Aujourd'hui, la seule façon de voyager sans masque, sans test PCR et sans risque de quarantaine est de substituer l'espace au temps. On vous invite donc à périple chronologique dans l'histoire du voyage d'affaires. Fasten seat belt !
Sur cette frise chronologique qu'on vous propose*, des dates sont indiscutables; d'autres, par leur présence ou leur absence, feront débat - et tant mieux, la subjectivité est ici revendiquée ! D'autre part, si, parmi les événements répertoriés, certains sont clairement identifiables, d'autres relèvent du symbole, donnant corps à une tendance lourde irréductible à un événement particulier.
Pour cette deuxième livraison de nos Douze événements qui ont changé le voyage d’affaires, on passe de l'effroi à l'avènement de la tech. "De l'effroi au froid", pourrait-on penser. Mais non, contre toute attente, la technologie permet au voyageur plus de proximité et de personnalisation. La tendance commence au début du deuxième millénaire... Elle fait quelques promesses d'avenir (mais ça, c'est pour le 3ème volet).
Après "1 - Début du XXe siècle, Les prémisses du voyage d’affaires moderne", "2 - 1962, un événement qui va trancher : Sabre", "3 - Les Seventies, Naissance du business traveler moderne", et "4 - 1978, Généralisation du GDS", voici...
5 - 11 septembre 2001, ...
Nine-Eleven, comme disent les premiers concernés, américains... Mais pas uniquement puisque l'événement a lieu dans la ville-monde par excellence, New York. C'est la stupéfaction, puis l'incompréhension et enfin la tristesse qui nous terrassèrent ce mardi de début de millénaire, vers 15h, en France. Pas besoin d'en rajouter. Vous avez remarqué ? Pas de volcan islandais ou de crise des subprimes dans cette chronologie. Normal : notre choix n’est pas de lister les événements qui ont impacté le BT mais ceux qui l’ont structuré ou, du moins, fortement modifié. Oh, bien sûr, à chacune des crises absentes de cette liste, des augures ont annoncé un BT qui ne serait plus le même le jour d’après… Sans que ce soit véritablement suivi d’effets - ou si peu. En sera-t-il de même pour la crise actuelle ? On fait le pari que non, d’ailleurs le “moment Covid” se retrouve dans le 3ème volet de cette série.
Pour ce 11 septembre 2001 de triste mémoire, pas de doute, les conséquences sont directes. En termes d’expérience voyageur, c’est le début d’un nouveau parcours sécuritaire, jamais démenti depuis, qu’on ne connaissait alors que lorsqu’on voyageait sur El Al en pleine guerre du Kippour, ou équivalent. Du côté des entreprises, c’est un formidable coup de booster au duty of care en matière de sûreté de leurs collaborateurs itinérants. Ca tombe bien, les TMC se doivent, à cette époque ou à peu près - et pour d’autres raisons (voir ci-dessous) se réinventer en prestataires de service. C’est, notamment, la tech et l’expertise qui répondent à cette nouvelle injonction : les traceurs se développent, le recours aux sociétés spécialisées dans la sûreté aussi.
6 - Début des 2000's, Le “zéro commission”
Le voilà cet événement majeur, celui qui, si on avait opté pour un classement basé sur la mesure des conséquences, plutôt que sur la chronologie, se serait indubitablement retrouvé dans le top 3. Celui qui va obliger les TMC à se réinventer. Voire… à se créer, le business travel étant, jusqu’alors, traité par des agences de voyages également leisure. Il fut un temps où l’agence de voyage était effectivement un agent, rémunéré par une commission de 7 à 9 % des transactions aériennes. En mars 2002, Delta Airlines met fin à ce système : zéro commission, désormais. Le système se généralise aux Etats-Unis, puis dans le monde.
En France, il faudra attendre 2005 pour qu’Air France saute le pas. Dès lors, les agences se doivent de créer de la valeur ajoutée, ne plus se contenter de leur rôle de distributeur, de jouer leur rôle de conseil, de devenir des spécialistes de l’optimisation du voyage. C’est, de façon logiquement concomitante, l’apparition des consultants en travel et, en entreprise, de politiques voyage dignes de ce nom. C’est enfin, nous l’avons dit, la séparation entre voyages leisure et business. Ce n’est ni plus, ni moins que la vraie date de naissance des TMC. Une entrée du BT dans l’âge adulte.
7 - Deuxième moitié des 2000's : le web, Toile de fond
Certes, en ce début du XXIème siècle, la bulle internet éclate mais... éclabousse l'industrie du travel. L'expérience voyageur s'en trouve modifiée en profondeur. Apparaissent les OBT (Online booking tool) pour le transport, puis les HBT, leur version hôtelière. L'expérience client modifiée, mais le modèle économique des agences de voyage aussi ! Car, après la fin des commissions aériennes qui pouvaient représenter près de 100 % du chiffre d'affaires de certaines d'entre elles, leurs revenus sont de nouveau rognés par l'arrivée de nouveaux acteurs, autant d'intermédiaires qui, eux, possèdent la technologie online. Nouveaux acteurs, pas (forcément) tant que ça : des anciens du GDS n'ont pas raté le virage du web, ainsi, par exemple, Amadeus.
Désormais, alors que, déjà depuis quelques, on a troqué notre Universalis contre Wikipedia, on s'est mis à remplacer notre flânerie à la FNAC par l'enregistrement des 16 chiffres de notre carte Visa sur Amazon, et même cherché l'âme sœur en commençant notre exercice de charme par trois "W", l'organisation du voyage se passera sur la Toile.
C'est le leisure qui s'y met en premier. L'entreprise peut-elle proposer à ses itinérants des dispositifs de réservation moins conviviaux quand ils voyagent pour travailler que lorsqu'ils voyagent pour le plaisir ? Ce serait, en termes de gestion RH, une stratégie douteuse. Le mouvement s'enclenche. D'autant que les entreprises y trouvent un autre intérêt (ne jamais mésestimer ces facteurs qui, pour l'entreprise, n'ont rien à voir avec le bien-être de ses salariés) : "Vous voulez réserver votre vol et votre hôtel vous-même comme pour vos vacances avec mamie ? Très bien, ça libèrera du temps pour que votre assistante s'attèle à des tâches plus directement rémunératrices !" Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! Au début des années 2010, à la louche, 90 % des voyages d'affaires s'organisaient offline. Dix ans plus tard, ils sont, au bas mot, 70 % online...
8 - 2009, On n'est pas plus smart mais on est plus phone
S'il avait été français, il se serait appelé Stéphane Boulot. Mais il est américain et il s'appelle Steve Jobs. C'est plus classe. Plus classe encore quand il est sur scène, haranguant ses équipes, cool et visionnaire, faisant état de ses projets - pardon : de ses prophéties. Notamment ce 9 janvier 2007 où le chef d'entreprise-gourou annonce le lancement prochain d' "un iPod à écran panoramique doté de commandes tactiles, un téléphone mobile révolutionnaire et un appareil de communication Internet". C'est l'acte de naissance public du concept d'Iphone - cette marque qui signifie "smartphone" comme "Kleenex" signifie "mouchoir jetable" ou "Frigidaire", réfrigérateur.
Il débarquera sur le marché deux ans plus tard. Il parait que lorsque le sage désigne la Lune, l'idiot ne voit que le doigt... Et quand on désigne le smartphone, on veut, bien sûr, parler de ce transfert de l'internet entre nos mains, de l'avènement des "applis". Avec application, l'Iphone 1.0 de 2009 ou l'Android 234.548 de 2177, ce sont, pour l'heure et avant améliorations, dans la main du voyageur, un GDS + de l'hôtellerie + une conciergerie + des alertes en continu - genre "perdu : tu resteras en quarantaine" + un canal de règlement de la transaction + whatever. La révolution, c'est l'Internet, l'un de ses puissants vecteurs, c'est l'appli via le mobile - le smartphone. Stéphane Boulot, donc.
(*) Cette liste a été établie avec l'aimable (et très enrichissant) concours de Charles Petruccelli, ex-dirigeant d'Amex GBT.
- Le 1er volet de notre chronologie
- Le 3ème et dernier volet de notre chronologie (à paraître)