Arrivé à la tête d’Emirates France en novembre 2013, Thierry de Bailleul, directeur général d'Emirates en France n’est pas un débutant dans le monde du transport aérien. Ancien d’Air France, âgé de 53 ans, il considère qu’Emirates est «une compagnie de référence devenue incontournable».
Ne nous y trompons pas, Emirates au niveau mondial n’a pas livré tous ses secrets de fabrication. Son capital est-il encore en partie dans les banques d’Abu Dhabi qui ont financé la dernière crise économique ? L’Émir de Dubaï, Mohammed ben Rachid Al Maktoum, reste très présent dans le financement de la flotte et sa vision unique pilote le regard économique des actionnaires. Emirates a sans doute fait évoluer son modèle mais à y regarder de plus près, si le succès était aussi évident à atteindre avec une simple baisse de la masse salariale, bien d’autres compagnies y arriveraient vite. D’autant que le pricing à l’international est souvent plus agressif que ne l’affirme Tim Clark, le big boss d’Emirates. Quoiqu’il en soit, c’est sur la France et son marché que nous avons sollicité Thierry de Bailleul. Rencontre avec une personnalité attachante de l’aérien qui a pour mot d’ordre «le client, tout pour le client».
DéplacementsPros.com : Vous avez une obsession du client. Culture personnelle ou culture d’entreprise ?
Dès mon arrivée à la tête de la compagnie en France, j’ai demandé à notre service clients de me remonter un cas par semaine. Au-delà du geste commercial que nous pouvons faire, j’ai toujours souhaité appeler le client mécontent pour comprendre l’origine de son problème et voir de quelle façon nous pouvons améliorer l’ensemble de notre offre, pour que le souci rencontré ne se reproduise pas. Cette vision, appliquée depuis la création de la compagnie, est le moteur même de notre relation avec nos clients. Tout est fait pour comprendre les dysfonctionnements, et cela peut parfois aller jusqu’au licenciement d’un membre du personnel qui n’aurait pas tenu à bord des propos adaptés aux attentes du client.
Chacune de nos actions et donc tout naturellement orientée vers la satisfaction du client mais au-delà, vers l’évolution permanente de nos process, que ce soit au sol ou en vol. Et ce, dans toutes les classes. Si l’on peut trouver naturel les efforts faits sur la First ou la business, on se doit aussi de constater le travail que nous faisons en classe éco ou nous proposons 1600 programmes dans plus d’une vingtaine de langues car il est nécessaire, sur des vols longues distances, que l’on puisse se distraire à bord.
DéplacementsPros.com : Vous n’aimez pas particulièrement les commentaires qui sont faits autour du développement d’Emirates en Europe, pourquoi ?
Lorsque nous avons ouvert Lyon, et après quelques mois d’exploitation, les chiffres du tourisme et de l’activité économique de la région ont été en hausse. À l’évidence, nous avons contribué à l’arrivée de nouvelles populations sur le territoire et ouvert de nouveaux marchés pour les entreprises locales. Cette situation est quasiment la même à chaque fois que nous avons ouvert de nouvelles lignes dans le monde. Au départ de Nice, et depuis près de 20 ans maintenant, nous avons constaté très exactement les mêmes phénomènes économiques.
J’ai toujours pensé que les compagnies aériennes étaient créatrices de richesses lorsqu’elles s’installaient sur un aéroport dans le monde. Il faut tout naturellement regarder d’un côté l’offre d’ouverture qu’elles apportent mais également le profit que l’on peut en tirer sur place.
DéplacementsPros.com : Il y a globalement une autre affirmation que vous n’appréciez pas, celle qui consiste à dire que vous ne payez rien à Dubaï. Pourquoi ?
On évoque souvent la différence sociale entre Emirates et ses concurrents. C’est un choix politique que bien d’autres pays pourraient faire. Mais entendons-nous bien, nous ne bradons pas le social. Nos salariés disposent d’une couverture médicale. Emirates est propriétaire de cliniques à Dubaï pour son personnel et plus de 550 millions de dollars sont consacrés chaque année au bien-être de nos équipages et de nos salariés au sol.
Petite précision, nous recevons tous les ans plus de 500 000 CV ce qui prouve bien l’attrait de la compagnie dans le monde. On nous dit que ce sont des jeunes qui n’ont pas le choix et que s’ils manifestent un désaccord, ils sont dehors. Là encore, c’est faux. Nous avons du personnel qui a plus de 15 ans de présence chez Emirates.
Enfin, notre business model n’est pas très différent de celui des autres compagnies si ce n’est que nous avons beaucoup investi dans notre flotte, développé un grand nombre de lignes et fait en sorte que chaque investissement consacré à l’amélioration du bien-être des passagers se retrouve dans l’augmentation attendue et demandée des parts de marché de la compagnie. On peut le constater tous les jours dans les choix que nous faisons. Prenons par exemple le bar de l’A 380, devenu véritablement un lieu de rencontre où l’on peut se détendre ou parler business. Nous ne faisons aucune économie sur le produit, c’est le choix de notre direction depuis le début de la compagnie et c’est sans aucun doute ce qui explique son succès.
DéplacementsPros.com :Lla compagnie s’est développée sur une vision marketing forte qui ne correspondait pas toujours à la réalité. Est-ce toujours le cas ?
On a souvent évoqué une course aux équipements. Si elle seule faisait la différence, cela se saurait. Mais au-delà, nous nous sommes toujours attachés à offrir le produit tel que nous l’avions promis à nos clients. En aucun cas, et cela se constate tous les jours, nous ne nous sommes engagés sur des services que nous ne pouvions satisfaire. C’est la concrétisation de la vision clients que j’évoquais tout à l’heure. Elle n’aurait jamais été aussi bonne si nous n’étions construits qu’autour d’artifices commerciaux. Notre patron,Tim Clark est effectivement un homme de marketing exceptionnel mais sa vision est toujours orientée vers l’utilisateur et nos efforts se portent donc vers le voyageur.
DéplacementsPros.com : Le marché Corporate français correspond-t-il à vos attentes ?
À l’évidence, et surtout au départ de Paris, de Lyon ou de Nice, nous ne sommes pas adaptés aux vols transatlantiques qui ne sont pas logiques via Dubaï. Il y a aujourd’hui, et nous le constatons comme tous les autres, une véritable bataille qui s’est engagée autour du prix. Elle conduit certaines entreprises à faire le choix de classe éco au détriment des classes avant. Voilà entre autres pourquoi nous avons toujours accordé beaucoup d’importance à la qualité de la classe économique. C’est ce qui explique que les taux d’occupation restent forts. Environ 93 % à Paris avec la mise en place des A 380.
DéplacementsPros.com : Comment voyez-vous votre développement en France ?
Propos recueillis par Marcel Lévy