L’aviation en 2050

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Où en sera l'aviation en 2050, les ingénieurs auront-il inventé de nouvelles sources énergétiques pour remplacer le kérosène, y aura t-il encore un pilote dans l'avion, qui contrôlera la circulation des aéronefs? Ces questions et prospectives, c'est l'ONERA qui se les pose. Et avec quelques 2000 salariés et 200 doctorants spécialisés dans l'aéronautique, on peut imaginer qu'il sait de quoi il parle. De quoi imaginer un futur dans lequel, selon certains scénarios, les voyageurs d'affaires n'auront plus lieu d'être...

L'aviation en 2050
Avec son étude sur le transport aérien en 2050, l’Onera pose les jalons d’une réflexion de long terme
Dans 40 ans, le ciel sera-t-il encore un lieu de transport massif ? Quelles ruptures technologiques
majeures sont à envisager ? L’aviation offrira-t-elle un substitut à la voiture particulière ? Sur quels
domaines de recherche investir ? Premier centre public de recherche aéronautique et spatiale français,
l’Onera a étudié les options technologiques et organisationnelles à envisager pour le Système de
Transport Aérien à horizon 2050. Son étude «Transport aérien 2050 : des recherches pour préparer l’avenir» pose les jalons d’une réflexion de long terme et identifie les axes de recherche prioritaires à partir de 4 scénarios. Tous prennent en considération les trois certitudes qui conditionnent le paysage aérien : l’exigence de sécurité, la limitation des ressources énergétiques et la nécessité grandissante de réduire l’empreinte environnementale.

Scenario 1 – Un ciel sans limite (UnLimited Skies) : un secteur en pleine expansion.
Dérégulé d’un point de vue économique alors que l’espace aérien est sur-sollicité, on voit apparaitre une grande variété de véhicules aériens, des utilisations de transports de plus en plus diverses (loisirs, missions de surveillance, transport militaire) et des intervenants qui se multiplient (compagnies aériennes, systèmes de contrôle, infrastructures au sol).
Les défis à relever portent sur la conception de nouveaux véhicules, la refonte du système de gestion du trafic aérien et le développement de solutions d’inter-modalité.

Scenario 2 – Un ciel régulé (Regulatory Push Pull) : la régulation au service d’une approche globale du respect de l’environnement
La demande de transports est toujours aussi forte (aérien, terrestre, maritime) et les intervenants aussi multiples et diversifiés. Mais, simultanément, une prise de conscience de la nécessité de réguler l’offre émerge pour aller plus loin en matière de préservation des ressources énergétiques et de réduction de l’empreinte environnementale.
Dans ce contexte de « ciel régulé », de nouveaux véhicules, de nouvelles infrastructures et de nouvelles procédures (trajectoires vertes, phase d’approche…) voient le jour ; tous devront être respectueux de l’environnement, avec des valeurs limites d’émissions et de nuisances sonores.

Scenario 3 – Retour sur terre (Down to Earth) : un monde qui fonctionne quasiment sans énergies
fossiles et ne rejette rien
La société exprime une volonté forte : limiter la consommation des ressources énergétiques, que ce soit pour des raisons environnementales ou économiques. Par conséquent, l’espace aérien est réservé aux missions prioritaires et la mobilité se limite aux missions d’intérêt général. Ce scenario pousse les acteurs du Système de Transport Aérien à développer des véhicules spécialisés pour des missions de sûreté ou de surveillance. Ces véhicules sont pensés avec des technologies propres et ont notamment recours à l’automatisation. Le transport terrestre se développe et de nouvelles alternatives à la mobilité apparaissent (ex. moyens de communication virtuelle). Enfin, l’aérien dédié aux missions autres que prioritaires est contraint d’utiliser des aéronefs non polluants.

Scenario 4 – Un monde fracturé et cloisonné (Fractured World) : une juxtaposition de mondes
autarciques au développement très contrasté
Juxtaposition des trois précédents scénarios, ce dernier présente un monde fragmenté en plusieurs blocs. Ces blocs observent des scénarios différents, fonction de leurs spécificités et besoins propres.
Le développement du Système de Transport Aérien passe donc nécessairement par une offre distincte pour chaque bloc. La conception d’aéronefs se fait au niveau local et chaque bloc mise sur des formes et des technologies différentes. Les vols internationaux entre blocs sont en déclin, mais les vols régionaux au sein d’un même bloc se développent. En raison de tensions entre les blocs, on pourrait assister également au développement d’agressions entre les blocs ou de terrorisme. De fait, l’exigence de sûreté est renforcée.

Quel que soit le scénario, l’Onera a d’ores et déjà identifié les constantes et axes de recherche communs sur lesquels investir prioritairement. Ils concernent les aéronefs, la gestion du trafic et le pilotage, les infrastructures aéroportuaires ainsi que les outils de conception, d’évaluation et de validation.

Aéronefs : de nouvelles options conceptuelles et technologiques
Dans le domaine des aéronefs, l’Onera envisage de nouveaux modes de propulsion, de nouvelles
configurations, de nouveaux matériaux et de nouveaux modes de commande. Cette profusion impose une approche multidisciplinaire et multicritère afin que tous ces phénomènes soient modélisés et intégrés. Qu’il soit question de propulsion répartie, électrique, hybride ou nucléaire, les aéronefs de demain permettraient un abaissement du coût énergétique ainsi qu’une réduction du rayonnement acoustique. Certaines formes pourraient même atteindre l’objectif d’une neutralité en matière de rejet de CO2. En ce qui concerne les nouvelles configurations, l’Onera s’est penché sur plusieurs configurations. Leurs avantages ont été revus afin d’accueillir des nouvelles technologies porteuses de gains supplémentaires en termes d’efficacité énergétique et environnementale. A titre d’exemple, on peut citer l’aile volante. Au-delà d’avantages aérodynamiques évidents, il faut noter sa masse structurale intrinsèquement faible et sa capacité à intégrer la motorisation en son sein.
Sur la question des matériaux (ex. matériaux composites, matériaux à mémoire de formes), il conviendrait d’étudier plus en avant leur capacité d’absorption (limitation des nuisances sonores), leur robustesse et leur tolérance au vieillissement : leurs capacités pourraient s’avérer étonnantes.

Gestion du trafic et pilotage : vers une automatisation contrôle aérien et des aéronefs
L’automatisation, qu’il s’agisse du contrôle aérien ou des aéronefs, induit plusieurs défis à relever : une capacité de calcul rapide, une preuve de la sécurité et de la sûreté d’un tel système, puisqu’il implique un véritable bouleversement culturel pour les passagers. Une attention particulière devra également être portée à la période de transition entre le système actuel et le futur automatisé.
En termes de procédures, il y a beaucoup à gagner sur la mise au point de trajectoires vertes grâce à la notion de contrat 4D. Ces contrats seraient établis en prenant en compte les performances de l’avion, la météo prévue et la demande de trafic. Chaque appareil devra pouvoir respecter son contrat 4D ou le renégocier s’il ne peut faire face, par exemple, aux variations imprévues des conditions météo. En proposant une automatisation de la gestion du trafic, l’aérien pourrait bénéficier d’une économie des énergies, d’une limitation des nuisances, d’une augmentation de la sécurité, d’une fluidité du trafic, d’une meilleure prédictibilité ou encore d’une gestion des imprévus optimale.
Pour réduire le nombre d’accidents, une automatisation de la plupart des taches devra être envisagée : les communications avion / Air Trafic Control, la navigation, la gestion des imprévus, le pilotage.

Infrastructures aéroportuaires : une logistique optimisée
Dans le domaine des infrastructures aéroportuaires, l’effort de recherche portera sur la conception des infrastructures dans leur ensemble et l’optimisation de leur logistique. Le recours à des simulations poussées sera indispensable pour étudier chacune des pistes envisagées.
Les pistes pour demain s’orientent dans un premier temps vers une neutralité en rejets polluants,
notamment de CO2, une réduction des nuisances sonores et un abaissement de l’impact sur la qualité de l’air. Cela suppose une intégration de la notion de développement durable pour chacun des maillons du, cycle de vie des infrastructures : de leur conception à leur recyclage. D’un point de vue du fonctionnement même des infrastructures, une production locale de l’énergie pourra être envisagée qu’elle soit d’origine éolienne, géothermique ou qu’elle provienne de centrales distantes.
Une adaptation des terminaux et des pistes, une optimisation des procédures d’embarquement et de
nouvelles aides au décollage (ex. catapultage) ou au déplacement au sol (tracteur automatisé, propulsion électrique) seraient également à explorer. Le trafic au sol et la gestion des portes d’embarquement en seraient fluidifiés alors que l’inter-modalité serait facilitée.

Conception, évaluation et validation : des outils et méthodes indispensables
Il est indispensable de développer des outils et méthodes de conception, d’évaluation et de validation, au service des trois axes de recherche précédemment décrits.
A titre d’exemples, les méthodes de conception contribueraient au développement d’aéronefs, ceux
d’évaluation à la réduction du bruit et à une optimisation des performances. Enfin, les outils et méthodes de validation joueraient un rôle majeur pour le développement de nouveaux modes de gestion du trafic aérien. L’effort de recherche doit se concentrer sur des modèles qui se fondent sur les lois de la physique plutôt que sur la capitalisation de données et de statistiques historiques.
Dans ce contexte, plusieurs défis seraient à relever : une prise en considération d’innovations dont nous n’avons encore aucune expérience, une conception et une optimisation multidisciplinaire et multiphysique, une fédération de ces outils au sein de plateformes interopérables, une validation de la sécurité de ces systèmes.

Ces travaux ont été réalisés par l'Onera pour mettre en exergue les domaines recherche sur
lesquels investir pour préparer le futur du Système de Transport Aérien. Actuellement cet organisme fédère de nombreux travaux de recherche comme PPlane, un avion personnel où la notion de pilotage disparait au profit d’une gestion automatisée complète, SWAFEA, une étude européenne sur la faisabilité et l’impact des carburants alternatifs, plus récemment 4Dco-Gc, des études européennes portant sur l’automatisation du transport aérien, ou encore IESTA, une Infrastructure d’Evaluation de Systèmes de Transport Aérien. Sans oublier de nombreux projets sur les mini-drones : insertion dans l’espace aérien, autonomie et conception de microdrones. "Tout autant d’axes qui permettront de façonner un monde différent, dans lequel l’aérien gardera une place" remarque Thierry Michal, Directeur Technique Général de l’Onera.
A propos de l’Onera

L’Onera est le premier acteur français de la R&T aéronautique, spatiale et de défense : il réalise 25% de la R&T de ces secteurs hautement stratégiques. Etablissement public (EPIC), créé en 1946, sous tutelle du Ministère de la Défense, l’Onera compte plus de 2 000 salariés et plus de 200 doctorants et post-doctorants. L’Onera a mobilisé pour cette étude une dizaine de ses spécialistes de domaines d’expertises complémentaires (durant une trentaine de jours répartis sur une période de six mois). Pluridisciplinaire, ce groupe de travail a tiré directement partie de la diversité des recherches de l’Onera, qui couvrent tous les domaines de l’aéronautique et de l’aérospatiale.