Voyage d’affaires et Covid-19 (2/2) : comment les prestataires voient la reprise

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Comment les compagnies aériennes, chaînes hôtelières, TMC, outils de gestion des dépenses pros et autres loueurs de voitures travaillent-ils sur l’après-Covid ? Quid du rythme de la reprise ? Éléments de réponses auprès de responsables d’Air France, Amex, Concur, Sixt et Best Western.

Comment de grands prestataires du voyage d’affaires ont-ils géré la période du confinement ? Un webinar a été organisé la semaine dernière par GBTA France, afin d’y apporter des éléments de réponses (notre article d’hier). Les intervenants ont pu également s’étendre sur les conséquences de la crise, sur leur vision de la reprise, sur les possibles changements et évolutions des modes de consommation du voyage d’affaires.

Que vous disent vos clients sur le rythme de la reprise ? a interrogé la modératrice, Aurélie Duprez, associée fondatrice d’Areka Consulting (également membre du Board de GBTA France).

«Ils n’ont pas plus de boule de cristal que moi», a reconnu Yorick Charveriat, directeur commercial d’American Express Global Business Travel. Il existe encore beaucoup d’incertitudes. Quelles capacités les fournisseurs vont-ils mettre sur le marché ? Y aura-t-il des avions, des trains, des voitures, comme avant la crise ? Et les fournisseurs eux-mêmes sont en attente d’informations de leurs clients, pour remettre en route leurs différents capacités. L’autre interrogation concerne les conditions sanitaires. Les voyageurs ont besoin d’être rassurés. Certains veulent déjà re-voyager quand beaucoup se montrent encore inquiets. Le fait de pouvoir les joindre constamment doit aider aussi à les rassurer. Reste enfin une composante financière très importante. Avec les réunions virtuelles, les entreprises n’ont-elles pas prises de nouvelles habitudes ?».

«La priorité, poursuit Yorick Charveriat, c’est la continuité de service pour chacun de nos clients (…). Nous avons pris deux initiatives. J’ai demandé à tous nos commerciaux d’appeler leurs clients tous les lundis matins, de prendre de leurs nouvelles, de faire un point sur la reprise de l’activité dans leurs entreprises. Cela nous permet de modéliser le retour au travail de nos équipes, afin d’avoir les bonnes personnes aux bons endroits pour servir au mieux les clients au moment de la reprise. Il nous faut par ailleurs donner un maximum d’informations sur les questions sanitaires, et pour ce faire nous avons mobilisé les équipes R&D de Neo, afin d’enrichir sous peu nos contenus en ligne».

Pas de reprise du long-courrier avant la fin de l’année

Jacques de Villeplée, directeur commercial France du loueur Sixt, a insisté aussi sur les mesures sanitaires visant à rassurer les clients. Parmi celles-ci, les procédures de nettoyage des véhicules avec des nouveaux produits désinfectants et des filtres spéciaux pour les aspirateurs. « Et nos allons accélérer la mise en place de solutions digitales, également en France, permettant d’aller directement de l’avion à la voiture sans passer par le comptoir, l’ouverture du véhicule se faisant avec son smartphone» a-t-il précisé.

François Maigné, directeur des comptes globaux chez Air France-KLM, a confirmé lui aussi que les clients accordaient une grande importance aux mesures sanitaires, qu’il fallait beaucoup communiquer pour atténuer l’anxiété de nombreux passagers. Il a par ailleurs noté que la reprise s’inscrivait plutôt dans des horizons de temps relativement éloignés. «Nous avons interrogé nos clients globaux, afin de bien cerner leurs attentes, et d’anticiper sur le rythme de la reprise de leur activité. La plupart d’entre eux s’accordent pour dire qu’il y aura moins de déplacements. Et une majorité prévoit davantage de recours à la visio. Seuls 13% envisagent une reprise à court terme, 38% à moyen-terme (d’ici à septembre), plus de la moitié tablant plutôt sur le long-terme, à compter du quatrième trimestre de l’année». La reprise du domestique France est attendu entre juin et août, du moyen-courrier en septembre avec en filigrane la réouverture de l’Espace Schengen, du long-courrier en fin d’année, voire en début d’année prochaine, en fonction des décisions des États d’ouvrir ou non leurs frontières. «Les déplacements clients seront privilégiés, alors que les déplacements internes devraient connaitre un coup de frein. Et les voyages professionnels concerneront davantage le senior-management que le middle et le low-management».

Pas nécessaire de renégocier les contrats

Quid des appels d’offre aujourd’hui ? Faut-il renégocier les contrats ? François Maigné ne le juge pas nécessaire. «D’un côté, nos équipes travaillent à hauteur de 20% dans le cadre du chômage partiel. Si l’on rajoute l’incertitude lié au contexte actuel, la question est légitime. On s’estime néanmoins à même de répondre aux appels d’offre. Et nous n’invitons pas à reculer les échéances. Sur mon activité très centrée sur les comptes globaux par exemple, il n’y a pas d’accumulation de la charge de travail. De plus, les incertitudes actuelles demeureront dans les prochains mois, en raison d’interrogations persistantes, sur l’ouverture de certaines frontières ou le niveau d’activité de nos clients. Et nous n’aurons probablement pas beaucoup plus de visibilité en septembre prochain. Un dernier point enfin : s’il y a des changements dans les politiques voyages de nos clients, la couverture est suffisamment large, les conditions présentes dans les contrats nous permettent d’y faire face sans avoir à les renégocier».

Julien Million-Rousseau, directeur avant-vente de SAP Concur France, estime également être en mesure de répondre aux appels d’offre aujourd’hui. «Mon équipe reste totalement mobilisé, nous répondons comme d’habitude, on en reçoit autant qu’avant la crise. Il faut dire que les appels d’offre sont des processus assez longs. Et nos clients, en télétravail, se concentrent peut-être davantage sur des travaux de fonds. (…). Les entreprises, dans une période de crise, cherchent à effectuer des arbitrages. Les projets qui génèrent des réductions de coûts conséquents et des retours sur investissement très rapides sont priorisés».

Quel impact sur les prix ?

Aurélie Duprez a ensuite questionné François Maigné sur les contrats avec objectifs en échange de taux de remises. «Chez Air France, nous n’avons pas encore arrêté d’approche définitive. Cela devrait être calé dans les prochains jours, au plus tard dans les prochaines semaines. Nous avons connu de multiples crises dans le passé, et avons mis en place des mécanismes qui gèlent la mesure de la performance pendant ces périodes difficiles. Notre approche sera plutôt celle-ci, afin de ne pas pénaliser nos clients».

Quel impact la crise peut-elle avoir sur les prix, a également interrogé Aurélie Duprez, sachant que les mesures sanitaires ont aussi un coût. Pour Olivier Lautissier, directeur commercial de Best Western, les clients ne doivent pas pâtir de l’épidémie et de ses conséquences. «Et pour regagner leur confiance, les prix seront maintenus, voir orientés à la baisse de 5 à 10% sur certaines destinations. Mais nous préférons privilégier l’expérience client, et par exemple proposer la catégorie supérieure au prix de la standard, ou des services supplémentaires».

Vers la fin des transaction fees ?

François Maigné, chez Air France-KLM, reconnaît en revanche être incapable de dire aujourd’hui si les prix vont augmenter ou baisser dans les prochains mois, et ce même si la capacité est réduite, compte tenu de l’incertitude de la demande. Du travail en perspective pour le revenue management de la compagnie aérienne…

Aurélie Duprez s’est enfin demandé si l’on n’allait pas vers la fin du modèle de rémunération basé sur les «transaction fees». «Oui sans doute, a reconnu Yorick Charveriat (Amex GBT). Il a un peu vécu. Et ce modèle n’est absolument pas adapté à la période de crise que nous vivons aujourd’hui. Il est complexe et engage de nombreuses ressources expertes qu’il faut payer, ce qui est compliqué quand l’on n’a plus de revenus». Forfait, abonnement, management fee ? Dans quelle direction le modèle va-t-il évoluer ? « Cela devrait dépendre de chaque client. On doit en discuter avec eux tout en respectant bien sûr les contrats. Mais le but commun est clairement d’assurer une juste rémunération, qui nous protège mieux en temps de crise ».