Airline Of The Year, un titre justifié

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Le magazine Air Transport World vient de décerner ses Awards pour l’année 2011. Le grand gagnant, «Airline of the Year», est Air New Zeland. Cette récompense salue le formidable redressement opéré par la compagnie qui, il n’y a pas si longtemps, était au bord du dépôt de bilan. Elle s’en est sortie, bien entendu en faisant de considérables efforts de productivité, mais également en travaillant à l’amélioration de son produit. Et les efforts ont porté. Du coup son «yield» a pu être amélioré et les résultats ont suivi. Cela donne quelques espoirs aux transporteurs actuellement dans une passe difficile. Il est très facile de tomber mais il est possible de se redresser, à la condition de prendre les mesures appropriées.

Airline Of The Year, un titre justifié
Le plus intéressant dans le palmarès d’ATW est la liste des compagnies récompensées : Air Asia reçoit le «Value Airline of the Year», Qantas Link est distinguée en tant que «Regional Airline of the Year», All Nippon Airways est nommée «Airline Technology Leadership», pendant que Ethiad Airways reçoit le «Passenger Service Award». Transaero obtient le «Airline Market Leadership» et Alaska Airline le «Joseph S. Murphy Industry Service Award». Fermez le ban.

Ce qui frappe le plus à la lecture de ces distinctions est l’absence totale des transporteurs européens, et la quasi disparition des compagnies américaines à l’exception d’Alaska Airlines, qui est loin d’être un transporteur leader et pour un Award somme toute secondaire. Il n’y a pas si longtemps, les mêmes récompenses étaient trustées par les géants américains et les transporteurs nationaux européens. Apparemment, la stratégie suivie par ces compagnies ne les conduit pas à être distinguées. Plus même, on peut se demander si les rapprochements entre grands transporteurs ne phagocytent pas toute leur énergie, ce qui les empêche de se tourner vers leur marché et de dédier leurs efforts à la satisfaction de leur clientèle.

Tout cela est assez inquiétant, d’autant plus que cette course folle à la taille la plus grosse est loin d’être terminée. A peine British Airways et Iberia ont-ils annoncé leur quasi fusion au sein de IAG, que Lan Chile et TAM veulent faire de même, sans doute dans l’idée de truster le marché sud-américain. Je leur souhaite bien du plaisir. Gérer de façon efficace un méga-carrier composé de transporteurs historiquement différents et de personnel de cultures parfois opposées est une gageure que pratiquement personne n’a réussie. On me citera quelques exemples américains : Continental et United, Northwest et Delta, US Air et America West Airlines, mais d’abord tous sont passés par la case du «Chapter 11», autrement dit le dépôt de bilan à l’américaine et de plus les cultures américaines sont tout de même plus proches que les cultures européennes ou sud-américaines.

Une fois les exploitations rationalisées et les ressources aéronautiques proprement utilisées pour couvrir de nouvelles routes, ce qui entraîne assez mécaniquement des gains importants en peu de temps, viennent les ennuis. La productivité n’augmente plus, voir même elle régresse, les syndicats se font plus agressifs, l’unification des systèmes informatiques s’avère extrêmement coûteuse et complexe, sans compter la mise en place d’une organisation nouvelle qui, à l’évidence, entraîne de grandes frustrations et jalousies. Bref, plus rien pour bien faire fonctionner une très grosse machine alors qu’au stade précédent, ces compagnies avaient montré leur capacité à se développer.
L’attribution des Awards de ATW vient à point nous rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’être gros pour être beau. La taille d’Air New Zealand est somme toute modeste et aucune des compagnies récompensées n’arrive dans le top 10 des transporteurs mondiaux.

La course au volume est suicidaire. La taille peut parfois faire illusion, elle peut éventuellement être utile à la conquête de nouveaux marchés, elle peut servir de système de défense pour garder des positions acquises, mais elle se paie de coûts de structure considérables et surtout elle est un facteur majeur de ralentissement dans les processus de décision. Or pour se battre avec quelques chances dans un marché si concurrentiel, il faut pouvoir réagir très vite. C’est bien ce qu’ont compris les compagnies « low costs » et les transporteurs du Golfe. Ni les uns ni les autres n’ont l’intention d’entrer dans l’une des alliances. Leur indépendance est garante de leur capacité de réaction.
Le moment est venu pour les transporteurs «occidentaux» de repenser leur modèle, non plus en termes de taille, mais en capacité à servir leur marché. Ce sera très difficile et la tendance ne va pas dans ce sens pour le moment. Je note cependant que même le groupe Lufthansa souhaite diminuer de taille en se séparant de quelques-unes des compagnies rachetées.
C’est peut-être la voie de la sagesse.

Jean-Louis BAROUX