Les commerciaux d’Air France coupent-ils l’herbe sous le pied des agences ?

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Les commerciaux d'Air France coupent-ils l'herbe sous le pied des agences ?

Des commerciaux Air France demandent à leurs entreprises clientes d'imposer à leur TMC une connectivité à leur NDC. Est-ce légitime ?

La scène se déroule lors d'une table ronde consacrée à l'aérien lors du dernier Congrès Selectour, fin novembre, en Jordanie. Le panel est constitué de représentants de différents transporteurs, dont Henri Hourcade, SVP d'Air France-KLM, et d'un directeur d'agence corpo du réseau invitant : Jean-Marcel Michonnet, de Vairon Voyages.

Ce dernier déclare en substance que des commerciaux de certaines compagnies aériennes visitent leurs entreprises clientes pour les encourager très fortement à demander à leur agence une connexion à leur NDC... Le modérateur, François-Xavier Izenic, soupçonne fortement qu'il s'agisse d'Air France, Jean-Marcel Michonnet ne nie pas, Henri Hourcade ne moufte pas.

On a cherché à en savoir plus sur ces pratiques et sur le ressenti des agences à ce propos. Sur la pratique, elle est confirmée par tous les responsables de TMC contactés, à des degrés divers, de "Oui, j'en ai entendu parler" à "Bien sûr, c'est fréquent". "Et pas uniquement chez Air France", précisent certains. Quant au ressenti, deux camps se détachent clairement, entre compréhension et colère.

Compréhension vs Colère

Jean-Marcel Michonnet appartient à la première catégorie. Dans les propos qu'il tenait sur scène, on n'avait effectivement relevé aucune acrimonie. Il nous le confirme : "Les commerciaux font leur boulot. Ce qui est dommageable, c'est le manque de temps pour adapter notre modèle". Il ajoute cependant que lorsqu'une TMC est en discussion avec une entreprise cliente ayant reçu ce type de préconisations, elle passe d'un rôle "de prescripteur à exécutant".

A ce propos, Tristan Dessain-Gelinet, de Travel Planet, ne comprend pas bien cette assertion, dès lors que NDC est, d'après lui, forcément la norme de demain, et assure, comme annoncé, un full-content. Cet argument, il ne le comprend peut-être pas car il détient sa propre tech. Mais pour certaines agences "agnostiques", l'argument est plus porteur.

Le dirigeant de l'une d'entre elles, dont on comprendra qu'il appartient au camp "colère" : "Les commerciaux ont des remarques très déplacées sur les TMC. Et sur les SBT aussi. Ils (Air France, ndr) promeuvent Egencia ou Cytric contre SAP Concur, par exemple. Ils font tout pour nous court-circuiter. Mais ils se tirent une balle dans le pied car puisqu'ils semblent privilégier le premium, ils vont avoir besoin de nous pour le vendre. Cette erreur ne fait que dévoiler leur fébrilité".

Dans le même esprit, un autre nous déclarera : "C'est lamentable, c'est un dévoiement des pratiques. On nous transforme en passe-plats alors que nous sommes des partenaires importants. Il y a un circuit de validation à respecter !".

Voix du milieu

Même si, contrairement à l'idée reçue, la voie du milieu n'est pas forcément la meilleure, c'est pas elle que nous conclurons. Celle de Patricia Morosini, responsable du business travel du réseau Selectour :  "Cette pratique (des commerciaux d'Air France) est plutôt légitime, surtout ces derniers mois, alors que la surcharge devait s'appliquer au 1er janvier prochain (avant qu'elle soit repoussée au 1er juillet 2024, ndr)".

> Lire aussi : La "surcharge GDS" d'Air France repoussée de 6 mois

Mais elle ajoute : "Pourtant, les SBT ne sont pas tout à fait prêts. KDS est en phase pilote, par exemple. Et quand ils (Air France) disent que les tarifs retirés d'EDIFACT ne sont pas corpo, ce n'est pas vrai pour certaines PME".

Autre voie et voix médianes, celle de Grégory Mavoïan, CEO de la TMC Globeo et président du réseau Manor : "Cet état de fait nous oblige à repenser notre manière de vendre". Une façon de valider cette "offre à tiroirs" promue par le réseau dont il a la charge en novembre dernier, lors de son congrès à Marbella. Et d'ajouter : "On doit faire preuve de pédagogie avec nos clients car avant, ils n'avaient pas à s'occuper de problèmes de connectique".

Car, en dernier ressort, ce sont bien les travel managers/acheteurs qui se retrouvent dans la position d'un consommateur qui, pour pouvoir acheter sereinement une voiture fiable et consommant raisonnablement, se voient obligés de se muer en experts de la mécanique. C'est vraiment ce qui est ressorti du Congrès AFTM qui s'est tenu ce mardi 12 septembre, on y reviendra.