Le CDG Express améliorera-t-il l’accessibilité à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle?

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Le 12 janvier 2015, un amendement a été introduit dans la loi Macron (projet de loi pour la croissance et l’activité) autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour réaliser le projet du CDG Express, liaison rapide qui prévoit de relier dès 2023 la ville de Paris via la Gare de l’Est et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Le cabinet Sia s'est intéressé au projet et analyse dans son Blog Transport & Distribution les enjeux de cette liaison capitale-aéroport.


I/ Le projet du CDG Express matérialise les enjeux des liaisons Express vers les aéroports…

Le CDG Express parcourra 32 km, dont 23 km sur des voies déjà existantes, et reliera la capitale et l’aérogare en 20 minutes. La construction des lignes et l’entretien des infrastructures seraient à la charge de RFF, et l’exploitation reviendrait à la SNCF et la RATP, après de multiples rebondissements (dont le désistement de Vinci) et changements de tracé. De nombreuses fois repoussé, le démarrage du projet a été acté à l’été 2014 par la constitution d’une société d’études associant l’Etat, Aéroports de Paris (ADP) et Réseau Ferré de France (RFF, qui deviendra SNCF Réseau à l’issue de la réforme ferroviaire en cours), qui sera chargée de finaliser les contours du projet.

Bien que reprenant les standards européens et mondiaux de la « connexion Express des aéroports », ce projet a été régulièrement dénoncé par certaines associations d’usagers du transport public qui refusent la segmentation des voyageurs selon leurs usages et donc les écarts de prix (le billet unitaire du CDG Express serait plus du double de celui du RER B). De plus, il ne serait pas accessible aux détenteurs du pass Navigo sans surcoût et le billet ne serait pas valable sur le réseau de transport public francilien.

II/ Les liaisons Express ville-aéroport stimulent l’attractivité économique de la région

La mise en place d’une liaison Express permet à un aéroport d’assurer et de faire croitre sa fréquentation aéroportuaire dans un contexte de forte concurrence. En France, les aéroports régionaux ou secondaires se sont développés ces dernières années, notamment via l’arrivée des  compagnies low-cost qui établissent leurs bases en dehors des grands hubs déjà monopolisés par les compagnies historiques. C’est le cas notamment de Lyon avec Easyjet, Toulouse avec Vueling ou encore Marseille avec RyanAir. En région parisienne, Orly est le point de départ de la plupart des compagnies low-cost.

La desserte de ces aéroports augmente leur attractivité et en fait un choix raisonnable face aux grands aéroports internationaux tels que Roissy-Charles-de-Gaulle. Les infrastructures, notamment celles de transport entre l’aéroport et la ville, doivent être en mesure de répondre à un afflux de voyageurs croissant afin de concrétiser l’avantage concurrentiel donné par l’association des partenariats avec les low-cost et de la situation géographique. L’accessibilité doit être favorisée pour mettre en exergue la proximité de l’aéroport et de la ville à un coût raisonnable pour attirer la clientèle touristique certes surtout intéressée par le prix, mais aussi la clientèle d’affaire avec des temps de transports réduits et des horaires flexibles.

Pour les hubs comme Roissy-Charles-de-Gaulle, le développement d’une liaison Express est l’opportunité de s’aligner sur les stratégies de montées en gamme des compagnies aériennes clientes. Une continuité de service premium peut ainsi être assurée de la ville de départ à la ville de destination.

Par ailleurs, les aéroports contribuent fortement à l’image dégagée par la ville aux voyageurs, notamment aux touristes. Une accessibilité optimale permet de faciliter ce premier contact et de valoriser l’image de la ville, tant pour des voyageurs réguliers que ponctuels, et de maximiser les chances de retour des touristes.

Enfin, la mise en place d’une ligne dédiée pour l’aéroport favorise le désengorgement des transports urbains et routiers. C’est une des pierres angulaires du développement du CDG Express : le RER B est souvent bondé et il est difficile pour les voyageurs de transporter leur valises, faute d’endroit dédié pour les entreposer. De plus, des services additionnels à destination des voyageurs aériens comme l’enregistrement des bagages à la gare seront à l’étude. Ces services permettront de fidéliser les clients pressés en leur faisant gagner du temps sur les démarches inévitables des voyages aériens.

Ainsi, l’amélioration de l’image de l’aéroport passe par le gain de temps, de fiabilité et de praticité induit par la liaison Express. Pour les voyageurs professionnels qui prennent l’avion régulièrement, le temps est un facteur important dans l’appréciation de l’aéroport et du vol. En effet, pour certains aéroports, le temps nécessaire pour rejoindre l’aérogare est supérieur au temps effectif de vol, notamment pour les compagnies low-cost qui proposent des départs d’aéroports très éloignés des villes et les vols intérieurs. Une liaison Express permet de réduire ce ratio et de procurer un gain de temps non négligeable au voyageur pressé. De plus, une liaison Express se doit d’être fiable et ponctuelle pour apporter sérénité à ses usagers.

III/ Les aéroports français souffrent d’une mauvaise accessibilité depuis la ville, en transport en commun et en transport individuel

Un benchmark a été mené sur l’accessibilité de 11 aéroports européens, en comparant le temps moyen et le prix moyen au kilomètre entre l’aéroport et la ville. L’objectif de cette étude est de positionner les aéroports français par rapport à leurs homologues européens en termes d’accessibilité, de mettre en exergue les bonnes pratiques et de mesurer l’impact d’une éventuelle liaison Express.

Les aéroports italiens et nordiques arrivent en tête du classement, en combinant une offre de transport en commun développée (comprenant une liaison Express) et bon marché avec une accessibilité routière en voiture individuelle fonctionnelle.
 

En revanche, les aéroports français – excepté Lyon qui tire son épingle du jeu – sont en queue de peloton malgré des tarifs équivalents aux autres aéroports européens, la faute notamment à des transports et des routes congestionnés. En effet, le résultat du benchmark affiche que les aéroports français souffrent d’une mauvaise accessibilité routière en voiture individuelle et taxi en comparaison avec les autres aéroports. Rejoindre l’Aéroport de Nice par la route est cher par rapport à la durée du transport alors que Nice est l’aéroport le plus proche du centre-ville de la métropole au sein du panel étudié. De même, les deux aéroports de Paris souffrent de la congestion des infrastructures routières de la capitale et se retrouvent dans le haut du panier en termes de coûts de transport individuels. Lyon est le seul aéroport français du benchmark à proposer une accessibilité comparable à celle de Rome et Milan.

L’absence de liaison Express pour les aéroports français est également un critère expliquant cette moindre qualité d’accessibilité. En effet, les quatre derniers aéroports du classement (dont trois français) ne proposent pas de liaison Express dédiée vers le centre-ville. Les cinq premiers le font et ont su trouver un compromis entre temps de transport réduit et prix plus élevé, sans pour autant dénaturer la nature de l’accessibilité présente avant la mise en place de la liaison.
 

Si on effectue une projection de l’accessibilité en transport en commun de Roissy-Charles-de-Gaulle en intégrant le CDG Express dans les offres de transports en commun, il apparait que la durée du trajet moyen en transport en commun baisse de 20% (de 46 à 37 min) et que le prix moyen croit de 36% (de 11 à 15 €). Grâce à la liaison Express, la note globale de l’aéroport est plus élevée (voir tableau récapitulatif du benchmark).


En conclusion, une bonne accessibilité globale se base sur une bonne distribution des moyens de transports, répartis entre des moyens peu chers mais plutôt lents, et des moyens premium rapides et ponctuels aux tarifs plus élevés. L’aéroport de Madrid, par exemple, ne propose que des transports peu chers mais lents, tout comme Nice. En revanche Milan est accessible rapidement pour un prix légèrement supérieur.
 

Les aéroports français, notamment Roissy-Charles-de-Gaulle, ont une marge de progression non négligeable. Une liaison Express serait un pas en avant considérable dans l’amélioration de l’accessibilité des infrastructures de ces aéroports, toute considération financière mise à part.


Détail de la notation : L’objectif d’un passager d’un aéroport est de s’y rendre le plus vite possible au moindre coût. Ainsi, la durée et le prix du trajet rapportés à la distance depuis le centre-ville sont les des critères pertinents pour juger de la qualité de l’accessibilité de l’aéroport.

Ainsi, les critères retenus pour classer les aéroports européens en termes d’accessibilité depuis la ville sont les suivants :
  • La durée moyenne au kilomètre pour un trajet en transport en commun : DMTC
  • Le prix moyen au kilomètre pour un trajet en transport en commun : PMTC
  • La durée moyenne au kilomètre pour un trajet en transport individuel (voiture et taxi) : DMTI
  • Le prix moyen au kilomètre pour un trajet en transport individuel (voiture et taxi) : PMTI
Les aéroports européens sélectionnés sont comparables sur ces critères (coût de l’essence sensiblement identique, structure de la ville et niveau d’infrastructure semblables).
La note globale notée NG est calculée ainsi :
NG = [(DMTC + DMTI) ²  + (PMTC + PMTI) ²]

Cette formule permet de classer objectivement les aéroports sur leurs accessibilité respectives en calculant la norme du vecteur [Temps de transport par kilomètre ; Prix du transport par kilomètre].  Les aéroports les plus lents ou les plus chers à rejoindre (ou les deux) auront une note plus élevée que les aéroports jugés plus accessibles.

 

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