Motifs impérieux : le Conseil d’État suspend l’obligation pour les Français rentrant de l’étranger

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Motifs impérieux : le Conseil d’État suspend l'obligation pour les Français rentrant de l’étranger

Deux recours viennent d'être examinés par le Conseil d'Etat. Verdict : l'obligation des motifs impérieux est suspendue pour les Français rentrant de l’étranger, mais est maintenue pour les voyages de et vers les DOM-TOM

Par un décret du 30 janvier dernier, le gouvernement avait restreint les déplacements entre la France et les pays hors Union européenne, ainsi qu’au départ ou à destination des collectivités d’outre-mer. Les personnes qui souhaitent voyager doivent présenter un "motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé", expliquait-il. Cette mesure avait pour objectif de minimiser les risques sanitaires pour la population, en différant ou évitant les voyages internationaux dans le contexte de pandémie mondiale.

Ce décret a été attaqué par l’Union des Français de l’étranger ainsi que par des acteurs du tourisme dans les Antilles. Dans le premier cas, parce qu’il restreint la possibilité pour des Français résidant à l’étranger de rentrer en France; dans le second, cas parce qu’il entrave le tourisme dans les collectivités antillaises.

Métropole

Vendredi, le Conseil d’État a jugé disproportionné d’exiger un motif impérieux aux Français qui souhaitent rentrer en France, car, motive-t-il "l’impact de ces déplacements est mineur sur la propagation de l’épidémie de covid-19", ajoutant : "Exiger un motif impérieux porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder à son pays"

Plus précisément : s’agissant des Français rentrant des pays extra-européens, le juge des référés relève que la mesure n’empêche qu’un nombre de déplacements très réduit par rapport au nombre total d’entrées sur le territoire métropolitain en provenance de l’étranger. Il en déduit que l’exigence d’un motif impérieux pour de tels déplacements porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder au territoire national. Il suspend donc cette mesure. Il précise, en outre, que l’exigence d’un test PCR de moins de 72 heures ne peut conduire à refuser l’embarquement lorsque la réalisation d’un test préalable s’avère matériellement impossible.

Outre-mer

En revanche, il considère l'exigence de motifs impérieux pour les déplacements depuis ou vers les Antilles françaises justifiée, par la volonté d’éviter les flux de touristes qui risqueraient d’aggraver la situation sanitaire sur place.

Plus précisément : s’agissant des déplacements entre la métropole et les Antilles françaises, ainsi qu’entre les collectivités antillaises elles-mêmes, le juge des référés relève que la mesure a essentiellement pour effet d’empêcher l’arrivée des touristes. Si la situation sanitaire est meilleure dans ces territoires qu’en métropole ou dans d’autres collectivités d’outre-mer, la réouverture des flux de touristes accélérerait la diffusion des variants aujourd’hui largement présents sur le territoire métropolitain.

En outre, l’isolement de sept jours après l’arrivée et la réalisation d’un examen biologique de dépistage virologique n’ont globalement pas été respectés par les touristes venus en décembre et janvier. Enfin, il observe que la situation sanitaire en Guadeloupe, quoique toujours meilleure que sur le territoire métropolitain, se dégrade et a justifié l’instauration d’un couvre-feu.

Le juge des référés en déduit qu’au vu du risque élevé de saturation des lits de réanimation en cas de remontée rapide du taux d’incidence, l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire métropolitain et les Antilles, ainsi qu’entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint Barthélemy (sauf entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy), n’est pas manifestement illégale.