AFTM : un livre blanc pour comprendre pas pour apprendre

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Le 6ème livre blanc de l’AFTM, qui a pour titre « Structurer le Travel Management au sein des PME-PMI », vient d’être présentée à Univ'AirPlus. Si sur le fond les ambitions de l’association sont claires - aider les PME/PMI à structurer leurs déplacements professionnels - sur la forme, le document est découpé en deux parties inégales. La vision TMC ou agences de proximité, rédigée par Regis Chambert, est réussie. Celle qui aborde la vision du « voyage d’affaires » dans les entreprises est quelque peu passéiste et corporatiste. Dommage.

L’AFTM veut évangéliser les 164 000 PME/PMI françaises et les 4600 ETI (établissements de taille moyenne) qui composent le tissu économique français. «Des entreprises qui ne maitrisent pas le monde des déplacements professionnels», remarque Michel Dieleman, le Président de l’Association. Pour cette raison et pour la première fois, le livre blanc sera adressé à toutes les associations professionnelles et organismes susceptibles de devenir les relais du travel management français. Un envoi massif qui veut séduire la cible pour l’inviter à rejoindre les rangs de l’association. «Nous nous adressons à ceux qui partent d’une page blanche» développe Michel Dieleman. Une vision qui nous semble un peu naïve. L’évolution même du management des voyages au sein des PME/PMI contredit la volonté de l’AFTM. Avexia ou Egencia se sont construits sur ces marchés.
Le livre blanc est pourtant juste dans son approche globale, équilibré et intéressant sur la vision TMC mais quelque peu éloigné de la réalité du terrain. Celle que vivent quotidiennement les fameuses PME/PMI. A l’exception de la vision relationnelle avec l’agence, on ne découvre que peu ou pas le chemin qui conduit à l’évolution de la fonction. Oui, on y trouve des pistes intéressantes mais insuffisantes pour donner une vision globale et précise. L’idée du «référent voyage» dans les entreprises est ancienne et les auteurs de l’ouvrage ne lui donnent pas corps. Dommage, on aurait aimé comprendre le grand écart qui se vit aujourd’hui entre les RH, les achats et les voyageurs. Enfin, l’oubli même de la mission des consultants - qui prend de plus en plus place dans la mise en place des process - est dangereux à une époque ou plusieurs professionnels confirmés se retrouvent sur le carreau, faute d’avoir justifié la nécessité de leur poste. Le BTO (Business Travel Outsourcing) est aussi une approche réaliste pour structurer ses dépenses voyages.

Chaque jour le prouve, pour bon nombre de PME/PMI le budget consacré aux voyages d’affaires est limité. Moins de 60 000 € par an (moyenne nationale, toutes entreprises confondues) répartis dans la prospection ou la maintenance industrielle. Certes, la somme est faible et l’idée de l’optimiser est intéressante. Mais si l’on descend un peu plus dans les usages, on se rend vite compte (notamment à la lecture du baromètre Avexia) que le train est la première composante des dépenses. Pilotage difficile sur un moyen de transport qui verrouille très largement l’optimisation.
Michel Dieleman a raison de préciser que le regard porté se doit d’être sur «la vision réelle des besoins des entreprises et non sur celle que les initiés du voyage d’affaires portent sur la façon de répondre aux attentes». Mais au-delà, que constate-t-on ? Tout d’abord que le temps de l’évolution de l’environnement professionnel va plus vite que le temps d’adaptation des entreprises. Si bon nombre de membres de l’AFTM sont peu novateurs dans leur quotidien, c’est souvent faute de rencontrer une écoute attentive de leur hiérarchie pour étudier de nouvelles pistes de travail. Mais pas que ! La peur de mal faire, ou de se tromper, est fortement présente. L'erreur pénalise le carriérisme. La crainte de sauter, sans réel filet dans de nouveaux process, limite l'imagination.

Au delà, la naïveté de croire, et de répéter inlassablement dans les conférences, que le pouvoir est chez les voyageurs est dangereuse à terme. En période de crise, l'économie pilote l'investissement. L’affirmation fait des dégâts dans la perception même du déplacement professionnel. Du moins dans sa compréhension chez le voyageur lui même. La contrainte reste forte dans les entreprises. Là encore, dans les périodes économiques troublées, le voyageur n'ira pas révolutionner ce qui lui est imposé. Au pire, il évitera de se déplacer. C'est déjà ce que font bon nombre de PME/PMI françaises.

Il reste que le temps technologique, totalement perçu par les nouvelles générations, bouscule les habitudes de travail des voyageurs et des acheteurs. La vision corporatiste du Travel Manager est désormais dépassée par la capacité d’adaptation de la nouvelle génération d’acheteurs et de gestionnaires qui arrive dans les entreprises et chez les fournisseurs. L’ESCAET, par exemple, a déjà intégré cette demande dans la formation DABT qui aborde avec Laurie Larchez, le « change management », sujet essentiel de ces 5 prochaines années. De fait, aujourd’hui, l’école reste prudente sur l’équilibre innovation/réalité car elle sait les freins que l’on rencontre sur le terrain. Justement, n’est-ce pas alors à une structure associative d’aller de l’avant et de regarder largement l'avenir qui se déssine?

Loin de nous l’idée de jeter le bébé et l’eau du bain. Ce livre blanc est une première brique, incomplète mais structurée. Dire aux entreprises que la solution est dans les quelques 50 pages de l’ouvrage serait une erreur. Mais leur promettre que l’AFTM ira plus loin dans une approche plus ouverte du métier serait plus logique. Rester dans le travel management, et tout le travel management, pour oublier la seule fonction d'achat. Voilà qui nous semble être un leitmotiv indispensable pour une modernisation de la fonction.

Découvrez ci-dessous le livre blanc 2014 de l'AFTM