Guillaume Mulliez, Dimo Gestion : « Nous avançons sans forcément faire de bruit mais nos évolutions sont jugées essentielles par nos clients »

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Alors que le monde médiatique traque la moindre nouveauté dans l'univers du voyage d'affaires, Dimo Gestion s'attache à faire évoluer tranquillement ses produits, en toute sérénité. Pour Guillaume Mulliez, à la tête de l'entreprise lyonnaise, «Il faut se méfier d'un bruit qui n'est pas réellement novateur».

«Notre travail est d'être attentif aux développements et aux besoins de nos utilisateurs. Chaque avancée de l'un de nos logiciels répond à une logique de développement qui se voit, s'utilise et apporte une vision nouvelle d'une fonctionnalité attendue. C'est ce que nous avons toujours fait au sein de Dimo », explique le PDG de l'entreprise. Pour Guillaume Mulliez, l'anticipation est vitale, tout comme la perception des changements attendus par les marchés. Mais où en est Dimo et quel regard son patron porte t-il sur les prochaines années ? Réponses avec cet entretien réalisé par Marcel Lévy.

DéplacementsPros.com : Avant d'entrer dans le détail des résultats de Dimo Gestion et d'évoquer son avenir, ceux qui vous connaisse affirment que vous avez une vision d'entrepreneur attentif à l'environnement de travail. Concrètement, cela donne quoi ?

Guillaume Mulliez : Je le dis assez fréquemment, une entreprise c'est tout d'abord une équipe, des idées et la volonté de réussir tous ensemble un projet. C'est ce qui me tient à cœur depuis la création de Dimo Gestion et il m'arrive fréquemment de dire en souriant que je ne supporte pas les patrons. J'ai débuté ma carrière au Canada dans une entreprise, Phildar, qui globalement portait des valeurs assez identiques. Au-delà, je pense qu'il est nécessaire que nous proposions à nos clients plus qu'une simple solution logicielle, mais un véritable environnement de réflexion autour de leurs besoins, de leurs attentes, tout en prenant en compte leur propre culture d'entreprise.

Aujourd'hui, nous sommes environ 280 personnes à Dimo et nous venons de poser la première pierre d'un nouveau siège, toujours dans la région de Lyon, qui devrait être inauguré en avril 2015. Nous avons un turn-over annuel assez faible, d'environ 10%, ce qui fait que globalement nous recrutons 70 personnes chaque année pour grossir les équipes et continuer ce travail d'innovation qui est essentiel à notre développement.

DéplacementsPros.com : Quels sont les résultats économiques de Dimo Gestion ?

Guillaume Mulliez : Nous avons fait pour l'exercice 2012/2013, qui s'est terminé fin septembre, environ 28 millions d'euros de chiffre d'affaires, un résultat en augmentation de 19 % par rapport à l'an dernier. La part du voyage d'affaires représente 35 % de nos activités et nous couvrons aussi bien l'entreprise privée que publique. L'une de nos premières missions est de proposer des solutions adaptées à tous les types de marché, évolutives en fonction des besoins manifestés, présents et à venir. Il n'est pas facile de répondre à des entreprises publiques qui gèrent un grand nombre de spécificités, que ce soit autour des per diem, des SBT ou des ordres de mission sans prendre le temps d'analyser la demande et de trouver le produit qui viendra s'insérer dans la chaîne, que ce soit en matière de notes de frais ou de récupération de TVA à l'international. Face un développement mondial, la mise en place d'une traduction de l'un de nos produits dépasse le simple cadre du mot à mot pour s'adapter à l'ergonomie et aux habitudes de travail du pays concerné. Nous avons ouvert il y a 18 mois un bureau à Madrid. Nous nous installons à Milan ainsi qu'à Montréal.

DéplacementsPros.com : Vu de l'extérieur, on a parfois le sentiment que Dimo Gestion innove peu ?

Guillaume Mulliez : Il faut toujours se méfier des apparences. Que ce soit dans l'univers de la dématérialisation, de la gestion des justificatifs, de l'étude des nouvelles règles européennes, des procédures fiscales ou de l'intégration des notes de frais dans une chaîne de gestion financière... Chacun de ces domaines fait l'objet d'évolutions permanentes, issues d'une demande formelle de nos clients ou d'une anticipation de nos équipes de développement. On peut donner tous les noms que l'on veut à une évolution technologique, l'appeler "door to door" ou "end to end", mais au final il faut que tout cela s'intègre naturellement dans la chaîne de l'existant.

Nous avons de notre côté développé le "Travel hub" qui se veut justement cette plate-forme universelle capable de suivre la démultiplication des SBT dans les pays qui tous, ne travaillent pas forcément de la même manière. Ce "Travel hub" permet justement d'intégrer le On et le Off avec les enrichissements nécessaires. Nautilus, qu'il soit off line ou On line, s'intègre à l'ensemble des transactions, s'adapte à tous les SBT et dialogue aussi bien avec les TMC ou les hôtels. Nous regardons toujours comment travaillent réellement les comptables ou les chargés de voyages. Nous testons chacune de nos idées sur le terrain en mettant en place des protocoles dont nous savons que la finalité est une utilisation la plus transparente possible. Ce sont des dizaines de petites innovations annuellement appliquées à nos solutions.

DéplacementsPros.com : Vous dites souvent que le bon sens est essentiel à l'évolution d'une entreprise. Pourquoi ?

Guillaume Mulliez : Parce que je suis d'abord un pragmatique. Je regarde ce qui se fait. Par exemple, ma note de frais je ne la fais pas forcément dans l'avion, pas forcément à l'instant même où je fais une dépense et je me dis que tout ce qui peut me permettre d'en faciliter la réalisation est un atout. L'exemple que je donne souvent est simple : Notilus, couplé à une carte Corporate, permet de faire une note de frais en moins de 15 minutes. Ce n'est pas la peine de perdre plus de temps car au final, cet ensemble comptable doit s'intégrer dans une chaîne de la manière la plus logique possible. Je crois peu à cette course à la mobilité que l'on veut appliquer à toutes les fonctionnalités du voyage. Par contre je crois beaucoup à la validation mobile, compte tenu du fait que nous sommes de plus en plus en mouvement et qu'il y a des urgences à gérer. Il faut donc moduler sa vision en fonction du terrain et de sa réalité. Ce n'est pas une affaire de génération, mais une simple expression du bon sens qui prend en compte l'époque que nous vivons. Il n'est jamais trop bon d'être trop en avance !

Autre exemple, nous sommes les seuls à faire des solutions réversibles en cloud privé, en intranet et vice versa avec des serveurs installés dans la banlieue lyonnaise pour répondre aux cahiers des charges sécuritaires des entreprises. Nous ne figeons pas les évolutions dans le temps. Et un choix peut être modifié simplement par le client. Là encore, grâce aux Travel hub, il est possible de gérer de façon multiple les données tout en conservant une grande flexibilité vis-à-vis des SBT. Le tout en parfaite sécurité pour le client. L'un de nos gros avantages, c'est que nous ne sommes pas payés à la transaction ce qui nous permet d'avoir une vision rapide de ce qui peut aider l'entreprise à mesurer un ROI en matière de dépenses d'un déplacement. On peut ensuite se positionner face à la visio ou un call sur Internet. Les dépenses pilotent toujours les investissements. Un regard acéré sur ce qui est engagé est un tableau de bord vital à l'évolution de l'entreprise.

DéplacementsPros.com : Vous ne défendez pas toujours le on line pourquoi ?

Guillaume Mulliez : Aujourd'hui, le taux moyen du on line évoqué par les grandes TMC est de l'ordre de 30 à 35 %. On voit également que l'on parle de plus en plus souvent du confort du voyageur et de l'optimisation d'un voyage qui se veut plus moins cher en fonction du lieu et de sa durée. Si le non line reste un outil évident pour réaliser des économies, ce que nous reconnaissons tous, le off line n'est pas pour autant dépassé et permet dans certains cas d'en réaliser d'autres avec une analyse humaine plus précise.

C'est d'ailleurs pour cette raison que Notilus switche du on au off line. Je dis qu'il faut donc rester attentif, pragmatique]b, et ne pas privilégier tel ou tel système là où le bon sens permettrait naturellement de faire des économies. Il n'est pas forcément toujours facile de gérer plusieurs taux de TVA, de moduler des services additionnels et ce, quel que soit le moyen que l'entreprise met en place pour régler ses dépenses que ce soit une carte logée, une carte virtuelle ou une carte Corporate. Ce qui est certain, c'est que l'ensemble de ces éléments doit se retrouver dans un reporting fidèle qui autorise finement l'analyse des dépenses et l'anticipation ou l'adaptation aux habitudes du voyage.

DéplacementsPros.com : On a le sentiment que tout a été dit et écrit sur la note de frais ?

Guillaume Mulliez : Je dis toujours que le diable est dans les détails et dans la note de frais plus particulièrement. Il ne faut pas oublier que la note de frais est gérée de façon culturelle dans une entreprise. Elle est liée aux habitudes de l'entreprise et tout changement l'expose à des incompréhensions ou des erreurs. On peut imaginer que ce qui se fait aujourd'hui est, à l'instant T, ce qu'il y a de mieux dans l'univers de la note de frais. Mais on ne peut pas raisonnablement se contenter de cette analyse sans se dire que les choses évoluent, que la fiscalité évolue, que la dématérialisation s'amplifie et que les différents canaux d'accès à l'information se multiplient.

Il y a donc, et cela me semble naturel, des évolutions qui sont possibles même si aujourd'hui on n'en perçoit pas forcément les contours et la finalité. C'est le travail d'une entreprise comme la nôtre que d'anticiper la vision pour y répondre. Lorsque c'est une innovation réellement forte et nécessaire aux attentes qui ne sont pas forcément imaginées par nos clients mais qui vont rapidement s'imposer comme essentielles dans le temps, il est de notre devoir de les présenter, de les promouvoir et de les mettre en avant dans des mises à jour.

DéplacementsPros.com : Dimo Gestion organise tous les ans un grand rendez-vous avec ses clients et des fournisseurs, qu'en est-il pour 2014 ?

Guillaume Mulliez : Le Forum Dimo se déroulera le 10 avril 2014 autour d'un thème réaliste : le plaisir d'entreprendre. Le sujet, loin d'apparaître aussi simpliste qu'on pourrait le croire, se veut l'expression évidente du plaisir que l'entrepreneur doit trouver à la création et à la gestion de son entreprise. Quels sont les moteurs qui l'animent, quels sont les outils attendus, comment mettre en place un cercle virtuel entre ses clients et l'entreprise ? Autant de points que nous débattrons, avec comme grand témoin le matin Pierre Kosciusko-Morizet qui a créé Priceminister.com et qui reste un entrepreneur dans l'âme.

DéplacementsPros.com : Quel regard portez-vous sur le voyage d'affaires en 2014 ?

Guillaume Mulliez : Si j'avais une boule de cristal, je pourrais répondre aisément à cette question ! Je crois, je vous l'ai dit, qu'il faut être pragmatique face au marché et ne pas se lancer forcément tête baissée à la recherche d'innovations qui n'en sont pas. Il faut du réalisme et de l'anticipation lorsque l'on gère une entreprise pour rester proche des marchés, l'écoute est nécessaire. Mais écouter et entendre sont différents. Nous devons, tous, à tous les niveaux faire les deux. Pour Dimo, nous avons en 2013 de nouveaux clients comme Eurotunnel, où la Communauté Urbaine de Lille et comme tous les chefs d'entreprise, mon premier souhait pour 2014 serait de poursuivre le développement engagé en 2013, d'obtenir la même satisfaction client si ce n'est mieux et de convaincre de nouvelles entreprises de nous suivre. Tout un programme !