DeplacementsPros : Pour l'heure, vous ne vous développez pas vers l'Afrique, terre promise de l'aérien selon IATA. Pensez vous y revenir?

Cédric Pastour : J'aimerais bien. Mais avec le principe de réalisme économique que j'évoquais à l'instant. Pour aller vers l'Afrique il faut que le marché soit mature et que l'on puisse avoir la garantie d'une rentabilité, lissée sur l'année avec des potentiels de développement importants. Je suis certain qu'il y a des marchés à prendre mais pas à n'importe quel prix. Nous n'avons pas la volonté d'acheter fort cher des parties de marché. Mais la destination est attirante.

DeplacementsPros : Allez-vous développer les contrats Corporate avec les entreprises?

Cédric Pastour : Vous savez comme moi que les contrats Corporate n'ont d'intérêt que si l'on aborde un volume global sur un nombre de destinations point à point important. Nous n'en sommes pas là en matière de liaisons ouvertes. J'ai souhaité mettre en place une commercialisation offensive sur l'ensemble de la zone de chalandise parisienne afin de proposer, dans un premier temps, de faire découvrir les avantages de cette liaison vers Pékin à toutes les entreprises qui se rendent régulièrement en Chine. Nous n'avons jamais été particulièrement obnubilés par le besoin de signer des contrats. Je pense que la qualité de notre offre, de notre service à bord, de notre siège, du salon privatif au terminal 2 proposé par Haïnan sont autant de points qui jouent en notre faveur.

Parallèlement, et comme beaucoup de compagnies, nous allons promouvoir la vente directe tout comme l'adaptation de nos vols sur les SBT des entreprises qui le demanderont. Enfin, nous allons poursuivre le développement de notre politique de code share qui permet de démultiplier notre présence en Europe, dans les pays de l'Est et à terme en Chine. On va le faire avec Corsair mais pourquoi pas avec EasyJet qui est pour nous un partenaire logique et que nous regardons avec intérêt.

C'est Fabrice Ebner, Directeur Commercial et marketing qui va mettre en œuvre ce programme commercial. Il connait particulièrement bien l'univers de l'entreprise.

DeplacementsPros : Vous avez abandonné le Lyon/Moscou, pensez-vous proposer des vols vers la Chine au départ de province?

Cédric Pastour : A priori non, sauf si le marché est demandeur et que nous ressentions une attente forte chez nos clients. Mettre en place un vol au départ de la province, c'est prendre le risque d'un taux d'occupation qui n'est pas forcément au rendez-vous des besoins économiques du transporteur. C'est un risque dangereux. Nous le voyons aujourd'hui au départ de Marseille avec les vols vers l'Algérie que nous avons adaptés en fonction du marché et qui seront en légère réduction l'année prochaine. Nous avons une activité ethnique qui est de l'ordre de 70 à 80 %. Il faut à la fois la stabiliser et la développer tout en adoptant les tarifs qui collent à nos coûts d'exploitation. Le transport aérien, c'est un peu la quadrature du cercle : il faut séduire le client, être compétitif, gagner de l'argent et se développer dans le temps.

DeplacementsPros : On évoque la possibilité d'une privatisation rapide d'Air Algérie, qu'en pensez-vous?

Cédric Pastour : C'est toujours un peu compliqué de faire de l'économie fiction et de se projeter dans une situation qui aujourd'hui n'existe pas. A priori, et sans trop m'être penché sur la question, je dirais que cela serait profitable pour Aigle Azur qui pourrait ainsi se retrouver à armes égales avec Air Algérie.

Mais au-delà je pense qu'il ne faut pas s'effrayer de la concurrence dont la seule finalité n'est pas le prix le plus bas. Lorsque l'on regarde ce qui se fait aujourd'hui sur le moyen et le court courrier, on voit bien qu'a priori, et selon le business modèle choisi, cohabitent sur le marché des transporteurs de taille et de structures marketing très différentes.

DeplacementsPros : Comment se prépare la saison 2014 d'Aigle Azur?

Cédric Pastour : Comme je vous le disais, nous gardons en ligne de mire la profitabilité de l'entreprise. À l'été 2013, nous exploitations 13 avions, nous n'en aurons que 11 en 2014. Nous travaillerons sur l'augmentation des heures de vol de nos appareils afin de mieux nous coordonner sur l'ensemble de destinations. Nous annoncerons avec notre partenaire Transaero et UTair le déploiement de 20 destinations en Russie au départ de Moscou. Même visibilité au départ de Pékin avec 40 villes chinoises à terme desservies par notre partenaire Haïnan. Ce sont autant de correspondances qui ouvrent l'offre d'Aigle Azur.

DeplacementsPros : On voit aujourd'hui que les classes avant représentent entre 50 et 60% du revenu des compagnies aériennes. Visez-vous cet objectif pour aigle Azur?

Cédric Pastour : Personne ne pourrait aujourd'hui vous dire le contraire. Nous les premiers ! Nous sommes bien évidemment demandeurs d'une telle clientèle d'autant que la qualité de l'offre proposée sur des destinations comme Pékin ou Moscou correspond parfaitement aux attentes des voyageurs d'affaires. Nous avons donc tout un travail de sensibilisation à faire. C'est, comme je vous le disais, l'objectif que nous nous sommes fixés dans le cadre du plan stratégique à 5 ans. Au-delà, le développement naturel du nombre des destinations desservies permettra d'offrir un réseau efficace et important aux entreprises. Notre message aujourd'hui est de leur dire que sur les destinations que nous couvrons actuellement, nous sommes un partenaire sérieux, réactif, et compétitif. Il me semble que ce sont des qualités essentielles dans le monde du transport aérien.

Entretien réalisé par Marcel Lévy.