Décarbonation de l’aérien : Augustin de Romanet (ADP) sans langue de bois

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A l’occasion de l’AG du chapitre France du Board of Airlines Representatives (BAR), le PDG d’ADP a encouragé les compagnies à augmenter le prix de leurs billets pour soutenir les surcoûts induits par la transition écologique du secteur.

Depuis, au moins, son fameux « Si demain matin le trafic aérien devait décroître, ce n’est pas une tragédie existentielle pour nous » de septembre dernier, surprenant de la part du patron des Aéroports de Paris (ADP), on sait Augustin de Romanet peu enclin à la langue de bois. Mais, à l’époque, la mini-bombe ayant été lâchée dans un média (plus ou moins) grand public – BFM Business, on pouvait croire à une petite sortie démago qui ne coûte pas cher en ces temps « green-concerned’.

Nenni ! Puisque mardi dernier, devant les plus proches de ses partenaires, dans une salle feutrée si ce n’est capitonnée, de l’Intercontinental Opéra (Paris IXe), à l’occasion de l’AG du Board of Airlines representatives (BAR), soit le plus parfait entre-soi, Augustin de Romanet en a remis une louche dans le plat dans lequel il met les pieds.

La tech, c’est l’enjeu

Le départ ne mange pas de pain : « Dans la décarbonation de l’aérien, nous sommes dans une course de vitesse avec la technologie« . Dans les propos qui suivent, on sent que l’assiette peut déborder : « Jusqu’en 2019, le secteur aérien n’était pas vraiment préoccupé par la décarbonation . A l’époque, un patron d’une grande compagnie me disait : ‘Je ne pourrai jamais supporter le SAF, c’est trop cher’; et dans le même temps, un président d’une compagnie pétrolière me confiait : ‘Moi je vais produire du SAF avec de l’huile de palme’. Comme quoi les temps ont changé et détruire des forêts primaires pour faire voler des avions, ce n’est plus une option.« 

De la même façon, désormais, le PDG d’ADP estime que « les compagnies sont en mesure d’utiliser (des carburants aux) taux de SAF relativement élevés car les coûts ne sont pas si insupportables que ça« . Ou plus exactement répercutables sur le prix des billets. Car « qu’on s’en réjouisse ou non« , la clientèle de l’aérien serait « prospère« . La preuve : « En 2022 on est revenu à Orly aux volumes de 2019 malgré des billets plus chers de 30 à 60%« .

Et Augustin de Romanet, pour soutenir son propos, de rappeler quelques chiffres : « Il y a 10% des Français qui prennent l’avion plus d’une fois par an, 10% une fois par an, 80% qui ne le prennent quasi jamais. Et à l’échelle de la planète, c’est encore plus spectaculaire : 1% des habitants ont pris l’avion l’an dernier et 5% ont pris l’avion une fois dans leur vie. Donc la plupart des passagers le prennent très souvent. » Et sont donc peu sensibles aux variations de prix.

Pour une hausse des prix

Nul ne doute de la finesse et de l’acuité de l’analyse d’Augustin de Romanet. On peut la qualifier un peu plus précisément : elle est soutenue par une intelligence circulaire. Car à l’issue de cet étalage de statistiques, la « course de vitesse avec la technologie« , annoncée en introduction, s’éclaire d’un nouveau jour : c’est donc la technologie qui est déterminante, l’argent n’est pas le problème. Et s’il faut gagner cette course, c’est pour un enjeu d’image du secteur. Mais aussi : « Parce que, d’après les chiffres de l’OACI elle-même, si on ne fait rien, les 2% d’émissions de CO2 que représente aujourd’hui l’aérien se transformeront en 10% d’ici 2050« .

Que cette augmentation des prix de l’aérien rende le secteur moins accessible encore aux plus modestes, le patron des aéroports de Paris ne le nie pas. Mais ça, c’est « un débat politique« , une des « contradictions du système » desquelles « le secteur ne doit pas être prisonnier« . 

En outre, cette augmentation des tarifs aurait des effets collatéraux tout à fait souhaitables : faire baisser la pression sur les aéroports (comme un rappel de septembre dernier, « intelligence circulaire », disions-nous) et « rendre le modèle économique des compagnies plus soutenable« . Plus soutenable, certes, mais plus solide aussi puisqu’Augustin de Romanet estime qu’en 2022, les compagnies auraient transformé la surcharge SAF en aubaine : avec des augmentations tarifaires allant au-delà de la compensation de ces surcoûts… « Et je pense que c’est une bonne chose« , lance Augustin de Romanet. Dans la salle, personne ne moufte.