Voyages d’affaires : comment gérer les voyageurs emm..deurs?

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Inutile de se voiler la face : dans une entreprise, tous les voyageurs ne sont pas faciles à gérer. Mettons de côté tout ceux, inquiets par nature, qui reviendront une dizaine de fois valider des horaires, des hôtels, des correspondances voire même leur rendez-vous afin d'être certains que tout est bien en place. S'il est naturel de s'inquiéter par avance de la bonne exécution d'un voyage, il est en revanche plus compliqué de gérer des voyageurs pour qui le moindre déplacement est potentiellement un risque. Dur dur d'être l'assistante, le chargé de voyage, le travel manager ou l'agence de voyages de ces clients caractériels.

On a longuement défini, que ce soit dans des livres ou à l'occasion de réunions de spécialistes de la relation humaine, les différentes formes que peuvent prendre ces voyageurs compliqués. Dans l'univers du voyage, l'expérience le montre, il y a au final quatre types de "clients" qu'il faut apprendre à gérer. Dans certains cas, il est même préférable d'anticiper leurs obsessions pour faire en sorte que le voyage ne se transforme pas en chemin de croix car, au final, c'est vous qui la porterez. Ces quatre univers pourraient se résumer en quatre profils simples : l'obsessionnel, le "faux j'menfoutiste", le "je sais tout" et le rebelle.

Inutile de vous présenter l'obsessionnel, vous en avez certainement autour de vous et son fonctionnement est souvent caractéristique même si l'obsession est différente. Ce qui caractérise ce type de voyageurs, c'est le besoin permanent de réassurance qu'il demande à celles et ceux en charge de lui préparer son voyage. La réassurance, c'est tout naturellement l'art de valider et de vérifier un ensemble de données établies à l'occasion du déplacement. A priori, c'est simple à faire. Pas si sûr, répondra l'obsessionnel, car si chaque élément de la chaîne est facile à contrôler, c'est la mise en place de l'ensemble qui, sur le terrain, va lui poser problème. D'autant que l'obsessionnel, et c'est prouvé, n'arrive pas à se projeter dans le temps sans intégrer à cette réflexion de potentielles difficultés qu'il ne rencontrera jamais. Aurais-je le temps de rejoindre mon terminal ? Et si les bouchons m'empêchaient d'arriver à l'aéroport ? Et si ma place n'était pas réservée dans l'avion… La liste est longue, vous pouvez la compléter vous-même. Il est toujours très difficile de lutter contre l'obsessionnel, même en mettant en place des garde-fous puissants. D'autant que le numérique ne facilite pas la tâche. L'obsessionnel se fiche bien du papier, il a besoin qu'on lui parle, qu'on le rassure, qu'on le conforte. Bref, qu'on le materne tout simplement. Que faire alors ? Lui parler tout en lui faisant sentir qu'on ne lui reparlera pas tous les jours de ce voyage à venir. Il faut le cadrer, lui donner des repères professionnels et lui permettre d'assimiler seul le contenu de son déplacement. Plus facile à dire qu'à faire. Sans doute, même si tous les spécialistes confirment que l'obsessionnel doit être drivé, pour ne pas dire conditionné avec poigne afin que l'assimilation globale du voyage se fasse sans encombre.

Le "faux j'menfoutiste" ressemble, a priori, à l'obsessionnel. La seule différence, c'est qu'il n'exprimera pas immédiatement son inquiétude et qu'il trouvera tous les moyens dérivés pour vous conduire à le rassurer et à le conforter dans les choix que vous avez fait. En clair, il utilisera des circonvolutions pour vous amener à évoquer vous-même son voyage et à faire en sorte que les points un peu complexes reviennent systématiquement sur le tapis. Car le "faux j'menfoutiste" n'est jamais persuadé du savoir des autres. Au contraire, s'il respecte les professionnels au savoir évident, il a peu de considération pour les postes un peu flous et aux tenants et aboutissants mal définis. Pour lui, la communication, c'est de la fumisterie. Les achats n'est qu'un service poubelle où l'on aura mis les incompétents. Quant au Travel Manager, il sert à quoi, déjà ? Il respectera en revanche les médecins ou les ingénieurs qui maitrisent un savoir très technique, très formaté. Face à lui, il faux aussi de la fermeté pour le renvoyer dans ses cordes. Ce n'est pas facile tous les jours et il faut parfois aller à l'affrontement pour éviter que la situation ne parte en vrille.

Le « je sais tout » est sans doute le pire des voyageurs qu'il vous faudra affronter. Car tout, de ce que vous aurez préparé est prétexte à discussion et à la critique. C'est un voyageur persuadé que ses connaissances du voyage vont au-delà des vôtres. La preuve, il emmène tous les ans sa famille au bout du monde. Et pas toujours dans des pays faciles. Autant vous dire que ce n'est pas vous qui allez lui apprendre à se déplacer. Il est persuadé le plus souvent que ses choix auraient été bien meilleurs que ceux que vous avez fait. Tout est prétexte à cette remise en cause. Les horaires, les tarifs payés pour un billet d'avion, le choix de l'hôtel, les transferts, la sélection d'un restaurant ou d'une location de voitures… Bref, rien de ce que vous allez proposer n'aura grâce à ses yeux. Le pire, avec ce type de voyageurs, c'est sa capacité à se répandre dans tous les étages. En une phrase assassine, il réduit à néant vos efforts de fidélisation dans l'entreprise. Le « je sais tout » a besoin pour exister de vos propres explications. Il viendra vous demander de justifier vos choix, vos prix, votre calendrier. Il a toujours trouvé mieux sur le net, il a toujours un ami qui est allé avant lui dans le pays et qui a pu lui dire très précisément là où vous vous êtes trompé. Car soyez en sûr, vous vous êtes "lamentablement planté". C'est le voyageur qui peut vous pulvériser une politique voyages en jurant sur ce qu'il a de plus cher qu'il fait tout cela dans l'intérêt de l'entreprise. Autant dire que c'est le voyageur le plus difficile à contrer et à maîtriser. Ce "je sais tout" est incontrôlable et, dans la majeure partie du temps, il a d'abord exprimé ses doutes devant toute la boite avant de vous les révéler. Sympathique, non ? Que faire ? Tuer ses vérités dans l'œuf, l'amener par l'humour à se rendre compte du ridicule de sa démarche. Ne pas le laisser faire faute de quoi vous serez vite débordé. Mieux, il faut allez chercher dans la hiérarchie le soutien indispensable. Car si le "je sais tout" conteste, il n'en demeure pas moins attaché à l'ordre et au respect de sa direction. C'est toute l'ambigüité du personnage.

Dans la même famille, le rebelle est persuadé que tout ce que vous organisez ne prend pas en compte s,es problématiques quotidiennes. Comme si vous veniez spécialement lui mettre des bâtons dans les roues dans l'exercice de son métier. En plus, vous venez compliquer ses déplacements professionnels en faisant en sorte que rien de ce que vous allez proposer ne colle précisément à ses attentes. Franchement vous poussez. Vous pensez vraiment qu'il n'a que « ça » (Réparer vos erreurs) à faire ? L'entreprise lui doit sa survie économique. C'est Zorro. Il y a dans le rebelle de la paranoïa doublée d'une grandeur d'âme que personne ne perçoit à sa juste valeur. Sauf lui. L'entreprise lui en veut et vous n'êtes au final que le bras armé de ses ennemis. Le rebelle viendra, par exemple, refuser les horaires proposés, refuser le choix d'un hôtel voire même refuser globalement l'ensemble des prestations sous prétexte qu'elles ne correspondent absolument pas à ses contraintes professionnelles. Contraintes que, d'ailleurs, vous ne connaissez pas : «On se demande comment tu peux organiser ça pour moi sans même avoir cherché à comprendre à quoi va servir mon déplacement ». La phrase est lâchée et résume à elle seule ce sentiment d'attaque permanente que vit le rebelle. Pour être franc, cette attitude tient plus de la psychanalyse que de la relation normale dans l'entreprise. Faut-il l'écouter ? Vous n'avez pas le choix si vous voulez boucler son voyage. L'une des solutions souvent proposées par les sociologies, c'est le viol.. . moral, il s'entend. Le coincer pour l'obliger à expliquer ce qu'il attend de vous et de son voyage. Quasiment faire en temps réel le schéma du déplacement. Un peu galère mais très efficace.

Il ne faut jamais oublié que la mission d'un TM, d'une assistante ou d'un chargé de voyage est d'être au service des voyageurs. Facile à dire dans une PME/PMI, impossible à faire dans une entreprise du CAC 40. C'est toute la difficulté du professionnel car les voyageurs "emmerd...", eux, sont dans leur esprit un cas unique, un cas à art. Une sorte de Mr Monk du voyage complexe que l'on doit traiter avec bienveillance. Vous êtes là pour eux. Pour écouter leurs problèmes. Autant le dire, votre mission tient plus de l'assistante sociale que du professionnel du voyage d'affaires. Autant vous faire une raison, vos ennuis ne font que commencer.

Marc Dandreau