François Bacchetta, Easyjet France : «Nous avons un coût d’exploitation par siège deux fois inférieur à celui d’Air France»

256

Les low cost ne sont plus désormais reléguées au rang de "sous compagnies aériennes" par les entreprises. Fini le temps des critiques car en devenant low fares, les low cost ont démontré que leur business modèle leur permettait désormais de rivaliser avec les plus grandes compagnies régulières.

François Bacchetta, Easyjet France : «Nous avons un coût d'exploitation par siège deux fois inférieur à celui d'Air France»
Avec un poids estimé à une fourchette de 16 à 18 % dans le marché du voyage d'affaires, on assiste désormais à un regain d'intérêt pour ces compagnies à bas prix dont la particularité est d'offrir un réseau d'une grande densité et surtout point à point, qui permet bien souvent de gagner du temps lors des déplacements professionnels. Et si elle vole sur des aéroports plus classiques que bon nombre de ses consœurs low-costs, puisqu'elle décolle d'Orly et Roissy, EasyJet a réussi à conquérir une place dans le marché du voyage d'affaires en ouvrant sa commercialisation aux TMC et aux agences de voyages traditionnelles. Simple piste de nouveaux développements ou adaptation du modèle au voyage d'affaires ? C'est la question posée à François Bacchetta, le patron France d'EasyJet.

Déplacementspros.com : Voilà quelques temps vous avez annoncé clairement que vous souhaitiez-vous développer dans l'univers du voyage d'affaires. Où en êtes vous exactement aujourd'hui ?

François Bacchetta : Je crois qu'il faut analyser deux aspects dans votre question. Le premier est lié au développement même du réseau d'EasyJet. À son augmentation de fréquences sur certaines destinations et à la mise en place de nouvelles liaisons généralement desservies via des aéroports principaux, ce qui facilite les déplacements professionnels. Pour mémoire, je vous rappelle qu'EasyJet est l'une des compagnies les plus présentes dans le Top 100 des destinations européennes. Nous avons optimisé la qualité des services et mis en place des options qui permettent aux voyageurs d'affaires de disposer d'outils qui facilitent leurs déplacements comme le "speed boarding" ou les tarifs flexibles. Nous avons toujours eu à bord d'EasyJet une clientèle de petites entreprises, celles qui payent le plus souvent avec leurs fonds propres. Ce segment représente environ 21 % de nos clients. L'autre point à souligner, c'est que nous avons toujours cherché à développer des services qui n'impactaient pas nos coûts et notre modèle économique, à savoir des temps d'embarquement rapides pour une optimisation des temps de rotations de nos appareils. De fait, si dans le même temps, nous pouvons en offrir plus à nos clients, nous devons le faire. Globalement, cette vision du marché a séduit le monde du voyage d'affaires français où nous enregistrons de bons résultats.

DéplacementsPros.com : Comment analysez-vous les résultats d'EasyJet dans ce monde du voyage d'affaires ?

François Bacchetta : Il faut d'abord se dire que le temps est une composante essentielle de notre développement. L'arrivée de Sébastien Calmejane comme responsable commercial corporate nous a permis d'être en contact avec un plus grand nombre entreprises, de signer des contrats avec elles et de leur proposer une offre globale qui correspondait à leurs besoins. Parallèlement, nous avons développé les premiers outils technologiques destinés à intégrer notre offre à l'intérieur des GDS. Nous avons également engager des partenariats avec les grandes TMC, comme par exemple American Express. C'est un premier pas vers le monde du corporate qui devrait permettre à nos futurs clients de découvrir notre offre. Il a fallu, et ce n'est pas fini, mettre en place la technologie qui permet de répondre à ces attentes et vérifier que la simplification offerte aux agences correspondait bien à leurs demandes. Au jour d'aujourd'hui, nous avons un point de plus de pénétration dans cet univers du voyage d'affaires.
Mais il me semble important de souligner que ce qui plaît à nos clients, c'est l'augmentation du nombre des fréquences associée à un tarif généralement situé entre 30 et 50 % moins cher que celui de la concurrence. Aussi, nous avons travaillé à l'augmentation du nombre de lignes desservies, du nombre de fréquences et à l'optimisation des horaires pour permettre à des voyageurs d'affaires de faire l'aller retour dans une journée.
Enfin, il a fallu mettre en place des services préférentiels. Nous avons développé une Fast Track à Orly et nous la proposerons très prochainement à Roissy. Ce que nous avons fait pour ces deux aéroports parisiens, nous devrons bien évidemment le faire pour d'autres aéroports en province comme en Europe. Enfin, et nous le testerons dès le printemps prochain, nous proposerons sur les vols d'EasyJet des places allouées. Je parle de test car bien évidemment tout cela ne doit pas ralentir les délais de rotation de nos appareils et les temps moyens d'embarquement.

DéplacementsPros.com : Avez-vous succombé au tarif négocié pour les contrats Corporate ?

François Bacchetta : Nos prix parlent d'eux même car il suffit de les benchmarker pour les adopter. Nous n'avons pas de tarif garanti fixe. Notre offre est très lisible car nos prix sont généralement les moins chers, même en dernière minute. A des prix standards, proposés à la base à tous nos clients, les entreprises peuvent ajouter des services complémentaires comme les tarifs flexibles. Moyennant un léger supplément, les voyageurs peuvent désormais modifier sans frais leurs billets, autant de fois qu'ils le souhaitent sur une période donnée, profiter d'un embarquement prioritaire et éventuellement d'un bagage en soute. Il me semble difficile d'être une compagnie low fare et d'intégrer des tarifs encore plus bas à notre gamme de prix. Je constate simplement que les entreprises l'ont bien compris et que nous avons signé un grand nombre de contrats avec elles pour leur faciliter l'accès à nos offres.

DéplacementsPros.com : Il semblerait qu'Air France mette en place un modèle assez proche de celui que vous exploitez depuis quelques années. Cela vous effraie-t-il ?

François Bacchetta : J'ai pour habitude de dire que l'on ne devient pas Low Cost mais qu'on nait low cost. C'est une culture, un état d'esprit défendu par chacun des membres du personnel. Si l'on regarde un peu l'état du marché, on constate que sur le moyen-courrier, Air France perd de l'argent et que nous, nous en gagnons. Il m'apparaît tout à fait normal qu'AF regarde nos méthodes et s'en inspire pour redevenir profitable. Mais il y a un grand nombre de pistes qui ne sont pas forcément applicables parce qu'on le décide. Si l'on regarde la flotte d'Air France, il y a plus de huit modèles d'avions différents alors que chez Easyjet il n'y en a qu'un seul. Nos avions sont récents, c'est donc la garantie qu'ils consomment moins et qu'ils ont moins besoin de maintenance que des avions plus anciens. Si vous comparez les résultats, nous avons un coût d'exploitation par siège deux fois inférieur à celui d'Air France.

Propos recueillis par M. Lévy.