Les appels d’offres travel se ramassent à la pelle

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Les appels d'offres travel se ramassent à la pelle

La période est à la renégociation des contrats "travel" dans des proportions rarement égalées. Pourquoi et comment ?

“Est-ce le bon moment pour lancer des appels d’offres dans le travel ?” C’est une question qui est dans l’air du temps et que l’on peut formuler de différentes façons. Par exemple, lors de sa dernière convention nationale, l’AFTM avait décidé de réunir différents acteurs du voyage d’affaires pour leur poser cette question : “Les fournisseurs ont-ils repris le pouvoir ?”

Mais à la limite, la question est de pure forme. Quelle qu’en soit sa forme, quelle qu’en soit la réponse, Anthony Poirier, partenaire d’Axys Odyssey, nous confirme ce que chacun, dans l’écosystème, constate : “J’ai rarement vu autant d’appels d’offres”. Son cabinet a récemment procédé au recrutement de dix salariés supplémentaires pour faire face à ce “rechallenge” de masse.

Est-ce le bon moment ? La réponse est oui, à moins que les entreprises clientes se soient vu frappées subitement, d’aveuglement collectif. Non pas en vertu du rapport de force qui serait en faveur des uns ou des autres. Mais d’une urgence qui trouve son origine dans une certaine pandémie.

C’est la queue de comète (pour les plus optimistes) du phénomène Covid : durant deux années, à l’image des voyages, les renégociations ont été gelées, les contrats ont été prolongés de fait, alors qu’ils avaient été signés dans le contexte 2019 ou antérieurement, en des temps bien différents de ceux de la “nouvelle normalité”.

Ubu roi

Autre phénomène : durant la crise, les TMC ont dû faire face à des situations non prévues (tellement imprévisibles !), tout en n’étant pas payées (puisque payées à la transaction) - Ubu montrant le bout de son nez, et ce, imparfaitement dans la plupart des cas, provoquant le mécontentement de leurs clients si mauvais payeurs - Ubu s’installant solidement sur son trône. D’où l’idée que l’herbe serait plus verte ailleurs. Appel d’offres.

La question “Êtes-vous prêt à travailler gratuitement ?” fait-elle partie des ces abondants request for proposal ? Il semblerait que non. D’ailleurs, le prix ne serait plus l’enjeu central des discussions. C’est ce qu’affirme Anthony Poirier, à l’unisson des intervenants de la table-ronde AFTM sus-évoquée : "La plupart des acheteurs ont compris que les éditeurs des logiciels et les TMC ne représentaient que 4 ou 5% de leurs budgets “voyages". Que les économies se feraient sur le volume des déplacements et sur l’augmentation de leur qualité. La question est : le service et les délais”.

Ainsi en va-t-il des TMC, challengées comme rarement. Antoine Delessale, directeur des Ventes Amex GBT, y déclarait : “Nous sommes dans une situation d’ultra-concurrence, à 6, 7 ou 8 à répondre à un AO”. Quant aux autres acteurs, transporteurs notamment : “Les entreprises aimeraient les attaquer, mais ils savent qu’il n’y a pas de marges. L’aérien sort de deux ans de marasme et doivent intégrer l’obligation SAF, le coût des énergies fossiles… Et le train bénéficie de taux de remplissage records !”, analyse Anthony Poirier.

Ces mêmes clients auraient aussi moins de marges de manœuvre car la sempiternelle promesse d’une augmentation de leurs volumes se heurterait à des budgets exsangues et à une PVE passée sous le boisseau, outre des économies et du ROI, de la RSE.

Décideurs vs. acheteurs ?

Externalités négatives dans l’aérien, ultra concurrence entre TMC, empêchement chez les clients, ces contraintes croisées s’annuleraient-elles pour revenir à un statu quo ante ? Il semblerait que non, pour les TMC au moins. La crise aurait produit son effet pédagogique chez les clients : le 100% transactionnel ne serait pas le bon modèle de rémunération pour les agences. 

Et - intérêt bien compté de toute part - la leçon tirée rejoindrait la volonté des décideurs des entreprises clientes est de s'offrir la meilleure visibilité possible en termes de coûts des voyages. Souci qui plaide pour l’abonnement (ou le forfaitaire, ou la licence…). Seulement, d’après Anthony Poirier, il existerait un hiatus entre les décideurs et les acheteurs. La performance de ceux-ci ne serait pas assez basée sur le gain global de l’entreprise, resterait trop cantonnée au comparatif “prix”. C’est encore un autre sujet.