MICE en Alsace : « Economiquement, il faut ; techniquement, on peut… Mais est-ce que les gens vont venir ? »

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MICE en Alsace :
Le château du Haut-Koenigsbourg, fleuron historique et culturel de l'Alsace. ©J-L Stadler

Strasbourg, Mulhouse, Colmar, les trois locomotives alsaciennes, redoublent de solidarité dans cette période de crise... Dans une attente fébrile de la reprise du tourisme d'affaires.

Réunies sous la marque Meet in Alsace, les agences d'attractivité (ou convention bureau, ou Office du Tourisme (OdT) et des congrès) MICE de Strasbourg, Colmar et Mulhouse étaient cette semaine à Paris pour participer aux rencontres B2B de Pure Events & Meetings qui se tenaient au Pavillon Dauphine (Paris 16ème). 

"Il y avait du monde : un succès", se réjouissent les représentants de ces structures... Un peu de baume au cœur pour une industrie du tourisme d'affaires aux abois. "Ca nous change de ce workshop au Stade de France durant deux jours... Il n'y avait personne : une catastrophe", se désole Olivier Kritter, de l'OdT de Colmar. 

Stigmatisation

Si le marasme touche de manière indistinguée les régions françaises, le Grand-Est a subi une stigmatisation particulière en raison de son taux d'hospitalisation élevé. Avec, en coupable expiatoire, le surmédiatisé rassemblement évangélique de Mulhouse en février dernier - cluster dont on a même entendu dire que, sans lui, la France serait, en termes de circulation du virus, au niveau de l'Allemagne... Aujourd'hui, les conséquences de ce foyer d'infections sont relativisées. "De toute façon, se souvient Nathalie Birling, de l'OdT de Mulhouse, si durant quelques semaines, on a beaucoup - beaucoup trop - parlé de nous, ça n'a duré qu'un temps : l'actualité nous a rapidement dépassé".

A la faveur du déconfinement et de la période estivale, les hôtels ont peu à peu repris leur activité - mais sans dépasser les 70 % d'ouverture. Une assiette plus étroite pour des taux d'occupation eux aussi à la baisse - "mais moins mauvais qu'on pouvait le craindre" : de 30 à 75 % d'occupation dans les deux départements rhénans, avec une prime aux destinations nature au détriment des centres-villes.

Strong

Le rentrée a eu lieu sous des auspices bien moins favorables qu'espérés. L'Agence régional du Tourisme du Grand-Est a mis sur pied une taskforce dédiée au leisure comme au MICE, dont l'intitulé dit l'ambition : Strong Together. "Dans les semaines à venir, détaille Mireille Dartus, directrice du Convention bureau de Strasbourg, seront postées sur les réseaux sociaux des pastilles vidéo de témoignages d'organisateurs d'événements dans les trois métropoles alsaciennes, mais aussi à Reims, Nancy..."

Une démarche volontariste mais plutôt low cost. On le comprend : la moindre décision contraignante pour les rassemblements, qu'elle soit prise au niveau national ou local, viendrait annihiler l'impact des actions entreprises. Dans ce contexte, on est donc davantage dans une position d'attente - fût-ce à l'affut des opportunités - que dans un processus offensif... et onéreux. Une chose est sûre : l'IMEX de Francfort et l'IBTM de Barcelone - les deux grands-messes du MICE européen - ayant été annulées, les efforts sont tournés vers le marché français. La possibilité de voyager d'un pays à l'autre, y compris au sein de l'espace Schengen, toujours aléatoire, redouble la pertinence de cette option domestique.

Europe

"Encore deux événements originaires du Royaume-Uni qui devaient se tenir en septembre à Strasbourg ont été annulés, suite au retour de la quatorzaine (durant le mois d'août, sur initiative britannique, ndr)", confirme Mireille Dartus. Même les motifs de satisfaction ont une saveur douce-amère : "Certains events nationaux ont finalement été maintenus, tels que le congrès de la SFAP (soins palliatifs, ndr) en septembre, et nous en sommes très heureux. Mais c'était sous format hybride. Sur les 2.000 participants attendus en temps normal, je ne sais pas combien étaient effectivement présents. Les organisateurs restent très discrets sur les chiffres". 

Pour la capitale européenne, même la "rente" des sessions parlementaires a été suspendue au profit de Bruxelles. Certes, la capitale est belge n'est pas moins classée "zone rouge" que la France, mais la ville étant en réalité le lieu de travail quotidien des parlementaires européens... Le manque à gagner : quelque 5.000 députés et personnels parlementaires durant trois jours chaque mois. Dur.

Le retour des événements... "Economiquement, il le faut, techniquement, on peut, la question qui reste en suspens, c'est : est-ce que les gens vont venir ?", résume Olivier Kritter. Il poursuit : "Dans les semaines à venir, ce qui va être crucial, c'est la fréquentation des marchés de Noël". Hors sujet quand on parle MICE ? Pas du tout : si la dimension familiale de ces événements est évidente, ils constituent une activité incentive très courue des entreprises.

Marchés de Noël

Il faut s'arrêter un peu sur ce marqueur, qui confère à la destination un profil touristique inédit. Il y a une centaine de marchés de Noël en Alsace, ceux des trois métropoles alsaciennes bien sûr, des sites touristiques remarquables tels que Riquewihr et Ribeauvillé, mais aussi de dizaines de petites villes, bourgs et villages. Ils durent de une à cinq semaines. Pour une ville comme Colmar qui accueille 3,5 millions de touristes par an, la moitié d'entre eux s'y pressent à l'époque du vin chaud et des pains d'épice : un phénomène.

Sauf que ce type d'événements caractérisés par la chaleur, la convivialité, la foule, la déambulation libre sont particulièrement inadaptés, dans leur forme habituelle, aux contraintes sanitaires ayant cours. Le monde du tourisme alsacien est suspendu aux décisions préfectorales et municipales à ce sujet, dans la crainte d'un couperet qui serait d'autant plus violent que, comme l'explique Nathalie Birling, "si un gros marché alsacien est annulé, on annule les autres aussi".

Par solidarité ? Non, par bon sens. Si - prophétie qu'on ne souhaite pas autoréalisatrice - le marché de Strasbourg n'a pas lieu, une grande partie de ses visiteurs se tourneront vers les autres marchés provoquant des afflux ingérables dans le contexte actuel. "D'autant qu'on est toujours en plan Vigipirate", rappelle Mireille Dartus, évoquant sans le nommer le douloureux souvenir de l'attentat de décembre 2018 au marché de Noël de Strasbourg.

Résilience

Pourtant, la fameuse résilience que l'industrie du MICE met en avant depuis le début de la crise, se manifeste envers et contre tout en territoire alsacien. A Mulhouse, c'est le plus gros porteur de la ville, l'ancien Brit Airport qui vient de réussir sa conversion en Mercure. C'est aussi la récente ouverture de La Maison Hotel, ancien Kyriad de centre-ville, transformé en 3* chic et arty. C'est enfin, pour l'automne 2021, un nouvel espace de conférence (hémicycle de 200 places, ballroom de 250 m²) situé dans les magnifiques bâtiments XIXème de la Société industrielle de Mulhouse.

A Colmar, un M Gallery Collection 5*, L'Esquisse, sera inauguré au printemps prochain, en lisière du parc du Champ-de-Mars, entre gare et centre-ville historique. A Strasbourg, l'Hôtel des Vosges, fleuron art-déco (62 chambres, 120 m² d'espaces séminaire), rouvrira en octobre après deux ans de profondes rénovations. Déjà ouvert depuis quelques semaines, l'Aloft Strasbourg Etoile (il en compte 4), fort de ses 123 chambres et de son look pop-art, entend lui aussi prendre part à la reprise. Last but not least, ce n'est pas moins qu'un nouveau parc des expos, le PEX (notre photo), que la capitale alsacienne inaugurera en 2022.

L'attente est donc fébrile mais pas inactive.