Air France: Janaillac fait le pari du retour à la croissance, pas tous les syndicats

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Venus de toute l’Europe, les journalistes présents ce 3 novembre à la conférence de presse de présentation du projet "Trust together" seront restés sur leur faim. Si ce n’est l’extrême détermination du Président d’Air France/KLM, le contenu du plan laisse interrogatifs les connaisseurs du sujet. Certes, les envies sont fortes et marquées. Mais la volonté suffira-t-elle ?

Compétitivité, retour aux bénéfices et à la croissance, expérience clients… Les expressions positives ne manquaient pas dans la bouche du Président Janaillac pour expliquer un plan stratégique dévoilé peu avant par voie de communiqué. D’autant que pour le PDG du groupe "un pas en avant a été fait depuis deux ans avec une nette réduction de la dette". Mais au-delà, Air France KLM est au centre d’une lutte concurrentielle sans égale. Et sur ce sujet, JM Janaillac ne veut rien céder face aux compagnies du Golfe qui auraient bénéficié pour certaines de "40 milliards de dollars d’aides" et de s'engager: "Je vais me lancer dans la bataille européenne pour obtenir une concurrence juste, sans distorsion qui ne s’appuie pas sur le dumping social". Le ton est donné.

Où va Air France ? "Vers une croissance de 2 à 3% par an", estime Jean-Marc Janaillac qui dresse le portrait de la compagnie en 2020: "435 appareils, 28 milliards d’euros de CA, 100 millions de passagers transportés". Pour lui, cette feuille de route reste réalisable même si aujourd’hui 35% des lignes d’Air France sont déficitaires contre 15% pour KLM. Une vision saluée par la Bourse de Paris qui saluait le projet en plaçant le titre AF dans le peloton de tête des hausses du jour.

La nouvelle compagnie ? Parlons-en. Les nostalgiques d’Air Inter n’en croiront pas leurs oreilles. Il y aura 5 compagnies dans le groupe : Air France, KLM, Transavia, Hop, et la petite dernière annoncée ce matin, le "projet Boost". Mais ce qui surprend, c’est la couverture attribuée à chacune. Pour Air France/KLM et la future-fausse low cost, le monde est le terrain de jeu. La nouvelle marque débutera ses activités en moyen-courrier à l’hiver 2017. Le long courrier dès 2018. "Ce ne sera pas une low cost" annonce d’emblée le PDG. Mais force est de constater que cette "créature", comme la nomme un journaliste italien, n’est pas d’une grande logique. 10 avions en 2020 pour 20% de l’offre long courrier, le tout pour se positionner sur les lignes non rentables. Pas facile de comprendre le sens du projet. Pour Janaillac, la nouvelle compagnie sera naturellement adaptée aux vols long courrier vers l’Asie avec un équipement inférieur à ce qui existe sur les vols réguliers. Comme le faisait remarquer mon confrère du Point, "C'est une excellente idée pour éviter de réaménager les avions et de les moderniser". Avec des avions anciens, on offrira ainsi des prix plus bas qui ne choqueront pas les voyageurs. Seul point fort du projet, une offre digitale à bord. Mais côté business, si le lit est plat est annoncé, (sans doute les V3 et V4 du siège affaires), oubliez l’accès direct avec, sans doute, une configuration en 2-3-2. Quand on vous disait que cela ressemble à certaines machines en activité.

Pour Hop et Transavia, retour au domestique. Une sorte de fusion sans fusion. Transavia n’est plus la priorité du groupe. Au moment où elle se positionnait sur le business travel, le coup est dur. Mais Jean-Marc Janaillac ne veut pas limiter l’expansion des deux petits transporteurs du groupe: "Aujourd’hui, seules 5% des destinations européennes sont desservies au départ de province. Nous pouvons faire mieux". Sans doute, serait-on tenté de répondre au vu des programmes hiver de Ryanair, Vueling ou Easyjet qui ne manquent pas de soutenir le point à point. Le plan n'en dévoile pas davantage et il est difficile de comprendre qu'elle est la répartition des rôles. Remarquons au passage que Lionel Guérin - patron de Hop! Air France - n’était pas présent ce matin pour écouter le boss ! Etait-il au moins invité ?

Côté tarifs, Air France annonce une remise à plat de son offre. Premier objectif, uniformiser les tarifs de l’ensemble des compagnies. Difficile à croire même si le Président Janaillac veut articuler l’offre autour de trois formules (basic, smart, flex) avec une lisibilité tarifaire unique. Pour l’heure, on en est loin et sur certaines destinations, au sein du même groupe, le prix d’un A/R va du simple au triple. Il y a encore du travail à faire pour atteindre l’objectif. Idem pour les miles qui sont en cours de refonte. Plus favorables ? Pas certain, mais le projet n’est pas encore abouti.

Il reste à étudier la réaction des syndicats. "Tout ça pour pas grand-chose", confiait un syndicaliste. Et de poursuivre: "Air France a perdu 10.000 salariés depuis 5 ans, pour quels résultats concrets ?". Même son de cloche chez les pilotes qui ne veulent pas entendre parler de statut au rabais. Mais pour eux, largement préservés par Jean-Marc Janaillac, le projet est "globalement ambitieux, réaliste et malin".

Côté CGT la vision est différente, "On sent déjà le clivage que veut mettre en place la directio", disait un représentant du personnel, qui dit quand même "attendre pour voir et juger". Il faut dire que le Président du groupe, en fin négociateur, n’a jamais parlé de suppression d’emplois ou de plan de départs volontaires. Au contraire, voilà quelques jours il évoquait même le recrutement de nouveaux pilotes. Malin, il ne touche pas non plus au statut des pilotes. Ce matin, il est vrai, on avait déjà le sentiment en écoutant Janaillac qu’une partie de son plan avait déjà été négocié avec certaines catégories de personnel.

Une détermination sans faille

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