Ryanair commence à m’échauffer les oreilles !

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Pas content, notre spécialiste de l'aérien Jean-Louis Baroux, le patron d'APG ! Les récentes aventures marseillaises de Ryanair l'agace. La compagnie se drape dans sa dignité alors qu'elle se fiche pas mal des conditions de travail de ses salariés.

Ryanair commence à m'échauffer les oreilles !
"Décidément Michael O’Leary commence sérieusement à m’échauffer les oreilles. Sa récente décision de fermer sa base à Marseille sous le prétexte que les salariés veulent voir appliquer la loi française est un dernier exemple d’un comportement qui reflète un égoïsme foncier, ce dont d’ailleurs ce monsieur se fiche éperdument.

Pendant des années, les transporteurs « low costs » sont apparus très sympathiques tels des «David» modernes luttant contre les méchants «Goliath» qu’étaient les grands transporteurs traditionnels. Et David a gagné la bataille, forçant les arrogantes compagnies nationales à aligner leur politique tarifaire sur celle des transporteurs à bas coûts, sans pour autant qu’elles puissent baisser leurs prix de revient de façon significative. Ainsi les «LCC» ont gagné sur deux tableaux : ils ont connu une croissance considérable tout en fragilisant leurs concurrents.

Seulement il semble leur arriver le même syndrome que celui qui a frappé en son temps les grands transporteurs : l’arrogance.

Celle-ci se manifeste de plusieurs manières.

Comme Ryanair, par exemple, ne pas tenir compte des lois et faire plier les autorités gouvernementales à leur chantage : «Où vous me laissez faire ce que je veux, ou je m’en vais». Et comme leurs prédécesseurs des compagnies régulières, ils estiment que leur santé économique passe avant le respect des lois. Voilà un bien étrange comportement qui ne tient aucun compte de l’histoire. Car enfin, qui a fait la prospérité de l’Irlande, lui permettant d’avoir une des législations sociales les plus légères, si ce n’est les aides formidables consenties par l’Europe, lesquelles ont été payées par les contribuables des autres pays, au premier rang desquels les Français ?

Monsieur O’Leary donne des leçons à la terre entière et n’hésite pas à aller devant les Tribunaux pour que ceux-ci tranchent bien entendu en sa faveur… ce qui est tout de même rarement le cas. Pourquoi, dans l’affaire marseillaise, ne fait-il pas confiance dans la justice française ? Serait-elle corrompue ? Ou ne serait-elle pas simplement aux ordres d’une société Irlandaise ? Sans doute convaincu qu’il avait peu de chances de gagner, Michael O’Leary préfère retirer son exploitation, pensant qu’il pourra sans difficulté reclasser des appareils ailleurs en Europe. Mais, que se passera-t-il si les autres pays européens réagissent de la même manière. Va-t-il retirer toutes ses opérations, à Charleroi, Beauvais ou en Italie ? Et dans ce cas, que fera-t-il les centaines de Boeings 737 qu’il doit encore recevoir ?

L’arrogance ne peut tenir lieu de stratégie pas plus que la provocation ne peut durablement se substituer à la publicité. Ce comportement vis-à-vis des autorités se manifeste également et surtout, je dirais, vis-à-vis de ses consommateurs qui ne sont en aucun cas ses clients.

«Le consommateur européen ramperait nu sur du verre cassé pour avoir des billets pas chers».
Voilà une des nombreuses phrases prononcées par Michael O’Leary. C’est dire au fond qu’il se fiche éperdument des personnes qu’il transporte pour autant qu’ils rapportent de l’argent à sa compagnie et particulièrement à lui-même. Et pour cela, il n’hésite devant rien. Je viens de faire l’expérience sur le site de la compagnie en demandant un Paris - Milan (pardon, un Beauvais – Bergamo : c’est presque pareil) aller le 16 décembre, retour le 23 décembre. Le prix affiché est incroyablement bas : 10 € l’aller retour. A qui fera-t-on croire que cela paie les prix de revient ? Evidemment, ce n’est pas possible, aussi il faut bien rajouter quelques petits suppléments : 30 € pour un bagage en soute, 8 € si vous voulez embarquer en priorité, 1 € pour recevoir un SMS confirmant votre réservation, soit un total de 49 € auquel il faut rajouter 7 € pour paiement par carte de crédit (pratique d’ailleurs récemment condamnée par les Tribunaux espagnols qui ont infligé de sévères amendes à plusieurs transporteurs «low costs», au premier rangs desquels EasyJet). Bref, on n’est pas loin de 60 € soit 6 fois le tarif affiché. De qui se moque-t-on ? Pendant combien de temps encore les clients accepteront-ils d’être pris pour des gogos ? Sans le savoir et sans doute sans le vouloir, ils ont fait à celui qui les méprise une fortune estimée aux alentours de 650 millions de £ soit autour de 800 millions de $.

Les arbres ne montent pas au ciel et la croissance des compagnies fussent-elles à bas coûts n’est pas infinie. Un jour ou l’autre, les pratiques malsaines se retournent contre leurs auteurs. Monsieur O’Leary, il est temps de vous retirer avant que votre comportement ne finisse par se retourner contre vous."

Jean-Louis BAROUX