Le diable se cache-t-il dans l’Open Booking ?

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C'est un vocable qui revient plus que fréquemment dans la bouche des travel managers et des fournisseurs ces derniers mois, l'Open Booking. Source d'angoisse pour certains et d'enthousiasme pour d'autres, le terme a en tous cas inspiré l'acheteur Yann le Goff derrière son clavier !

Je ne vais pas l’apprendre aux travel et mobility managers, piloter la configuration d’un outil de réservation online requiert de la patience, des connaissances techniques mais également un « vécu voyage ». Sans ces éléments, l’outil - qu’on le veuille ou non - sera à court terme plus à jour, ne répondra pas aux attentes de l’entreprise et générera des frustrations, des conflits. Ces derniers induiront de la non-performance dont les leviers principaux seront les tensions au sein des accords éditeurs/client/TMC/consommateurs.
Ce risque majeur est un fait généré par la multiplicité des changements dans les configurations des opérateurs, des GDS, des éditeurs, des TMC, de la politique voyages…

Nos amis Anglo-saxons ont réagi en créant l’Open Booking qui peut être interprété de deux façons :

Dans la première, l’Open Booking est piloté par un expert et appuyé par un sponsor de la Direction Générale. Il intègre un véritable projet d’entreprise liant la liberté des individus au bénéfice de l’entreprise et de sa performance. C’est, en clair, le programme libre du patinage artistique où l’athlète doit exceller sans sortir du cadre qui lui est imposé. Si ce cadre est bien défini et qu’il répond aux attentes des voyageurs, ces derniers seront motivés pour s’afficher dans le podium de tête.

En terme de maturité achats, cela demande une parfaite maîtrise des dépenses existantes (mesure de la donnée facturée et pilotage des dépenses), une maturité « travel » (acquise au cours d’années d’expérience) et une ouverture d’esprit de l’exécutif qui doit comprendre la notion de coût total associée aux déplacements d’affaires. La France est immature dans ce domaine.

Dans la deuxième solution, l’Open Booking est plutôt associé au fameux article 22 (« Chacun se dé***de comme il peut… »). Mais là, c’est un constat d’échec sévère, une démission du management et de l’exécutif et un dénigrement du segment de marché « Déplacements d’affaires ». C’est également la certitude de voir grandir l’insatisfaction et le dérapage des coûts liés à des comportements parfois illogiques des voyageurs car le pouvoir d’interprétation et de décision leur est donné. Malheureusement, ces derniers ont bien souvent toutes les meilleures raisons du monde pour faire comme ils pensent plutôt que comme on leur suggère…

Google a bien compris ce risque tout comme certains éditeurs et e-TMC (Egencia par exemple) qui proposent des environnements encadrés associés à des accords préférentiels qu’ils pilotent. Les éditeurs introduisent le « door to door » et les transporteurs s’associent à des centrales hôtelières ou à des loueurs. Mieux, des prestataires deviennent proactifs au lieu d’être réactifs. Preuve en est la transformation numérique du Groupe Accor qui, en lançant AccorHotel, fédère les hôteliers indépendants sur sa plateforme et répond ainsi aux attentes des voyageurs d’affaires. Ça, c’est une excellente nouvelle pour l’acheteur car il va bénéficier de la massification des besoins et des moyens technologiques proposés par ces plateformes. De plus, la concurrence entre les futurs géants permettra un assainissement de paysage commercial (des offres mieux tarifées, plus concurrentielles et surtout plus fiables et complètes). Cerise sur le gâteau, tout cela ira dans le sens de l’acheteur et des travel/mobility managers car ils permettront un cadrage plus précis du voyageur « libre ». Il reste à l’acheteur à faire le choix du bon cheval… C’est pour cela que la veille technologique n’aura, dans les prochains mois, jamais été si importante.

Yann Le Goff,
Acheteur.