Covid et organisation du travail : « Les grèves de décembre nous ont servi de banc d’essai »

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Confinement oblige, les entreprises du travel ont chamboulé leur organisation en généralisant le télétravail. Témoignages de divers acteurs du secteur.

La réorganisation du travail s’impose. Le confinement nous oblige, nonobstant le niveau de maintien de l’activité habituelle de l’entreprise. Ainsi, chez Axys Odyssey, cabinet de conseil en « travel et expense », on explique : « 70 à 80 % des dossiers sur lesquels nous travaillons ont des horizons de moyen et long termes. Ils sont donc maintenus« . Pourtant, bien sûr, le télétravail est à présent la règle : « Nous avons instauré le télétravail pour tous avant les mesures de confinement, dès le jeudi 12 mars (5 jours avant la consigne gouvernementale, ndr). Nous sommes de toute façon habitués à cette façon de travailler« .

Habitude

Cette distinction entre entreprises familières du travail à distance et entreprises attachées au présentiel est capitale dans la capacité à agir vite, dans l’agilité à s’adapter à cette situation particulière. Apparemment à toute chose, malheur est bon, puisqu’une grande partie des entreprises de voyages, basées en région parisienne, considèrent que les grèves des mois de décembre et janvier derniers leur ont servi de banc d’essai.

Situation exemplaire pour l’agence Jancarthier : « Oui, bien sûr, il y a eu les grèves… Mais en réalité, notre période de rodage a été bien plus longue : en juin 2019, nos bureaux du boulevard Voltaire (Paris XIe, ndr) ont brûlé… On a trouvé une solution temporaire dans une autre de nos agences mais seulement 3 mois après. La trentaine de personnes qui travaillent sur l’activité business travel de Jancarthier a télétravaillé pendant tout ce temps-là« . 

Dichotomie

Sauf dans ce type de cas, la réalité est en fait plus contrastée, une même entreprise comptant généralement en son sein une partie du personnel rompu aux pratiques du travail à distance, quand une autre ne travaille qu’en présentiel. Chez HCorpo, on explique que « les équipes commerciales ont l’habitude de travailler à distance. En revanche, ce n’est pas le cas des fonctions support. Il a fallu les équiper, leur donner les outils informatiques, leur permettant d’assurer le suivi de leur activité« .

Cette dichotomie est parfois vécue d’une façon ambiguë. Un voyageur d’affaires français, travaillant en Allemagne pour une entreprise française, est en France, dans sa famille, à la mi-mars… Vu les circonstances, son employeur lui laisse le choix de son lieu de travail. Il décide de rester en France : « Le 11 mars, c’est-à-dire avant le confinement, je suis allé dans le siège de mon entreprise. Les locaux étaient à moitié vides. Ceux qui étaient présents étaient en fait ceux qui travaillent habituellement sur des ordinateurs fixes équipés de tous les logiciels nécessaires et sécurisés. Ceux qui étaient équipés d’ordinateurs portables dûment configurés travaillaient de chez eux« .

Pas seuls

Or, cette distinction entre possesseurs de laptops fonctionnels et les autres recoupe la distinction managers/équipes opérationnelles. Depuis l’instauration du confinement, le matériel informatique nécessaire a été commandé, livré et configuré, mais, d’après lui, « ces quelques jours de flottement, où certains télétravaillaient et où d’autres devaient prendre le risque de se rendre au bureau, a été vécu comme une injustice par ces derniers. Au-delà de la période de confinement, je pense que cet épisode laissera des traces.« 

Preuve que cette période difficile qui peut, dans certains cas, être vécue comme une épreuve soudant les équipes, peut générer l’effet inverse par manque de préparation. Cette cohésion des équipes est au cœur des préoccupations des entreprises interrogées. Pour l’assurer, alors que les personnels sont disséminés, les dispositifs sont simples et légers mais, apparemment, efficaces. Ainsi, chez Axys Odyssey, « on se réunit tous les jours à midi pour faire un break ensemble. Pour parler boulot, bien sûr, mais aussi pour échanger de façon beaucoup plus informelle : qu’on ait toujours conscience de l’équipe, et que, malgré les apparences, on n’est pas seuls« .