Lionel Guérin : « Nos marchés nous ont obligé à nous adapter et à améliorer sans cesse nos services »

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Airlinair sera la première compagnie à poser un avion sur le tout nouvel aéroport de Brive-Vallée de la Dordogne qui ouvre aujourd'hui. Pour Lionel Guérin, patron et fondateur de la compagnie régionale, le dynamisme de Brive est à l'image de sa société aérienne : "Toujours innover pour proposer de nouveaux services". Des services capables de satisfaire une clientèle hétérogène à la recherche de solutions pour des déplacements de loisirs ou d'affaires.

L'année qui s'écoule permet à Airlinair, qui a clos son exercice le 31 mars dernier, de constater une légère perte d'exploitation tout en conservant un bénéfice. Le chiffre d'affaires 2009 de 103 millions d'euros dégagera 300 000 € de bénéfices. «Rien d'exceptionnel», reconnait Lionel Guérin, «Mais nous avons géré la compagnie avec la plus grande prudence possible en faisant attention à nos dépenses et en optimisant nos offres marketing pour aller chercher de nouveaux clients. Comme je le dis souvent, nous sommes comme la Caisse d'Epargne : nous gagnons peu mais nous perdons peu. En cas de crise, c'est appréciable »

Déplacements Pros : Comment expliquez-vous les bons résultats de 2009, alors que l'ensemble des compagnies aériennes est en crise ?

Lionel Guérin : Il faut d'abord repréciser les contours de notre clientèle car nous travaillons à la fois sur du vol régulier mais également sur des vols affrétés. Chacun de ces domaines représente 50 % de notre activité. Nous avons également une clientèle mixte, à la fois "loisir" et "affaires", qui n'a pas les mêmes besoins en matière de transport aérien. Pour un homme d'affaires, qui doit se rendre régulièrement de la province vers Paris ou toute autre capitale régionale, l'optimisation des horaires est essentielle pour lui permettre de ne pas perdre de temps. C'est là, que nous devons faire preuve de dynamisme. Ce que nous avons fait en 2009 en intégrant une troisième fréquence/jour à Brive, ce qui permet à un voyageur d'affaires de mieux optimiser ses déplacements et ses horaires.
Pour la clientèle "loisirs", nous nous sommes attachés à mettre en place des campagnes tarifaires très agressives avec une très forte présence commerciale locale. Nous sommes allés chercher les clients là où ils étaient, en leur expliquant nos atouts et en leur démontrant l'intérêt qu'ils avaient à utiliser nos lignes. Notre tarif "recherche d'emploi" permettent aujourd'hui à des jeunes, comme des moins jeunes, de se déplacer pour moins de 49 € l'aller simple pour aller à la rencontre de leur futur employeur. Bien évidemment, les obligations de service public, signées avec certaines régions et après un appel d'offres concurrentiel, nous permettent aujourd'hui d'équilibrer nos dépenses tout en augmentant le volume de passagers transportés.

Déplacements Pros : Ne pensez-vous pas que la concurrence du train risque de vous bousculer ces prochaines années ?

Lionel Guérin : Nous ne sommes pas présents sur des aéroports situés en dessous de 3 heures de TGV. Cela ne serait pas raisonnable car nous avons des obligations de sécurité qui imposent un contrôle à l'embarquement et donc une arrivée à l'aéroport assez précoce pour prendre en compte ce besoin. Le train n'a pas les mêmes contraintes de sécurité et l'on peut prendre un TGV à quelques minutes de son départ. Nous nous sommes d'abord attachés à développer des lignes que l'avion rendait accessible en à peine 1heure, 1h30 de vol. De fait, nous aurions bien aimé faire une association avec la SNCF pour offrir une continuité de transport à bon nombre de villes en France. Pour ne rien vous cacher, il aurait été surprenant et original de voir des avions aux couleurs de la SNCF logotypés « by Airlinair". Nous avons eu d'ailleurs des rencontres en ce sens avec la SNCF, sans pour autant que le projet soit mené à son terme. Vous l'aurez compris, je ne suis pas pour une opposition avion/train. Je pense au contraire qu'il y a une véritable complémentarité en fonction des destinations desservies. Pour certaines collectivités locales, comme Aurillac par exemple, le choix d'une compagnie aérienne est plus économique que l'entretien d'un réseau ferré important. Et nous le constatons sur le terrain avec une augmentation sensible du nombre de passagers transportés.

Déplacements Pros : Croyez-vous au développement du transport aérien régional ?

Lionel Guérin : non seulement j'y crois mais en plus je fais tout pour que cela soit une réalité quotidienne. Cela dure depuis plus de dix ans pour Airlinair. Dans le souci d'économie qui anime aujourd'hui nos régions et qui est considéré, quel que soit le bord politique, comme nécessaire à une bonne gestion de terrain, il est évident que le transport aérien a sa carte à jouer en matière de réduction des coûts, que ce soit pour désenclaver une ville où optimiser ses attraits touristiques ou commerciaux. Nous avons toujours pensé, à Airlinair, qu'il fallait analyser le transport aérien un peu comme le ferait un bon père de famille, c'est-à-dire avec réalisme et bon sens. C'est d'ailleurs ce que nous disons aux entreprises qui aujourd'hui nous font confiance et qui nous utilisent dans leurs déplacements professionnels. Nous avons toujours travaillé à un juste coût de ce transport et à une réelle qualité de service attendue par les professionnels. Il n'y a pas de raison pour que le transport aérien régional périclite si l'on respecte ses conditions économiques, les attentes écologiques et surtout les besoins de nos clients.

Déplacements Pros : Vous vous êtes engagé en faveur de la protection de l'environnement, vous gérez quotidiennement un blog sur le sujet, ne trouvez-vous pas que l'exploitation d'une compagnie aérienne est contraire à votre idéologie ?

Lionel Guérin : Airlinair a fait le choix d'appareils reconnus pour être parmi les plus "propres" du transport aérien. Ce n'est pas un hasard si l'ensemble de la chaîne d'exploitation que nous avons mise en place autour de la compagnie est structurée dans le plus pur respect des règles environnementales actuelles. Que ce soient pour les produits servis à bord, le matériel utilisé, le calcul permanent de notre bilan carbone, nous nous sommes attachés à mettre en place des mesures précises qui confirment d'année en année les bons résultats obtenus. Mais au-delà de ce que nous faisons tous les jours, souvent dans la plus grande discrétion, il faut revenir à la réalité du transport aérien. Des avions comme les ATR que nous utilisons consomment un peu moins de 4 l aux 100 km par passager transporté. Je n'ai jamais cherché à minimiser l'impact du transport aérien mais j'ai toujours demandé qu'il soit analysé est perçu comme l'un des domaines où la recherche en matière d'économie d'énergie et de pollution est largement en marche. Le choix même de nos prochains appareils, des turbopropulseurs de 100 places, conforte ces efforts en faveur d'un transport aérien de plus en plus propre. Nous soutenons activement l'ensemble des travaux actuellement menés pour réduire les pollutions aériennes de moitié d'ici 2050. Aujourd'hui, il faut toujours établir un équilibre entre le besoin de déplacements et les empreintes que laisse sur la planète le transport aérien. C'est notre travail de compagnies aériennes que de chercher à optimiser ces réductions de CO2.

Propos recueillis par Marcel Levy.