Aérien : le grand chambardement

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Il n’ aucune difficulté respiratoire, sa température culmine à 37°5, pas de doute, Jean-Louis Baroux, président d’APG Academy. est en pleine forme. La preuve avec cette tribune qui remet les points sur les « i ».

Personne ne pensait le transport aérien fragile. Il était même l’exemple d’un secteur d’activité en croissance continue et il envisageait sérieusement de transporter 4 milliards de passagers supplémentaires en 12 ans. Pour ce faire, les compagnies aériennes et les sociétés de leasing ont passé des commandes considérables : aux alentours de 15.000 nouveaux appareils dont la valeur moyenne est de 100 millions de dollars chacun. Les chiffres donnent le vertige.

Et puis, patatras ! Tout s’est effondré en moins de 3 mois. Comment cela a-t-il été possible ? Comment expliquer que les compagnies aériennes qui prônaient le désengagement des Etats au point de se faire des procès sur ce sujet, soient toutes amenées à crier à l’aide auprès des gouvernements ? Et finalement où est passé l’argent ?

Au fond il apparaît que le transport aérien était bâti uniquement sur une dynamique de croissance. Une fois celle-ci à l’arrêt les déséquilibres s’avèrent flagrants. Il vaut mieux en avoir conscience afin de tirer les bonnes leçons pour le futur.

Depuis des années, j’écris que les compagnies aériennes marchent sur la tête. Elles ont déconnecté leur prix de leur produit. C’est la conséquence de la dictature du « Yield Management ». Ce système qui consiste à maximiser la recette de chaque vol aurait pu s’avérer intéressant s’il n’avait pas commis des excès. Comment expliquer que sur un long courrier on trouve fréquemment plus de 60 tarifs rien que dans la classe économique et ces tarifs sont étalés sur une échelle de 1 à 20. On voit bien que cela n’a pas de sens. Cette stratégie, si on peut l’appeler ainsi, n’a été mise en place que pour afficher des tarifs d’appels de plus en plus bas, qui ne paient pas les prix de revient.

Par contre, cette politique a fortement démocratisé le transport aérien, il faut le reconnaître, avec néanmoins un grand défaut : un surcroît de commandes d’appareils. Sous la pression des constructeurs et des sociétés de leasing, et dans la crainte de se trouver trop loin dans la liste des livraisons, beaucoup de transporteurs ont passé des commandes sans avoir ce qu’ils allaient faire de ces appareils. Seulement ceux-ci sont livrés et les mêmes transporteurs font des pieds et des mains pour repousser les livraisons, ce qui ne fait pas l’affaire des fabricants car les avions ne sont payés qu’au jour de leur livraison.

Le défaut majeur du transport aérien est finalement son arrogance. Et d’abord vis-à-vis de ses distributeurs. Cela s’est manifesté par l’arrêt des commissions versées aux agents de voyages. Pour économiser entre 7% et 9% du prix du billet, les compagnies ont perdu 25% de leur recette car les agents de voyages, qui, rappelons-le contrôlent encore 70% du marché et une plus forte proportion du marché affaires, ont tiré les prix à la baisse alors qu’ils faisaient l’inverse lorsqu’ils étaient rémunérés.

Ainsi, petit à petit, le secteur aérien s’est fragilisé. Sa prospérité apparente n’était due qu’à l’accroissement régulier des volumes. Les marges ont toujours été trop faibles. Mais à qui la faute si ce n’est aux acteurs de cette industrie ? Alors, lorsqu’un coup de tabac aussi fort et imprévisible s’abat sur cette activité, tous les acteurs sont au tapis car à l’exception de quelques rares compagnies vertueuses, comme par exemple Air Caraïbes en France, les transporteurs ne disposent pas des réserves suffisantes pour passer cette période oh combien difficile.

Il faudra bien tirer les leçons  de cette épreuve. Il paraît d’abord plus qu’urgent de tisser des relations de confiance entre les agents de voyages et les transporteurs. Cela ne peut passer que par la réforme de IATA. Cette organisation est pour le moment la représente exclusive d’une seule partie du transport aérien : les opérateurs. Elle doit accueillir en son sein l’autre versant du transport aérien, ceux qui amènent la clientèle, je veux parler des agents de voyages. Ainsi IATA peut devenir l’instance où se règlent tous les aspects commerciaux de cette activité, tout comme l’OACI le fait pour la réglementation opérationnelle. Le transport aérien ne pourra se redresser que par l’action conjuguée de tous les acteurs. Pourquoi alors les représentants des agents de voyages de chaque pays n’auraient pas un siège chez IATA avec une voix équivalente aux compagnies aériennes, en particulier lorsqu’il s’agit de régler les relations entre les compagnies et leurs distributeurs ?

Il est infiniment plus dangereux de ne rien changer que de procéder non pas à des ajustements, mais à une reconstruction de cette activité dont tout le monde vante, à juste titre, la valeur essentielle pour la paix et le développement de la planète.