L’achat low cost, on le sait, se focalise sur la fonction produit ou service (simple) et le prix (bas). Crise aidant, le low cost est-il pour autant devenu une véritable philosophie de consommation ? Non, c’est d’abord une variable d’ajustement, répondent Karen Gombault, Directeur Général Ipsos Marketing CPG, et Olivier Lagrand Directeur des départements Ipsos Vantis et Quanti Industrie & Services Ipsos Marketing. Ils nous proposent réponses et analyses croisées sur un phénomène qui, au delà du voyage d'affaires, touche tous les services et toutes les industries.
La crise explique-t-elle principalement que les consommateurs se rabattent sur des notions d’économie ?
Olivier Lagrand : La crise a exacerbé les comportements d’ajustement : on n’hésite plus à se détourner du superflu au profit d’offres simples et significativement moins chères. Cela est facilité par les sites comparateurs qui risquent toutefois de résumer un produit à un prix et quelques attributs de qualité parfois caricaturaux. Certains acteurs publics contribuent à cette évolution, notamment à travers la multiplication des étiquettes informationnelles imposées par l’UE, qui va prochainement s’étendre aux pneumatiques (indication de la performance de chaque modèle en termes de freinage, bruit et consommation). On peut voir cette signalétique soit comme une menace pour les annonceurs si les marques low cost apparaissent aussi performantes sur l’essentiel, ou comme l’opportunité de démontrer la supériorité du premium sur ce qui compte réellement. Dans tous les cas, la place laissée aux composantes périphériques de l’offre se réduit. Les marques doivent s’adapter pour maintenir leur compétitivité, soit en justifiant et communicant mieux leurs qualités, soit en développant une riposte tarifaire adaptée.
Comment justifier le positionnement prix ? En apportant les preuves de la valeur ajoutée ?
Quels sont les exemples de nouvelles lignes de produits ou d’ajouts de prestations pour mieux fidéliser ?
Olivier Lagrand : En dehors de la grande consommation, mon sentiment est que la riposte s’organise effectivement sur les bas prix, mais, sur la dimension qualité, plus sur la démonstration que sur la « premiumisation » à outrance. Il faut donc identifier les quelques composantes de l’offre qui feront vraiment la différence et concentrer la communication sur ces attributs clefs, rationnels ou émotionnels. Il s’agit en fait de tenir le « contrat de confiance » établi entre les marques et les consommateurs. Les marques continuent en effet d’attirer par la qualité de leurs produits (65% des Français y sont sensibles, + 5 pts vs 2008). L’autre stratégie consiste à occuper le terrain du low cost, avec évidemment le risque de dégrader le cœur de business. Il faut alors trouver le bon mix qui permettra de contrer la menace de manière dosée, d’où des stratégies de marque et de distribution différenciées, comme dans la téléphonie mobile avec les lancements de Sosh, B&You ou Red pour contrer l’entrée de Freemobile ; Dacia dans l’automobile ; Transavia dans l’aérien, etc… Les offres elles-mêmes sont construites pour que le compromis apparaisse clairement à des consommateurs qui doivent renoncer à des composantes fortes : absence de réseau physique, compromis sur le confort, etc... Dans les deux cas, et pour confirmer ce qu’observe Karen, le milieu de gamme est particulièrement challengé par le low cost, surtout si ce dernier est en mesure de combler certains vides dans son offre avec des options bien ciblées.
Consommateurs pas si modestes que ça. Qui au juste consomme low cost ?
Olivier Lagrand : Dans les services, les clients du low cost ont en général des profils plus experts et éduqués. Ils peuvent se passer d’un service et d’un accompagnement parfois coûteux. On va ainsi trouver des technophiles chez Free, des CSP+ dans l’aérien, des cadres dans la banque directe et l’assurance directe : chez Monabanq, ils représentent ainsi pas moins de 57% des clients ! C’est finalement surtout une question de valorisation du contenu et de recherche de simplicité plutôt qu’un pur problème économique.
Au plus fort de la crise, le low cost semble parvenu à une PDM (part de Marché) pallier. La pénétration des enseignes de Hard Discount alimentaire a ainsi chuté, passant de 72,2% en 2009 à 70,5% l’an dernier, soit 500 000 clients de moins en deux ans. Comment expliquer ce repli ?
Comment les marques vous sollicitent aujourd’hui sur ce type de problématique ?
Olivier Lagrand : J’ai l’impression que nous testons moins d’innovations superficielles, de services improbables. On se recentre un peu plus sur le cœur du débat avec des clients qui nous disent : «Voilà, dans ce package là, il y a ça. Combien ça vaut du point de vue du client ? Qu’est-ce qui est réellement important ? Qu’est-ce que je laisse à l’intérieur et qu’est-ce que je sors ?» C’est toujours le principe d’identifier ce qui crée de la valeur. La plupart des tests que nous faisons aujourd’hui sont dans cette perspective. Des études de type trade-off où nous allons justement chercher à situer le compromis optimal en termes de prix et de contenu. Et j’ajouterais que l’on est loin du «moins disant». On peut toujours se faire plaisir !
2. Observatoire des 4500, vague 2010
3. Enquêtes LSA/Ipsos IECM, 2011
4. Observatoire 4500, 2010
Cette tribune a été publiée avec l'accord d'Ipsos France
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Olivier Lagrand
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